La nuit des juges : la critique du film (1984)

Thriller | 1h49min
Note de la rédaction :
6,5/10
6,5
La nuit des juges, affiche de Philippe Lemoine

  • Réalisateur : Peter Hyams
  • Acteurs : Michael Douglas, Hal Holbrook, Yaphet Kotto, Sharon Gless, James Sikking
  • Date de sortie: 04 Jan 1984
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Star Chamber
  • Titres alternatifs : O Esquadrão da Justiça (Brésil) / Ein Richter sieht rot (Allemagne) / Condannato a morte per mancanza di indizi (Italie) / Los verdugos de la justicia (Mexique) / Los jueces de la ley (Espagne) / A Câmara Secreta (Portugal)
  • Année de production : 1983
  • Scénariste(s) : Roderick Taylor, Peter Hyams, sur un sujet original de Roderick Taylor
  • Directeur de la photographie : Richard Hannah
  • Compositeur : Michael Small
  • Société(s) de production : Twentieth Century Fox, Frank Yablans Presentations
  • Distributeur (1ère sortie) : Fox Hachette Distribution
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : CBS Fox (VHS, 1985) / Fox Pathé Europa (DVD, 2006) / L’Atelier d’Images (DVD et Blu-ray)
  • Date de sortie vidéo : 1er octobre 2019 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 116 921 entrées / 60 413 entrées
  • Box-office nord-américain 5,5 M$
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.39 : 1 / Couleurs De Luxe / Son : Dolby Stereo
  • Festivals et récompenses : Présenté au Festival du film américain de Deauville 1983
  • Illustrateur / Création graphique : Philippe (Lemoine)
  • Crédits : Twentieth Century Fox Film Corporation #26711 © 1983
Note des spectateurs :

Thriller qui réfléchit sur la notion de justice expéditive, La nuit des juges bénéficie surtout d’une réalisation brillante, typique de l’esthétique des années 80. Un film ambigu à redécouvrir malgré ses indéniables défauts.

Synopsis : Jeune et idéaliste, le juge Harlin est contraint d’acquitter un criminel. Il se confie au juge Caulfield, et se plaint de l’impuissance de la justice. Celui-ci lui avoue la création d’un tribunal clandestin, qui liquide ces meurtriers innocentés trop facilement lors de leurs jugements.

Quand un scénariste réactionnaire rencontre un cinéaste progressiste

Critique : A la fin des années 70, le scénariste Roderick Taylor est, comme beaucoup d’Américains, choqué par l’extrême violence qui se développe dans des villes tentaculaires comme New York. Il tombe sur quelques articles de journaux qui évoquent la libération de plusieurs criminels notoires pour des vices de procédure. Cela lui inspire un traitement de huit pages qui deviendra le script de La nuit des juges. Il imagine ainsi la création d’une entité parallèle qui jugerait les criminels et les exécuterait en dehors des lois officielles.

La nuit des juges, la jaquette blu-ray

© 1983 Twentieth Century Fox Film Corporation / Conception graphique : © 2019 Kalzone pour L’Atelier d’Images. Tous droits réservés.

Roderick Taylor parvient à vendre son traitement au producteur Frank Yablans qui travaille alors pour la Twentieth Century Fox. Ce dernier propose le script au réalisateur Peter Hyams qui accepte de le tourner si l’ensemble du scénario est réécrit. Effectivement, de sensibilité démocrate, Peter Hyams n’est absolument pas d’accord avec les théories franchement réactionnaires développées par Roderick Taylor. C’est finalement cette confrontation entre un point de vue clairement de droite et une vision plus marquée à gauche qui va faire tout le sel de La nuit des juges, film particulièrement ambigu, et donc intéressant.

Un mélange de vigilante movie et de film paranoïaque progressiste

Effectivement, le long-métrage s’inscrit bien dans cette tendance du thriller urbain violent qui s’est développée entre les années 70 et le début des années 80. Il est largement inspiré par les films de vigilante comme Magnum Force (Post, 1973), Un justicier dans la ville (Winner, 1974), Le droit de tuer (Glickenhaus, 1980) ou encore Vigilante (Lustig, 1982). Ainsi, le constat d’impuissance d’une justice complètement dépassée est le même, tandis que l’argumentaire réactionnaire est identique. On y invoque le droit des victimes qui passe trop souvent après celui des truands, ainsi que les faiblesses d’une loi trop clémente. On notera d’ailleurs que Peter Hyams n’est aucunement critique vis-à-vis de ces arguments qu’il reprend tels quels.

Toutefois, La nuit des juges tempère cette position très réactionnaire par une ambiance paranoïaque qui, elle, reprend davantage des thématiques du cinéma américain progressiste des années 70. Ainsi, l’ambiance du film se rapproche fortement de celle des films d’Alan J. Pakula comme Klute (1971), Les hommes du président (1976) et surtout A cause d’un assassinat (1974). Pour mémoire, ces œuvres tendaient à démontrer l’existence de complots organisés par une élite afin de maintenir ses privilèges de classe. Or, on retrouve bien cette ambiance paranoïaque dans La nuit des juges puisque ces messieurs pensent qu’ils peuvent se situer au-dessus des lois par le fait même de leur fonction. Cela est rejeté par le réalisateur, même si l’ensemble demeure assez ambigu.

Un script non exempt de défauts sauvé par une réalisation inspirée

Effectivement, le personnage de juge incarné avec prestance et charisme par Michael Douglas ne s’oppose pas franchement à la proposition d’une justice supérieure à laquelle il participerait. Il ne se désolidarise du groupe que lorsqu’il s’aperçoit que cette forme de justice est, elle aussi, imparfaite et qu’elle contient en germe une forme de fascisme. Le spectateur ressent d’ailleurs cette tentation que représente la loi du talion face à des procédures longues, coûteuses et parfois injustes. Toutefois, le long-métrage finit par se ranger du côté de la loi, contrairement à bon nombre de productions de l’époque qui n’hésitaient pas à encourager à la création de milices citoyennes.

Alors que le script n’évite pas toujours les clichés (le personnage de la femme du juge est proprement insipide) et les facilités d’écriture (on retrouve très facilement les criminels dans le film), Peter Hyams parvient la plupart du temps à faire oublier ces défauts structurels par une réalisation vraiment inspirée. On peut dire qu’avec Outland (1981) et 2010 (1984), La nuit des juges (1983) constitue l’un des sommets de la filmographie du cinéaste en terme de réalisation pure. Tout d’abord, le réalisateur nous gratifie d’une photographie magnifique qu’il a travaillé lui-même avec Richard N. Hannah.Fox Hachette, un distributeir historique

La quintessence de l’esthétique des années 80

Visuellement très inspiré par les travaux de Ridley et Tony Scott, mais aussi d’Alan Parker, Peter Hyams livre ici un film qui représente la quintessence de l’esthétique des années 80 avec ses lumières rasantes, ses éclairages bleutés filtrés par des ventilateurs et un ensemble qui n’est donc jamais réaliste. A cela, il faut ajouter l’emploi d’une caméra très mobile (pas mal de Steadicam, notamment) qui permet de suivre les comédiens dans tous les espaces possibles lors de courses-poursuites à pied en plan-séquence. Tous les mouvements de caméra s’avèrent gracieux et fluides et donnent ainsi une bien fière allure à ce qui peut apparaître comme un petit bijou de cinéma esthétique. Sur ce plan, on crierait bien au chef d’œuvre, si le film ne pâtissait pas d’un script vraiment inégal et d’un point de vue si fluctuant.

Enfin, ajoutons que la musique de Michael Small, déjà compositeur des films de Pakula cités plus haut, vient enrober le long-métrage dans une atmosphère lourde et menaçante du meilleur effet.

Un cinglant échec commercial

Malgré ces évidentes qualités, La nuit des juges a échoué à attirer le grand public dans les salles. L’échec a été radical aux Etats-Unis où le film a été rapidement retiré de l’affiche pour cause de salles désertes au cours de la saison estivale 1983. En France, le film a souffert du déficit de notoriété de Michael Douglas et d’une période (début janvier 1984) marquée par des triomphes comme Rue barbare (Béhat) et la continuation de films comme Tchao Pantin (Berri) et Les compères (Veber). Au total, le thriller de Peter Hyams s’est écrasé à 116 921 entrées sur toute la France. Un désaveu.

Depuis, le film a gagné peu à peu en réputation et ses qualités apparaissent plus nettement aux spectateurs contemporains. Il a été réédité récemment dans une version blu-ray perfectible sur le plan visuel, mais qui permet toutefois de se rendre compte des énormes qualités esthétiques d’un film à redécouvrir.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 4 janvier 1984

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La nuit des juges, affiche de Philippe Lemoine

© 1983 Twentieth Century Fox Film Corporation / Affiche : Philippe. Tous droits réservés.

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La nuit des juges, affiche de Philippe Lemoine

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