En mixant aventures exotiques, cannibales, et morts vivants putrides et en convoquant même les ombres menaçantes du docteur Moreau, le producteur Fabrizio De Angelis essayait de réitérer le succès de L’enfer des zombies de Lucio Fulci qu’il avait produit lui-même un an plus tôt. Mais La terreur des zombies digne de figurer au panthéon des nanars n’en n’aura pas le même impact. Le charme néanmoins opère encore.
Synopsis : Les vols d’organes dans les hôpitaux de New York se multiplient. Une équipe d’anthropologues et de journalistes vont relier ces crimes à une secte se trouvant dans une petite île de l’Asie du Sud. Une fois sur place, nos héros seront non seulement confrontés à cette secte cannibale mais également à de terrifiants morts-vivants. L’inquiétant Dr. Butcher serait-il à l’origine de ces phénomènes monstrueux ?
Critique : Père d’Enzo G. Castellari (celui-là même qui, selon ses dires autobiographiques, avait dit non à L’enfer des zombies) et réalisateur d’environ quatre-vingt longs-métrages entre le milieu des années 40 et le début des années 80, Marino Girolami fait partie de ces artisans transalpins qui ont œuvré dans tous les genres possible au gré des modes et des besoins des producteurs. L’homme a ainsi tourné de très nombreuses comédies populaires mettant en scène le duo Franco et Ciccio, mais il s’est également illustré dans le western spaghetti, dans l’érotisme bon marché et enfin dans le film d’horreur bien gore avec cette Terreur des zombies, devenu culte auprès d’une armée de bisseux.
Après L’enfer des Zombies, un 6e film pour Fabrizio De Angelis
Pourtant, il n’y a pas grand-chose à sauver a priori dans ce produit bassement opportuniste mis en place par le producteur Fabrizio De Angelis (futur producteur de L’au-delà, La maison près du cimetière, Les guerriers du Bronx…) qui cherche à surfer sur les derniers succès en date du cinéma horrifique italien. Tourné dans les décors mêmes de L’enfer des zombies (1979) de Lucio Fulci, (à Saint-Domingue, en Martinique, mais aussi à New York), avec la même équipe technique et son acteur star Ian McCulloch, ce nouvel avatar trompe son monde sur la marchandise puisque les fameux spectres d’outre-tombe n’interviennent que de manière épisodique.
En réalité, les scénaristes préfèrent largement recycler d’autres thèmes tel que celui du cannibalisme (Ruggero Deodato vient tout juste de dégoupiller son Cannibal Holocaust), mais aussi celui du savant fou qui possède une île où il pratique des expériences (merci à L’île du docteur Moreau). Enfin, certaines séquences semblent carrément empruntées à d’autres productions récentes comme La montagne du dieu cannibale (Sergio Martino, 1978) avec la sculpturale Ursula Andress.
Aux USA, on mettra l’accent sur le savant fou avec un titre grotesque (Doctor Butcher Medical Deviate) pour capitaliser sur le phénomène de L’île du Docteur Moreau. Les morts vivants n’en deviennent que plus accessoires. Le distributeur américain Aquarius spécialisé dans les films de quartier (Halloween, Face à la mort, Cannibal Ferox, L’au-delà, Raw Force) n’a peur de rien et retravaille ainsi le montage et la musique pour célébrer cette déviance cinématographique.
Zombie Holocaust ou La terreur des Zombies ? Ils ont choisi
Si Fabrizio Del Angelis commence à travailler sur le métrage dès 1979, sous le titre de Queen of the Cannibals, en ayant en tête le personnage de Ursula Andress qui sera repris plus ou moins ici par l’actrice Alexandra Delli Colli, il ne masquera en rien, à l’arrivée, son penchant pour Cannibal Holocaust, en conférant au film en 1980 le titre délirant de Zombi Holocaust.
En France, en DVD, l’éditeur Néo Publishing, en 2007, s’amusera à retitrer la chose sur pellicule Anthropophage Holocaust, mais le distributeur cinéma Jacques Leitienne préfère la sobriété de La terreur des zombies, en 1981, en référence à Romero et à Fulci. Mais il faut savoir que Cannibal Holocaust sortait le même jour dans nos salles. Il faut donc distinguer les deux titres. Néanmoins, en DVD, lors de la première édition de feu Néo Publishing, en 2004, c’est bien le titre pompier de Zombie Holocaust qui sera privilégié, mais avec un “e”, au mot zombi.
Excès de gore putride pour créer de la tension
Les références du cinéma d’exploitation italien sont bien ancrées dans La terreur des zombies, mais Marino Girolami est dépassé et se contente d’endosser le statut de faiseur, aux mains d’un producteur qui contrôle tout. Il livre donc une production avide de proposer des scènes toujours plus excessives dans leurs débordements graphiques, avec une gratuité confondante. Le script totalement absurde et la confection technique relevant du pur amateurisme ne permet pas de donner de la texture à la barbaque étalée à l’écran. Visiblement, le cinéaste semble persuadé qu’il suffit de tartiner l’écran de tripes pour créer une tension palpable. En réalité, son film fait illusion le temps d’une première scène d’hôpital bien torchée, soutenue par une musique électronique efficace de Nico Fidenco qui parfois recycle non sans plaisir le score qu’il composa pour Emanuelle et les derniers cannibales d’un certain Joe d’Amato, futur réalisateur de Porno holocaust et Blue Holocaust !
Italo fiasco
Malheureusement, dès l’apparition des acteurs, la crédibilité souffre de la médiocrité globale de l’interprétation. Lorsqu’un des personnages se défenestre ; le mannequin utilisé pour sa chute perd un bras lors de la collision avec le sol. Le spectateur comprend l’ampleur du désastre.
Le reste du métrage sera à l’avenant, avec des effets spéciaux pas toujours maîtrisés (les maquillages et masques de macchabées errants sont co-signés par Rosario Prestopino qui recyclera ses efforts sur Le manoir de la terreur d’Andrea Bianchi quelques mois plus tard) et une facture technique globalement déplorable.
Avec un bon sens du second degré chevillé au corps, les éclats de rire chassent parfois les accès de colère devant ce pur désastre artistique. Mais avec du recul, si l’on se situe très loin des réussites majeures de Fulci, Deodato ou Martino dans un genre que nous aimons follement, l’incongruité de la chose et son ambiance italo-fiasco, rend ce joyeux désordre totalement irrésistible pour les amateurs de bis rital dégénéré du début des années 80.
Critique de Virgile Dumez et Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 22 avril 1981
Box-office :
La terreur des zombies n’est resté que deux semaines en salles à Paris et dans sa périphérie. Le film trouve pourtant 18 cinémas lors d’une semaine d’entame décevante : 16 399 entrées et une toute petite 12e place. Il faut dire que cette même semaine paraissait sur les écrans un certain Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato, autre production italienne gore et interdite aux moins de 18 ans, mais avec une réputation notoire qui en fait un petit phénomène (26 537 entrées dans 10 salles cette semaine).
Dans quelles salles en intra-muros pouvait-on voir La terreur des zombies?
L’UGC Ermitage, le Rex, le Magic Convention, les Montparnos, l’UGC Danton, le Rio Opéra, l’UGC Gare de Lyon, l’UGC Gobelins, les 3 Secrétans, le Paramount Montmartre.
Dans un contexte dominé par Elephant Man en première place (88 665 entrées, 3e semaine) et Pulsions de Brian De Palma en deuxième place (87 936 entrées, 2e semaine), les autres nouveautés ont pour titre Les faucons de la nuit (avec Sylvester Stallone, 34 570 entrées dans 24 salles), Gamines ouvertes (23 526 entrées, dans 10 salles), Une photographe très spéciale (15 327 entrées, dans 6 salles), Le dragon de Hong Kong (11 563 entrées, dans 4 salles), L’homme fragile (11 082 entrées, dans 9 salles), Les cascadeurs du Kung Fu (7 631 entrées à La Cigale), et une ribambelle de production à caractère pornographique.
Au moins, La terreur des zombies parvient à faire mieux que Mr Patman qui échoue à atteindre les 10 000 entrées malgré 15 salles.
Le distributeur de La terreur des Zombies, Les Films Jacques Leitienne sort parallèlement la comédie Les zizis baladeurs, en exclusivité à la Maxéville (1 515 entrées, 1 salle).
A peine sorti en salle, déjà en VHS chez MPM
Moins de trois mois après, l’éditeur de vidéocassette MPM Production propose une première édition vidéo de cette Terreur des zombies qu’il ressortira également dix ans plus tard, et même sous un titre alternatif, Carnages.
En France, il n’existe à ce jour qu’une édition DVD. Elle est parue chez Néo Publishing en 2004, avant une réédition sous le titre d’Anthropophage Holocaust, en 2007 chez ce même éditeur.
Si les Anglo-saxons ont édité de très nombreuses éditions HD (88 Films, Umbrella, Severin…), l’Hexagone est de son côté très en retard.
Biographies +
Marino Girolami, Ian McCulloch, Donald O’Brien, Alexandra Delli Colli, Sherry Buchanan, Peter O’Neal
Mots clés :
Les cannibales, Le cinéma d’exploitation italien, Les savants fous au cinéma, Nanar, Les zombies