Film de SF horrifique qui s’autorise des dérapages gore, Le monstre immortel (Caltiki) est une série B diablement efficace, et ceci malgré des effets spéciaux largement dépassés. Le savoir-faire de Freda et de Bava fait encore merveille.
Synopsis : Lors d’une expédition dans un ancien temple Maya, des archéologues découvrent la statue millénaire de Caltiki, la déesse de la mort. Un monstre surgit et s’en prend à un membre de l’équipe, lui greffant une substance gélatineuse. Au même moment, la comète Arsinoé passe près de la Terre, augmentant la radioactivité. La masse informe grossit progressivement, ravageant tout sur son passage.
Un pillage en règle de deux gros succès de la fin des années 50
Critique : Après avoir signé les films gothiques Le château des amants maudits (1956) et Les vampires (1957), le réalisateur populaire Riccardo Freda envisage d’aborder un autre genre à la mode, à savoir la science-fiction horrifique. Il reçoit l’accord du producteur Nello Santi de la Galatea Film pour écrire un script avec son complice Mario Bava qui serait un mélange de quelques œuvres américaines ayant cartonné au box-office international.
C’est ainsi que les deux hommes et le scénariste Filippo Sanjust se mettent au travail en pillant deux gros succès récents. Ils reprennent la structure scénaristique du Monstre (Guest, 1955) et de sa suite La marque (Guest, 1957), en mélangeant le tout avec une créature très proche – pour ne pas dire identique – à celle de Danger planétaire (Yeaworth Jr., 1958), plus connu sous son titre original The Blob. Si l’on ajoute à cela l’utilisation par l’armée de lance-flammes que l’on croirait tout droit sortis de La chose d’un autre monde (Nyby, Hawks, 1951), on se retrouve donc avec Le monstre immortel (Caltiki) face à un cas évident de pillage comme seul savait le faire le cinéma bis italien de l’époque.
Une ambiance mystérieuse, sublimée par des éclairages expressionnistes
Si l’origine malhonnête du projet ne fait aucun doute, force est d’admettre que le résultat final est tout à fait méritoire, puisque Riccardo Freda, puis Mario Bava qui a tourné une grande partie du film, ont apporté leur goût pour le macabre qui était déjà présent dans leurs œuvres précédentes. Du coup, Le monstre immortel (Caltiki) s’avère sans doute moins bon que Le monstre (Guest, 1955), mais nettement supérieur au médiocre Blob (1958).
Fonçant bille en tête, les deux coréalisateurs ne s’embarrassent guère de longs discours, là où la plupart des films de SF de l’époque étaient très bavards et donc ennuyeux. Freda et Bava nous plongent immédiatement dans l’action par une première partie mystérieuse à souhait. L’ambiance y est tendue, sublimée par des éclairages expressionnistes magnifiques signés Mario Bava et une tendance au gore qui était plutôt rare à l’époque dans les produits anglosaxons.
Des effets spéciaux rudimentaires, mais non dénués de charme
Particulièrement macabre par ses décors, parfois très violent et mille fois plus osé que le moindre film américain, ce produit hybride respire l’amour du travail bien fait, et ceci malgré la minceur du budget. Bien entendu, au vu des restrictions budgétaires, les effets spéciaux sont parfois rudimentaires. Ainsi, certains chars sont clairement des jouets en plastique et les miniatures sont parfois très visibles, mais cela ne nous empêche pas de prendre plaisir à cette bande horrifique très efficace et assez jubilatoire par-delà ses défauts. On notera d’ailleurs que la totalité des effets ont été encore une fois réalisés par Mario Bava. On peut notamment admirer son talent pour créer la créature étrange, même si elle ressemble parfois à une vieille serpillère.
Au milieu de ce déferlement d’action et de rebondissements, les acteurs n’ont pas grand-chose à interpréter si ce n’est des archétypes. Le pauvre John Merivale n’a clairement pas les épaules pour incarner le héros scientifique. Son manque de charisme est heureusement en partie compensé par le jeu correct de Didi Perego dont ce fut l’un des premiers rôles à l’écran. On apprécie également l’interprétation hallucinée de l’acteur allemand Gérard Herter qui fait un antagoniste vraiment inquiétant.
Petit film d’exploitation vraiment bien troussé, le métrage n’a pas eu un grand succès en Italie, mais est parvenu jusque sur les écrans français sous le titre Le monstre immortel, avec en sous-titre Caltiki. Depuis cette époque, le métrage a été réédité en vidéo sous le titre Caltiki, le monstre immortel, comme récemment chez Artus Films. L’occasion rêvée de redécouvrir cette œuvre mineure, mais encore très efficace, pour peu que l’on accepte les limites de ses effets spéciaux bricolés.
Critique de Virgile Dumez