La horde sauvage est un western crépusculaire qui enterre une bonne fois pour toutes la mythologie de l’Ouest par sa radicalité stylistique et thématique. Incontournable.
Synopsis : Au sud du Texas, Pike Bishop et ses hommes s’apprêtent à attaquer les bureaux de la compagnie de chemin de fer. Mais Duke Thornton et ses chasseurs de primes les attendent au tournant. Un bain de sang se prépare.
Sam Peckinpah plonge tête la première dans le western crépusculaire
Critique : Après avoir connu les foudres des studios à cause de son long western hypnotique Major Dundee (1965), remonté dans son dos pour éviter de trop ennuyer le public, le cinéaste Sam Peckinpah a bien eu du mal à mettre sur pied son nouveau projet autour de la figure de Pancho Villa. Finalement, son scénario a été réalisé par quelqu’un d’autre, mais on trouve de nombreuses traces de la révolution mexicaine dans sa Horde sauvage qui marque clairement un tournant dans sa carrière.
Là où l’auteur présentait déjà une forte personnalité et un style brut, il se surpasse dans ce western crépusculaire qui se veut un enterrement de première classe des grands mythes américains. Marquée par une extrême misanthropie, sa vision de l’ouest se rapproche davantage de celle des cinéastes italiens que de ses aînés. Rongé par la violence la plus barbare, l’Amérique décrite par Peckinpah n’est qu’un repaire d’hommes brutaux, sans foi, ni loi. Dans sa furie destructrice, l’auteur n’épargne personne : que ce soient les ligues bien-pensantes qui se font massacrer lors de la première fusillade, ou bien des pauvres Mexicains sous le joug d’un odieux tyran, personne n’a droit de grâce devant la caméra incisive du cinéaste.
La horde sauvage comme métaphore de la guerre du Vietnam
Alors que les criminels fuient devant une bande de mercenaires payés par une compagnie privée, le spectateur est abasourdi de découvrir un monde gangrené par la corruption, l’intolérance et l’appât du gain. Totalement viscéral, le spectacle étonne toujours aujourd’hui par la radicalité de son propos désabusé.
Ainsi, les trois grandes explosions de violence du film tétanisent encore par leur excès et leur puissance d’évocation. Au milieu du chaos et des corps qui s’amoncellent gît toute forme d’idéologie, vouée automatiquement à l’échec par la folie autodestructrice de l’espèce humaine – n’oublions pas que nous sommes alors en pleine guerre du Vietnam. Cette thématique est mise en évidence par la métaphore constante des vautours qui tournent dans le ciel en attente d’un massacre. Grâce à une réalisation impressionnante de maîtrise, une photographie divine de Lucien Ballard et une bande-son prodigieuse de Jerry Fielding, La horde sauvage est indéniablement un incontournable du néo-western, alors que l’Amérique doutait de ses mythes et les brocardait avec une rare insolence. Les amateurs de ballet macabre seront assurément servis.
Un film charcuté lors de sa sortie américaine
Lors de sa sortie initiale au États-Unis en 1969, La horde sauvage a subi les foudres de la censure car la Motion Picture Association of America (MPAA) estimait la violence du film inacceptable. De nombreux plans sont donc supprimés et la durée du film est fixée à 2h25min. Toutefois, à la suite de plaintes des exploitants qui trouvaient le métrage trop long, le studio a effectué de nouvelles coupes sans en référer à Sam Peckinpah. Ainsi, la durée du film a longtemps été de 2h14min. Il a fallu attendre la restauration du film au milieu des années 90 pour qu’il retrouve sa durée initiale (après intervention de la MPAA toutefois).
Malgré un démarrage assez poussif aux États-Unis, La horde sauvage a fini par rapporter de l’argent avec 10,5 M$ pour un budget établi à 6 M$. On est loin d’un triomphe, mais le film va tout de même obtenir deux nominations aux Oscars 1970.
Le plus gros succès de Peckinpah en France
En France, les critiques sont globalement positives, mais certains dénoncent toutefois les excès graphiques du cinéaste qu’ils accusent de surenchère et de noirceur excessive. Pour sa sortie parisienne, La horde sauvage arrive à se classer numéro 1 de la semaine avec 51 724 amateurs d’hémoglobine. Le métrage se maintient bien en deuxième semaine avec 49 153 curieux de plus. La stabilité est de mise en troisième septaine (37 310 spectateurs) et ceci malgré la sortie d’un John Wayne très classique en comparaison (Les géants de l’Ouest). Il faut attendre sa sixième semaine d’exploitation pour que le film commence à dévisser sans que la chute soit spectaculaire, preuve d’un très bon bouche-à-oreille. Beau succès sur la durée, le western crépusculaire finit sa carrière avec 682 861 tickets vendus à Paris.
Sur la France, le résultat atteint tout de même 1,8 million de spectateurs conquis par cette nouvelle vision de l’Ouest. Il s’agit tout simplement du plus beau succès du réalisateur Sam Peckinpah sur notre territoire et le métrage demeure aujourd’hui son œuvre la plus diffusée, la plus éditée et la plus populaire en France.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 15 octobre 1969
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