La Chartreuse de Parme : la critique du film (1948)

Drame, Romance, Cape et épée | 2h50min
Note de la rédaction :
8/10
8
La Chartreuse de Parme, jaquette Mediabook

  • Réalisateur : Christian-Jaque
  • Acteurs : Gérard Philipe, Maria Casarès, Renée Faure, Louis Seigner, Albert Rémy, Cosetta Greco, Enrico Glori, Aldo Silvani, Lucien Coëdel, Louis Salou, Attilio Dottesio, Claudio Gora
  • Date de sortie: 21 Mai 1948
  • Nationalité : Français, Italien
  • Titre original : La Chartreuse de Parme
  • Titres alternatifs : Die Kartause von Parma (Allemagne) / El prisionero de Parma (Espagne) / A Cartuxa de Parma (Portugal) / Pustelnia parmeńska (Pologne) / La cartuja de Parma (Mexique) / La Certosa di Parma (Italie) / À Sombra do Patíbulo (Brésil)
  • Année de production : 1948
  • Scénariste(s) : Christian-Jaque, Pierre Jarry, Pierre Very d'après le roman éponyme de Stendhal
  • Directeur de la photographie : Nicolas Hayer, Romolo Garroni
  • Compositeur : Renzo Rossellini
  • Société(s) de production : Les Films André Paulvé, Scalera Film, Excelsa Film
  • Distributeur (1ère sortie) : DisCina
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : René Château Vidéo (VHS, 1989) / René Château Vidéo (DVD, 2003) / M6 Vidéo (DVD, 2007) / Coin de Mire Cinéma (Mediabook, 2020)
  • Date de sortie vidéo : 4 décembre 2020 (Mediabook)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 6 151 521 entrées / 1 290 705 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : Festival de Locarno 1948 : Prix de la meilleure photographie en noir et blanc pour Nicolas Hayer
  • Illustrateur / Création graphique : -
  • Crédits : SND (Groupe M6)
Note des spectateurs :

Adaptation très libre du roman de Stendhal, La Chartreuse de Parme n’en demeure pas moins une œuvre valeureuse grâce à une solide réalisation de Christian-Jaque et des acteurs formidables.

Synopsis : Fabrice Del Dongo, don Juan impénitent, tombe amoureux de Clelia Conti, alors que sa tante et protectrice, la duchesse Sanseverina, brûle d’amour pour lui. Ernest IV, monarque fou, mène la danse, aidé par le sinistre Rassi qui complote aussi.

Le défi de l’adaptation d’un monument de la littérature

Critique : Peu de cinéastes ont cherché à aborder ce chef-d’œuvre de la littérature française qu’est La Chartreuse de Parme, écrit par Stendhal en 1838 et publié en 1839. Trop touffu, comportant trop de personnages et de sous-intrigues, le roman est un véritable défi d’adaptation, d’autant que son respect supposerait un budget absolument astronomique afin de recréer l’époque, mais aussi la bataille de Waterloo. Pourtant, le producteur André Paulvé, qui travaille depuis un moment avec le réalisateur Christian-Jaque décide de relever le défi et confie cette adaptation à l’écrivain Pierre Véry qui a déjà inspiré Les disparus de Saint-Agil (1936) et L’assassinat du Père Noël (1941), déjà tournés par Christian-Jaque.

Afin de conserver une durée de moins de trois heures et de ne pas exploser le budget, il est décidé d’évacuer tout le début du roman racontant l’enfance de Fabrice Del Dongo et son engagement auprès de Napoléon au cœur de la bataille de Waterloo. Ce choix a immédiatement fait réagir les amoureux de Stendhal qui ont crié à la trahison, puisque les auteurs ont donc évacué certains éléments politiques de l’œuvre pour se concentrer sur une intrigue plus sentimentale. Les incartades au roman ne s’arrêtent pas là puisque les adaptateurs ont choisi d’interrompre le film sur la séparation entre les trois personnages principaux, alors que la plupart meurent de manière tragique dans le roman. Christian-Jaque a donc supprimé une grande partie de la noirceur contenue dans cette fin.

Une ode à l’amour et à la liberté

Pour autant, il faut rappeler qu’adapter est forcément trahir, surtout lorsque le roman d’origine est si complexe. Malgré ces coupes sombres dans le roman, La Chartreuse de Parme parvient à glisser quelques idées qui sont d’ailleurs en accord avec la mentalité d’après-guerre. On y évoque ainsi la tyrannie, la volonté du peuple de s’insurger contre des décisions arbitraires et plus globalement le besoin de célébrer l’amour et la liberté comme des vertus cardinales. De même, le personnage de Fabrice Del Dongo est bien représenté comme un jeune homme naïf qui rêve d’absolu, mais sera invariablement déçu par l’existence, comme dans le roman.

La Chartreuse de Parme, détails mediabook

© 1947 SND (Groupe M6) / © 2020 Coin de Mire Cinéma. Tous droits réservés.

Si l’on excepte donc cette volonté de simplifier le propos et de le conformer à l’air du temps, La Chartreuse de Parme (1948) n’en demeure pas moins une impressionnante coproduction franco-italienne, dotée d’un budget conséquent, mais parfaitement maîtrisée par un Christian-Jaque au sommet de son talent. Certes, il peut parfois se laisser aller à la caricature lorsqu’il décrit des personnages comme le général de la forteresse (interprété par Aldo Silvani en mode cabotin) ou encore le geôlier de Del Dongo (incarné avec talent par Louis Seigner). Mais il fait preuve de davantage de doigté avec les personnages centraux. On aime ainsi les rapports troubles qui s’établissent entre Fabrice et les femmes qui parsèment son existence.

Les femmes au centre de l’intrigue

Comme souvent chez Christian-Jaque, les femmes ne sont pas que des figurantes et elles occupent ici le centre du récit, tandis que Fabrice apparaît davantage comme un spectateur de sa propre existence. Si Gérard Philipe est parfait dans son rôle, il faut dire qu’il est largement dominé par le charisme incroyable de la grande Maria Casarès. Même Renée Faure (par ailleurs épouse du réalisateur), pourtant dans un rôle plus ingrat de gentille amoureuse, se livre à une prestation de très haute tenue.

Ce brio absolu de l’interprétation est soutenu par des décors de toute beauté, une magnifique photographie de Nicolas Hayer et Romolo Garroni et la belle musique de Renzo Rossellini. Quant à Christian-Jaque, il parvient à éviter l’écueil de l’académisme grâce à une réalisation somptueuse qui ne se laisse jamais séduire par le décorum. Le réalisateur soigne ses cadrages, propose des angles intéressants et fait preuve d’une gestion de l’espace affutée. Jamais raide ou empesée, sa réalisation s’avère fluide et dynamique, ce qui permet d’éviter l’ennui du spectateur. Face au défi que représentait cette adaptation, on peut dire qu’il a magnifiquement tenu son pari.

Un triomphe largement mérité

A la fois intimiste dans ses développements sentimentaux, mais aussi spectaculaire lorsque la révolte gronde au cœur de la ville de Parme, La Chartreuse de Parme est donc un spectacle total, ample et maîtrisé de bout en bout. Son triomphe au box-office s’explique donc aisément puisque le long-métrage a fini sa carrière à la deuxième place du box-office français de l’année 1948 avec plus de 6 millions d’entrées, faisant de Gérard Philipe une star instantanée.

Sorti au début du mois de mai en province, La Chartreuse de Parme a ensuite pu déferler sur les écrans parisiens à partir du vendredi 21 mai 1948, obtenant là aussi un énorme succès. Ils furent ainsi plus d’un million de Parisiens à faire le déplacement au cours des mois qui ont suivi la sortie du film, preuve d’un engouement réel pour une œuvre à la fois patrimoniale et populaire.

Exploité en VHS, puis de nombreuses fois en DVD, La Chartreuse de Parme nous arrive enfin en blu-ray dans une magnifique copie restaurée en 2K chez l’éditeur Coin de Mire. Le meilleur moyen de constater le pouvoir de fascination toujours intact d’un film réussi, par-delà toutes les critiques sur son infidélité notoire au roman d’origine.

Critique de Virgile Dumez

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Affiche de La Chartreuse de Parme de Christian-Jaque

© 1948 Productions André Paulvé. Tous droits réservés.

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