L’au-delà : la critique du film (1981)

Epouvante-Horreur, Surnaturel, Gore | 1h27min
Note de la rédaction :
9/10
9
L'au-delà, l'affiche française

  • Réalisateur : Lucio Fulci
  • Acteurs : Veronica Lazar, Lucio Fulci, Catriona MacColl, David Warbeck, Cinzia Monreale, Alberto Dell’Acqua
  • Date de sortie: 14 Oct 1981
  • Nationalité : Italien
  • Titre original : ...E tu vivrai nel terrore! L'aldilà
  • Scénario : Dardano Sacchetti, Giorgio Mariuzzo et Lucio Fulci
  • Directeur de la photographie : Sergio Salvati
  • Musique : Fabio Frizzi
  • Distributeur : UGC
  • Editeur vidéo (VHS) : Carrère Vidéo Distribution
  • Editeur vidéo (Mediabook) : Artus Films
  • Sortie vidéo (Mediabook) : Le 16 octobre 2018
  • Budget : 400 000 $
  • Box-office France / Paris-périphérie : 261 830 entrées / 68 958 entrées
  • Classification : Interdit aux moins de 16 ans
Note des spectateurs :

L’au-delà est le chef d’œuvre de Lucio Fulci. Tout simplement.

Synopsis : Une jeune femme hérite d’un hôtel à la Nouvelle Orléans. Alors qu’elle entreprend des travaux de rénovation, des phénomènes étranges font de sa vie un véritable enfer.

Fulci propose un patchwork des derniers succès du moment

Critique : La genèse de L’au-delà (1981) ressemble à s’y méprendre à celle de nombreux films italiens des années 70-80. Le producteur Fabrizio De Angelis a l’idée du titre L’au-delà et fait immédiatement dessiner une affiche en y ajoutant le nom de Lucio Fulci qui venait de triompher avec Zombi 2, l’enfer des zombies et Frayeurs afin de vendre le produit et de réunir un budget suffisant pour tourner un long-métrage alors dépourvu du moindre scénario. Environ 400 000 dollars sont collectés et Dardano Sacchetti est alors appelé en urgence pour écrire un script en un temps record.

Ce dernier utilise des éléments issus des derniers succès du moment : un peu d’Amityville pour la maison hantée par des forces diaboliques, beaucoup de Shining pour l’hôtel démoniaque et la chambre maudite et de nombreuses correspondances avec le récent Inferno de Dario Argento. Enfin, comme Lucio Fulci vient de se faire un nom dans le domaine du film de zombis, on injecte à tout ceci une bonne dose de macchabées titubants, histoire d’exploiter le récent prestige acquis par le cinéaste. Cette démarche purement mercantile pouvait déboucher sur un énième nanar sans intérêt, mais elle a finalement enfanté l’un des films les plus marquants des années 80.

L'au-delà, l'affiche italienne du Lucio Fulci

© 1981 Fulvia Film / Illustrateur : Enzo Sciotti. Tous droits réservés.

Le film de commande devient le métrage le plus fou de son réalisateur

En réalité, le réalisateur Lucio Fulci est parvenu par la grâce de sa réalisation à transformer tous les obstacles éventuels en avantage. L’absence de scénario structuré lui permet par exemple de se délester de tout l’attirail narratif classique et d’abandonner toute forme de rationalité au profit d’un fantastique onirique audacieux. L’impossibilité de montrer l’invasion des forces infernales sur le monde entier pour cause de budget insuffisant l’oblige à travailler son ambiance au maximum au point qu’il parvient à suggérer la fin des temps en seulement quelques plans.

Mais le plus impressionnant dans L’au-delà demeure cette science du montage qui fait peu à peu perdre pied au spectateur en jouant sur ses perceptions. La multiplicité des faux raccords passe initialement pour une maladresse, mais très rapidement Fulci s’amuse à brouiller les repères des personnages, et dans le même temps ceux du spectateur. Ainsi, pas un seul lieu n’est raccord avec la scène précédente – que ce soit dans le décor ou vis-à-vis des objets présents.

Un dérapage incontrôlé vers la folie ?

Ces légers dérapages nous troublent d’autant plus qu’ils s’inscrivent pourtant dans une mise en scène à priori réaliste – le cadre de la Nouvelle-Orléans est clairement indiqué et les personnages font systématiquement appel à une forme de rationalité dans l’explication des phénomènes. Au fur et à mesure, Fulci nous invite à abandonner tout cartésianisme face au déchaînement des forces infernales, au point que les dernières scènes font même fi de toute logique géographique. Les personnages sont-ils encore à l’hôpital ? A l’hôtel ? En enfer ? Ou tout simplement prisonniers de la toile du peintre mort en début de métrage ? Autant de questions que Fulci laisse en suspens pour mieux laisser l’imagination du spectateur vagabonder.

Si le film propose quelques magnifiques moments de pur onirisme (l’apparition de l’aveugle et de son chien sur une autoroute perdue au milieu de l’océan, ou encore la séquence finale dans les enfers), il n’en demeure pas moins l’un des plus charnels de son auteur. Véritable symphonie de chairs en putréfaction, L’au-delà reste aussi dans les mémoires comme un chef d’œuvre du gore. Dans un style quasiment pornographique, Lucio Fulci ausculte les chairs meurtries de ses victimes avec un sadisme évident. La figure centrale de l’œil est d’ailleurs là pour rappeler le voyeurisme de la démarche esthétique de l’auteur.

L’au-delà s’impose comme le chef d’oeuvre du macabre

Jamais avare de gros plan sur une plaie purulente, Fulci se fait alors poète du macabre. Il nous livre ici un nombre impressionnant de morts violentes, toutes plus atroces les unes que les autres. Il faut ici saluer la contribution de Giannetto De Rossi qui a réalisé la plupart des effets spéciaux de maquillage directement sur les acteurs. On n’est pas près d’oublier la démentielle séquence avec les araignées, mais aussi une énucléation bien affreuse qu’on croirait réalisée pour la 3D, ainsi que plusieurs scènes où les chairs des protagonistes sont rongées par de l’acide.

Mais tout ceci ne serait pas aussi réussi sans le travail impressionnant effectué sur le son. Lors des séquences d’angoisse, l’univers sonore du spectateur est imperceptiblement troublé par des petites interférences qui nous mettent en alerte, tandis que les moments gore sont sublimés par des bruits de mastication qui révulsent. L’impression d’être plongé en enfer est renforcée par la partition musicale de Fabio Frizzi qui utilise une fois de plus une ritournelle inquiétante au piano, ainsi que des synthétiseurs en mode rock prog, rappelant les compositions des Goblin.

Le mélange de tous ces éléments fait donc de L’au-delà un film d’horreur remarquable. Certes, l’ensemble n’est pas parfait, mais il synthétise à lui tout seul ce qui se faisait de mieux dans le cinéma rital des années 70-80. Il s’est inscrit durablement dans la mémoire collective comme étant un pur cauchemar dont on peine à sortir indemne au point de devenir un véritable film culte de nos jours. Il est à juste titre considéré comme l’une des meilleures réalisations de son auteur et l’un des meilleurs films gore de l’histoire du cinéma.

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Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 14 octobre 1981

L'au-delà, affiche française du Lucio Fulci

© 1981 Fulvia Film / Illustrateur : Konkoly. Tous droits réservés.

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