Avec un talent certain, Isabelle Huppert prête ses traits à ce portrait sans filtre d’une lanceuse d’alertes qui ne craint ni l’arrogance de la classe politique, ni la morgue des enquêteurs de police. La syndicaliste a été présenté en compétition à Venise en septembre 2022.
Synopsis : Un matin, Maureen Kearney est violemment agressée chez Elle. Elle travaillait sur un dossier sensible dans le secteur nucléaire français et subissait de violentes pressions politiques. Les enquêteurs ne retrouvent aucune trace des agresseurs… est-elle victime ou coupable de dénonciation mensongère ?
Le dossier Areva, une histoire vraie
Critique : Après La Daronne au succès mitigé malgré la présence d’Isabelle Huppert, Jean-Paul Salomé retrouve sa nouvelle muse. Cette fois-ci, il s’empare d’un sujet éminemment politique : le démantèlement d’Areva au profit de la Chine entraînant l’abandon d’un savoir-faire national et la perte de l’indépendance énergétique française (dont on mesure les conséquences aujourd’hui), le tout accompagné de la suppression de milliers d’emplois. Une histoire basée sur des faits réels dont La Syndicaliste, le livre de Caroline Michel-Aguirre, relate les innombrables rouages.
Au-delà de ces enjeux politiques et industriels, le réalisateur s’attache au parcours psychologique de cette femme hors du commun. Se nourrissant de sa détermination sans failles autant que de ses doutes et de ses faiblesses, il dessine, sous nos yeux incrédules, les contours d’une véritable héroïne de cinéma.
La syndicaliste revient de l’enfer
Une femme ligotée sur une chaise, un bonnet enfoncé sur la tête, le ventre zébré d’un grand A, le sexe transpercé par le manche d’un couteau… telle est la scène choc que découvre, avec le spectateur, la femme de ménage de cette coquette maison de la banlieue parisienne. Une agression invraisemblable qui s’explique par le statut de la victime.
Maureen Kearney (Isabelle Huppert) est professeure d’anglais chez Areva mais surtout une redoutable syndicaliste. Un poste clé pour observer les petits arrangements entre amis qui tiennent les rênes de l’économie et de la politique. Tenter d’en dénoncer les dérives expose à bien des dangers, d’autant plus lorsque l’on est une femme. Pour Maureen, c’est un double combat qui commence. Il s’agit d’une part de se jeter dans une bataille collective pour sauver à tout prix un fleuron industriel national et d’autre part dans une bataille personnelle pour faire face au cynisme d’une machine policière et judiciaire sans état d’âme.
Une femme humiliée
Placée à la tête d’Areva, numéro 1 mondial du nucléaire, perdue dans un monde d’hommes qui ne la ménage pas, Anne Lauvergeon (Marina Foïs) entretient avec Maureen une complicité sincère, bien qu’un peu condescendante. Quand en 2011, Nicolas Sarkozy ne la reconduit pas à son poste et la remplace par Luc Oursel (Yvan Attal), un homme de peu d’envergure qui se fera lui aussi absorbé par le système, l’ex N°1 d’Areva, prend ses distances avec son amie Maureen pour ne pas subir les retombées de son entêtement. En effet, celle-ci soupçonne Henri Proglio, alors Président d’EDF, de manœuvres contraires à l’intérêt général. Elle entend bien les dénoncer auprès de ministres qui assurent éhontément maîtriser la situation tandis que les industriels la méprisent, rétorquant qu’elle ne possède pas les compétences nécessaires pour juger de tels événements. Jusqu’à ce que cette rocambolesque agression autorise ses détracteurs à la ranger dans la catégorie des plus pures affabulatrices, renforçant ainsi les soupçons de la police qui lui inflige les pires humiliations.
Un casting solide mené dominé par Isabelle Huppert
Dotée d’un casting impeccable largement dominé par Isabelle Huppert au sommet de son art et d’un scénario qui, sans temps mort, oscille entre pamphlet social et thriller, La Syndicaliste décrit avec une précision d’orfèvre les manigances d’un monde ouaté où misogynie rime avec hypocrisie pour préserver la soif de pouvoir d’une élite prête à tout pour conserver ses prérogatives. Jean-Paul Salomé et Fadette Drouard trouvent le ton juste pour faire de ce scandale d’état un film à la fois captivant et instructif.
Critique de Claudine Levanneur
Les sorties de la semaine du 1er mars 2023
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Jean-Paul Salomé, Isabelle Huppert, François-Xavier Demaison, Saadia Bentaïeb, Marina Foïs, Yvan Attal, Grégory Gadebois, Gilles Cohen, Christophe Paou, Antoine Basler, Andréa Bescond