Remake efficace d’un film de science-fiction des années 50, Le Blob est un spectacle qui mêle effets gore saisissants et ambiance grand public avec un certain bonheur. Le casting, par contre, est un peu fade.
Synopsis : Une météorite percute la Terre. Une masse informe s’en extrait et grandit en ingérant un à un les habitants d’Arborville, petite ville de Californie. La créature, le « blob », se glisse partout, traque ses proies et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Dans cette ambiance d’enfer, les adolescents Meg Penny et Brian Flagg tentent de survivre, alors qu’une mystérieuse équipe gouvernementale met la ville en quarantaine.
Un remake qui a mis du temps à se monter
Critique : Scénariste du film de science-fiction Dreamscape (Ruben, 1984), Chuck Russell propose au producteur Robert Shaye d’écrire avec son ami Frank Darabont un remake de Danger planétaire (Yeaworth Jr., 1958), plus connu aux États-Unis sous le titre The Blob. Mais Robert Shaye n’est pas enthousiasmé par le concept et propose aux deux hommes de travailler plutôt sur une suite de la saga à succès Freddy. C’est ainsi que le premier long-métrage réalisé par Chuck Russell fut Les griffes du cauchemar (1987) pour le compte de la compagnie New Line.
Comme le film a été un gros succès mondial, confirmant la popularité du personnage du croquemitaine auprès de la jeune génération, grâce à un ton plus cartoonesque et humoristique, les grands studios sont désormais plus réceptifs au projet de remake du Blob. L’énorme succès remporté par La mouche (Cronenberg, 1986), autre remake d’un film des années 50, a sans doute pesé dans la balance. Russell et Darabont présentent leur script aux exécutifs du studio TriStar Pictures qui valide cette fois-ci le projet et alloue un confortable budget évalué à 19 millions de dollars, soit 44,4 M$ au cours ajusté de 2021. De quoi permettre d’embaucher d’excellents techniciens des effets spéciaux – encore pratiques à l’époque et non numériques – et de construire d’imposants décors qui donnent à cette série B des allures de jolie production dans un style proche de celui des productions Amblin très populaires à l’époque.
Le Blob ou la rencontre entre une ambiance à la Spielberg et le cinéma gore
Ainsi, le cadre provincial de la petite ville rappelle immédiatement celui de Gremlins (Dante, 1984), tandis que la description des personnages – tous des archétypes à la limite du cliché – s’apparente à une production classique visant un large public, puisqu’on y trouve notamment des gamins, un chien mignon et des éléments propres à plaire à la masse. La musique très efficace de Michael Hoenig fleure également bon la grosse production et non les arrangements cheap courants dans les films bis de l’époque.
Enfin, on notera la présence au casting de jeunes comédiens qui manquent clairement de charisme. Si la jeune Shawnee Smith donne tout pour faire une héroïne crédible, on peut être déçu par le manque de présence à l’écran de Kevin Dillon, petit frère de Matt Dillon qui n’égale aucunement son frangin. Il fait un piètre adolescent rebelle à la James Dean et ne possède donc pas les épaules du rôle. Le reste du casting, constitué de seconds couteaux, n’est guère plus enthousiasmant.
Le monstre venu d’ailleurs est la seule vraie vedette du film
Finalement, la véritable vedette et principale attraction du film vient bien du fameux Blob. Cette masse gélatineuse rose a la particularité de grossir à force de se nourrir d’êtres humains. Et sur ce point, Chuck Russell et Frank Darabont ont été particulièrement généreux puisque les meurtres sont nombreux, très souvent gore et très imaginatifs. Certes, ils reprennent à leur compte certaines idées vues dans l’original de 1958 comme la séquence de l’attaque du cinéma, mais ils parviennent à chaque fois à surpasser le métrage plutôt faible avec le jeune Steve McQueen. En référence évidente ià Psychose d’Hitchcock, des personnages que l’on pensait centraux sont sacrifiés. Et la mort atroce d’un gamin d’une dizaine d’années est impressionnante.
Enfin, contrairement au film des années 50 qui était une énième métaphore de l’invasion communiste, Le Blob des années 80 préfère introduire la notion d’un complot gouvernemental en vue de se doter d’une arme bactériologique. Dès lors, l’ennemi n’est plus extérieur, mais bien niché au cœur des institutions du pays, ce qui rejoint les interrogations d’un John Carpenter.
Le Blob ou l’histoire d’un échec commercial
Jamais exceptionnel, mais tourné avec un réel amour du genre et une indéniable efficacité immédiate, Le Blob possède en plus des effets spéciaux traditionnels qui tiennent encore bien la route de nos jours. D’une belle générosité en matière de morts atroces et d’action, le film s’avère un divertissement tout à fait recommandable. Pourtant, le long-métrage a été un gros échec lors de sa sortie aux États-Unis où il n’a généré que 8,2 M$, très éloigné du budget consacré à sa production. Le concept a sans doute paru trop vieillot à la jeune génération qui a visiblement boudé le long-métrage, pourtant sorti avec la force de frappe d’un grand studio.
Cet échec commercial a été confirmé en France malgré une présentation au Festival d’Avoriaz en 1989 où le métrage a décroché le Prix des meilleurs effets spéciaux. Sorti dans la foulée début février 1989, Le Blob n’est entré qu’en sixième position du box-office parisien lors de sa semaine d’investiture avec 40 701 curieux. Malheureusement, le métrage s’est rapidement écroulé, perdant 50 % de sa fréquentation d’une semaine sur l’autre. Le Blob s’éteint au bout de six semaines d’exploitation avec 79 478 tickets vendus à Paris.
Un échec qui a entravé la carrière de Chuck Russell
Dans le reste de la France, Le Blob entre en 5ème position la première semaine avec 124 112 spectateurs. L’écroulement est similaire à celui de Paris avec une extinction mi-mars autour de 373 711 entrées, ce qui est également décevant.
Cet échec a bien évidemment enterré l’idée de développer une suite, tandis que le cinéaste Chuck Russell a perdu du crédit auprès des producteurs. Il n’est revenu à la réalisation que six ans plus tard avec le cartoonesque The Mask (1994) qu’il signe d’ailleurs de son prénom Charles, comme pour mieux faire oublier son passé dans l’horreur. La comédie avec Jim Carrey fut un tel triomphe que sa carrière fut relancée durant une courte période, avant de sombrer à nouveau dans un anonymat certain.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 1er février 1989
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© 1988 TriStar Pictures Inc. All Rights Reserved. / Affiche : Gilbert Raffin pour l’agence Publicis. Tous droits réservés.