La femme du dimanche, polar un peu trop bavard, a le mérite d’évoquer les nombreuses oppositions de classe dans l’Italie des années de plomb. Intéressant, sans être passionnant.
Synopsis : Un célèbre architecte est assassiné à l’aide d’un phallus en pierre. Le commissaire Santamaria, à la suite d’un quiproquo, est mis sur la piste d’une jeune femme mariée à un grand industriel et de son ami homosexuel qui s’amusent, dès lors, à aider la police dans ses investigations…
Critique : Avec son affiche alléchante et son histoire policière très classique, La femme du dimanche (1976), également exploité sous le sous-titre de L’assassin du dimanche en VHS, cache finalement plutôt bien son jeu puisque c’est en fait à une analyse de la société italienne des années de plomb que nous convie le cinéaste Luigi Comencini. Le scénario oppose sans cesse les membres de la haute société industrielle turinoise – raffinés et à la perversité bien dissimulée – au bas peuple : ainsi, les élites habitent dans de vieilles demeures juchées sur les collines, à l’écart d’une populace qu’elles considèrent comme de la vermine, tandis que les individus lambda se situent dans la plaine, au milieu des prostituées et des maquereaux.
La femme du dimanche n’est pas celle que vous croyez
La géographie des lieux est déjà en elle-même symbolique de cette fracture entre classes sociales. De même, le commissaire, prolétaire par définition, ne fera qu’une furtive incursion dans cet univers confiné, perturbant à peine le quotidien de cette bonne société repliée sur elle-même. Témoin du déclin de cette aristocratie gangrénée par le vice et l’argent, Comencini signe donc un film politique amer où personne ne peut s’affranchir de ses origines. Autre élément révélateur, le personnage de l’homosexuel incarné avec justesse par Aldo Reggiani est forcément voué à la mort, tandis que sa disparition arrange très clairement son amant, un Jean-Louis Trintignant embarrassé par son attirance pour cet homme d’un rang inférieur.
D’une belle profondeur thématique, La femme du dimanche souffre pourtant de nombreux défauts majeurs. Tout d’abord, son enquête policière avance à la vitesse de l’escargot pour finalement s’achever de manière précipitée dans les quinze dernières minutes. Le spectateur aura eu tout loisir de se rendre compte de l’inefficacité d’une police qui ne cherche jamais à fouiner du côté des affaires immobilières de l’architecte, alors que la logique le voudrait.
Autant dire que l’intrigue policière est secondaire dans cette œuvre trop bavarde et un peu longuette. Ensuite, de nombreuses scènes semblent inutiles ou peu appropriées, tandis que la musique d’Ennio Morricone est un rien lassante. Heureusement, la beauté très aristocratique de Jacqueline Bisset, ainsi que le charme latin de Marcello Mastroianni opèrent sans problème et permettent de compenser les faiblesses de ce faux polar, bien plus intéressant par son approche de la société italienne que par ses quelques rebondissements.
Echec au box-office français, La femme du dimanche a démarré très bas au box-office, avec à peine 37 000 entrées en première semaine et une 16e place. Un score stable sur plusieurs semaines qui lui permet de franchir les 100 000 sur Paris et les 200 000 France. Pas de quoi satisfaire la Fox Lire, distributeur, qui misait sur la coproduction française et la présence de stars, notamment francophones, au générique.
A cette époque, au classicisme de La femme du dimanche, les Français préféraient célébrer Tavernier (Le juge et l’assassin), l’efficacité d’Alain Corneau (Police Python 357), Truffaut (L’argent de poche), Milos Forman (Vol au-dessus de coucou) ou encore Belmondo dans L’alpagueur.
La femme du dimanche connaîtra une courte carrière en VHS au milieu des années 80 et dans les années 90, puis ressortira en salle en 2016, via le distributeur Tamasa qui l’éditera également en DVD.
StarMeter IMDB : La page IMDB de La femme du dimanche existe depuis 1997. En 25 ans, le film a réussi à se positionner à la 7 338e place en 2002 et n’a eu de cesse de diminuer depuis, avec un bas à 92 401 durant une semaine de 2018. En 2022, à la publication de cet article, The Sunday Woman (titre américain) est 85 903, signe d’un oubli progressif du film de la mémoire collective et d’une absence d’actualité.
Sorties de la semaine du 14 avril 1976
Biographies +
Luigi Comencini, Jean-Louis Trintignant, Marcello Mastroianni, Aldo Reggiani, Jacqueline Bisset, Omero Antonutti