Le président : la critique du film (1961)

Drame politique | 1h50min
Note de la rédaction :
7/10
7
Le président, affiche du film avec Jean Gabin

Note des spectateurs :

Toujours d’actualité par sa description sans fard du monde politique, Le président souffre sans doute d’une forme un peu surannée. Mais son propos brillant est porté par des dialogues flamboyants et des acteurs au firmament.

Synopsis : Agé de 73 ans, l’ex-président du conseil français Emile Beaufort joue toujours un rôle central dans la vie politique du pays. La rédaction de ses mémoires lui permet de revenir sur son parcours et d’évoquer ses relations avec Philippe Chamalont, sur le point de devenir président du conseil.

Un projet entièrement porté par Jean Gabin

Critique : Adaptation d’un roman éponyme de Georges Simenon paru en 1957, Le président est l’occasion pour Jean Gabin de retrouver Henri Verneuil, avec qui il a déjà tourné Des gens sans importance (1956). En ce début des années 60, Jean Gabin est totalement maître de sa carrière. Il travaille ainsi avec la même équipe technique et artistique dont l’inévitable Michel Audiard aux dialogues. Aussi, Henri Verneuil se trouve-t-il parachuté dans un milieu très codifié qu’il doit apprivoiser. Gabin ne tourne qu’en studio, non loin de son domicile et généralement uniquement l’après-midi.

La principale difficulté fut d’abord d’adapter un roman très sombre qui tutoie sans cesse le mortifère afin de le proposer au grand public. La description du fonctionnement de la IVème République est donc largement simplifiée – d’autant que ses arcanes sont encore dans toutes les mémoires en 1961, soit trois ans seulement après sa disparition. Le fameux président du Conseil incarné par un Gabin vieilli pour l’occasion est quant à lui un mélange de plusieurs grandes figures politiques du 20ème siècle comme Georges Clémenceau, Jean Jaurès et de Gaulle.

Un anarchisme de droite qui arrose large, mais demeure séduisant

On retrouve à travers les dialogues d’Audiard un positionnement politique ambigu, que certains ont qualifié à l’époque de poujadiste. Pourtant, Verneuil et son dialoguiste ont tout fait pour brouiller les pistes. Personnalité qui dénonce les travers de l’affairisme, le président se réclame notamment de l’héritage de Jaurès. Pourtant, il n’hésite pas non plus à se définir comme un anarchiste misanthrope qui serait en même temps conservateur. En somme, il serait un anarchiste de droite, oxymore non dénué de sens.

Si la structure du film en flashback permet de mieux comprendre l’évolution de l’homme politique, certaines séquences centrées sur un Gabin vieillissant traînent un peu la patte et alourdissent le long-métrage. On préfère largement les nombreux passages où le personnage est au pouvoir. Dès lors, la description des rouages de l’Etat, ainsi que la dénonciation des manœuvres politiciennes s’avèrent passionnantes.

Une dénonciation percutante de l’affairisme en politique

On signalera notamment l’extraordinaire séquence centrale du discours du président à la Chambre. Tournée sous forme de plusieurs plans-séquences, ce passage permet aux auteurs de déployer leur argumentaire avec force. On notera notamment l’exceptionnelle modernité du propos qui pourrait être intégralement appliqué de nos jours.

Les auteurs dénoncent ainsi la collusion entre milieu d’affaires et carrière politique, mais aussi la dérive d’une démocratie où le sens de l’Etat semble se déliter. Au lieu d’avoir à sa tête des hommes dont l’action est uniquement guidée par l’intérêt général, l’Etat voit la généralisation des « boutiquiers » auxquels s’en prennent Audiard et Verneuil. Une prise de position qui n’a malheureusement pas vieilli. Les auteurs évoquent également la construction européenne et opposent les idéaux défendus au 19ème siècle par Victor Hugo et les traités commerciaux  passés après 1957, réduisant cette magnifique idée à un vaste marché aux mains de financiers peu scrupuleux.

Des acteurs au sommet pour un joli succès public

Porté par un Jean Gabin absolument brillant, Le président est certes une œuvre un peu languissante, mais elle propose de beaux numéros d’acteurs grâce au talent de Bernard Blier et de l’ensemble du casting. Descendu à l’époque par les critiques, le film a pourtant su séduire le grand public en cumulant près de 2,8 millions d’entrées sur toute la France. Ce n’est certes pas le meilleur résultat de Gabin au box-office, mais au vu du sujet, il s’agit d’une très belle performance. D’ailleurs, Verneuil et Gabin continueront ensuite à travailler ensemble pour des œuvres majeures comme Un singe en hiver (1962), Mélodie en sous-sol (1963) et Le clan des Siciliens (1969).

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Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 1er mars 1961

Le président, affiche du film avec Jean Gabin

© 1961 Cité Films / Illustrateur : Clément Hurel. Tous droits réservés.

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