Quatrième volet de la saga du jurassique née de l’imaginaire de Michael Crichton et initiée en salle par Steven Spielberg, Jurassic World poursuit la révolution numérique, avec des créatures d’un réalisme époustouflant ! Ni plus ni moins le meilleur opus de la saga depuis l’original, sorti en 1993.
Synopsis : L’Indominus Rex, un dinosaure génétiquement modifié, pure création de la scientifique Claire Dearing, sème la terreur dans le fameux parc d’attraction. Les espoirs de mettre fin à cette menace reptilienne se portent alors sur le dresseur de raptors Owen Grady et sa cool attitude.
1993. Les monstres attaquent
Critique : 1993. Spielberg, à qui l’on doit déjà les monuments E.T. et Les aventuriers de l’arche perdue, réinvente le film de monstre, 20 ans après les Dents de la mer, considéré à tort pendant longtemps comme le film de monstre ultime.
Jurassic Park, premier du nom, propage son attaque partout dans le monde avec des chiffres époustouflants : plus de 350M$ aux USA, en France, 6.5 millions d’entrées… Des résultats épatants pour un blockbuster contenant une certaine dose de violence assez inédite pour un spectacle dit “grand public”.
Les CGI et la vallée des dinosaures
La production du studio Universal, qui enrichissait son bestiaire horrifique de nouvelles créatures mythiques, confirme alors la révolution numérique entamée par James Cameron dans Terminator 2 : le jugement dernier, deux ans auparavant. L’avènement des images de synthèse est toutefois plus spectaculaire dans l’adaptation du best-seller de Michael Crichton, où l’incrustation de créatures informatiques dans un décor réaliste, forçait l’admiration. L’on assistait ainsi ni plus ni moins à la renaissance d’espèces disparues 65 millions d’années auparavant, ce qui déployait des possibilités exponentielles pour le cinéma des années 90, mettant à mal les bonnes vieilles règles de l’animatronics et de la stop-motion, celles utilisées dans le désolant Baby, le secret de la légende oubliée de Disney en 1984, dernier ersatz de la décennie avec des morceaux reptiliens à l’intérieur, mais aussi du culte Quand les Dinosaures dominaient le monde (1970), produit par la Hammer.
Jurassic World, paroxysme de la nostalgie pour les années 1990
Jurassic Park fut suivi par deux suites bâtardes : Le Monde perdue, réalisé par Spielberg lui-même (4.8M d’entrées France en 1997), proche d’un remake de King-Kong, puis l’insulaire Jurassic Park 3 de Joe Johnston, parsemé d’invraisemblances. Le studio referme le chaînon manquant pendant plus de 14 ans, avant de faire renaître Jurassic Park en 3D en 2013.
Deux ans plus tard, Jurassic World profite d’un vent de nostalgie pour les années 90 et plus particulièrement pour ces créatures d’un autre âge qui ont animé l’enfance de toute une génération de spectateurs. Le résultat s’affirme comme une suite fidèle aux événements passés, rendant un hommage sincère au travail de précurseur ou d’explorateur dans le jurassique numérique de Spielberg, puisque la banalisation des manipulations génétiques a permis au parc à thème de prospérer, malgré la fermeture du noyau originel, à la suite du massacre orchestré dans le premier volet.
L’Indominus Rex, un hybride au bestiaire des grands monstres du cinéma
Désormais, l’heure est à une version XXL du parc, plus cossue, high tech, obsédée par la sécurité, mais aussi par la rentabilité sur du long terme. Dans le parc d’attraction totalement délirant où l’on se promène au milieu de créatures démesurées fascinantes, l’appât du gain a également conduit, en toute confidentialité, à la création d’une créature hybride insolite, un monstre de la nature génétiquement modifié, mélange de cellules entre anciens dinosaures et organismes contemporains. Ce mutant des temps modernes n’a rien d’un reptilien connu et va se découvrir une force et une intelligence hors du commun, et donc sortir aisément du périmètre de sécurité où il a grandi pour devenir le grand méchant de ce quatrième épisode de la franchise Jurassic Park.
A l’instar de la créature de Frankenstein de Mary Shelley, l’animal est le fruit de la curiosité humaine, de sa volonté de pousser le progrès scientifique au-delà de l’éthique. Le monstre reflète aussi la cupidité de l’homme, illustrant l’adage “plus c’est gros, mieux c’est”. Cette matière vivante devient l’attraction de l’année pour relancer l’intérêt autour d’une industrie du divertissement qui doit toujours renouveler ses vedettes pour pouvoir être pérenne. Une métaphore métacinématographique qui évoque les suites hollywoodiennes qui doivent toujours en montrer plus pour captiver leur audience.
Le monstre en question est terrifiant. L’Indominus Rex, méga T-Rex métissé de toutes parts, est un féroce prédateur, hors de toute proportion concevable pour l’esprit humain. Libéré de ses jougs dans un garde-manger intarissable, il se livre au carnage et décime toutes vies animales et humaines sur son passage. Il est la version 2015 des Dents de la Mer 3, nanar de Joe Alves, qui, déjà en 3D en 1983, emprisonnait des touristes dans un parc à thème aquatique, avec un monstre carnassier doué d’intelligence et doté d’une taille insolite. Le résultat à l’arrivée n’était pas le même, y compris au box-office.
Loin d’exploiter platement son idée-concept, Jurassic World joue avec un cynisme réjouissant la carte du pastiche, celui de Disney World. La référence au parc concurrent d’Universal est constante, sauf qu’ici, les bambins risquent d’avoir une sacrée frousse : l’Indominus Rex ne se contente pas de traquer sa proie pour la dévorer goulûment. Il la tue froidement, par jeu cruel. La nature est sauvage, surtout quand elle n’a rien de naturel.
Des défauts manifestes à trouver dans les stéréotypes humains
On ne vous mentira pas en évoquant l’insertion malheureuse de quelques personnages stéréotypés, notamment chez les vilains scientifiques ou militaires (la partie militariste est la moins réussie). Du côté des personnages centraux, Chris Pratt des Gardiens de la Galaxie, a tout d’une doublure XL d’Indiana Jones (on reste donc dans l’univers de Spielberg). Bryce Dallas Howard est une énième working-girl qui a oublié le sens du mot famille ; dans ses péripéties à talon, au cœur de la cambrousse, elle rappelle un peu Kathleen Turner dans A la poursuite du diamant vert. Le casting principal est relativement charismatique, jusque dans le choix des deux adolescents qui les accompagnent, réminiscences de la grande époque du studio Amblin Entertainment qui coproduit. Les deux jeunes sont à l’image de Jurassic World ouvertement “old school” , le film assumant fièrement sa qualité d’hommage aux blockbusters des années 70-90, puisqu’il se présente comme un cocktail chargé entre Jaws et Jurassic Park. Le résultat est forcément atypique dans le paysage de la superproduction hollywoodienne, qui commet à la chaîne des productions de super-héros à la psychologie photocopiée.
Avec un sens mordant du suspense (oui, on frémit à plus d’une reprise !), une petite dose de violence bien sentie (des jets de sang ponctuels qui ont valu un avertissement au film, lors de sa sortie en salle) et une tendance au sadisme vorace (la mort de la nounou dont le corps est projeté “de Charybde en Scylla”), la résurrection de Jurassic Park est un spectacle total.
Jurassic World écrase Godzilla 2014 et se positionne en alternative à Marvel
Le scénario est certes imparfait, mais se présente comme jubilatoire dans certains de ses audacieux excès. On appréciera notamment la séquence finale qui enterre une bonne fois pour toute le revival du film de monstre que Godzilla de Gareth Edwards souhaitait être en 2014. Le film du quadragénaire Colin Trevorrow réussit à intégrer ses créatures, toujours plus expressives et surtout toujours plus étonnantes de présence, au milieu des acteurs, quand le monstre nippon repris par Hollywood ne parvenait jamais à créer une interaction avec l’homme.
Spectacle orgasmique, Jurassic World accouche d’un combat final proche de l’orgie de monstres parmi celles que l’on aurait aimé retrouver dans blockbuster raté de Gareth Edwards.
Triomphe unique avec plus d’un milliard et demi de recettes salles dans le monde en 2015, Jurassic World a rebattu les cartes chez les géants d’Hollywood, permettant à Universal de devenir le plus gros studio américain de la décennie 2010 derrière Disney. Loin d’être une espèce en voie d’extinction, les dinosaures allaient revenir à deux reprises dans les salles, en 2018 avec Fallen Kingdom de l’Espagnol Juan Antonio Bayona, puis en 2022, avec l’épisode final, Le monde d’après qui permit enfin au cinéaste Colin Trevorrow de revenir derrière la caméra pour un film d’envergure.