A la poursuite de demain est un divertissement anachronique de Brad Birden hommage old school à l’esprit de progrès du cinéma américain des années 50 et au cinéma ado des années 80. On est surpris, et finalement conquis par sa différence.
Synopsis : Casey, une adolescente brillante et optimiste, douée d’une grande curiosité scientifique et Frank, un homme qui fut autrefois un jeune inventeur de génie avant de perdre ses illusions, s’embarquent pour une périlleuse mission. Leur but : découvrir les secrets d’un lieu mystérieux du nom de Tomorrowland, un endroit situé quelque part dans le temps et l’espace, qui ne semble exister que dans leur mémoire commune… Ce qu’ils y feront changera à jamais la face du monde… et leur propre destin !
Brad Bird refait son Géant de Fer
Critique : Deuxième film live de Brad Bird (Les Indestructibles et Ratatouille) après Mission : Impossible – le protocole fantôme, A la Poursuite de demain se voulait surtout le nouveau long métrage d’un auteur à part dans le cinéma américain ; il avait réalisé en 1999, pour Warner, Le Géant de fer. Cet OVNI dans l’animation américaine, fasciné par l’après Guerre et la paranoïa étatique due à la guerre froide, dans lequel un enfant s’éprenait d’amitié pour un robot géant venu d’ailleurs, avait été un échec au box-office, mais la critique enthousiaste lui a toujours accordé une place estimable. Le Brad Bird 2015 est à l’image du Géant de fer qui l’a révélé, une déclaration d’amour farouche à la science-fiction américaine des années 50, et à l’enfance rêveuse qui rivalise d’intelligence pour atteindre les étoiles.
Un flop astronomique
Le résultat au box-office de fut épouvantable, à l’instar de son mélancolique descendant. Disney, de temps à autres, fort d’une puissance insolite dans le panorama hollywoodien sait, chaque année consentir au sacrifice d’un blockbuster de plus de 150M$ pour satisfaire la vision d’un auteur. Ici le film en a coûté 190 millions, hors frais de marketing pour en rapporter autant sur l’ensemble de la planète. Comptant sur Marvel, Pixar et désormais la franchise Star Wars pour lui permettre de s’assurer la première place annuelle, le studio pouvait alors s’offrir des projets à risques tels que Tron : l’héritage, Lone Ranger, John Carter, Prince of Persia… Plus récemment, ce fut Un raccourci dans le temps d’Ava Duvernay qui a payé les pots cassés.
Tomorrowland évoque beaucoup John Carter d’Andrew Stanton, flop historique qui ne laissa aucune séquelle apparente chez Mickey. Le réalisateur provenait aussi de l’animation Pixar (Le monde de Nemo), et effectuait une appréciation vieillotte et premier degré du divertissement à l’ancienne, avec à disposition des moyens considérables et un talent certain.
Des effets spéciaux fluides qui nous transportent hors de notre époque
Projet personnel, mais aussi publicité à peine déguisée pour les parcs d’attraction du studio (il s’agit aussi de l’adaptation du Monde de Tomorrowland, consacré à la science, à Disneyland/world), cette épopée futuriste entre les années 50 et notre époque, bouscule sa narration à coups d’aller-retours dans une dimension futuriste, à l’architecture plus proche du mariage entre l’exposition universelle américaine de 1964 et Disney World que d’un fantasme de Steve Jobs, dont on aperçoit pourtant quelques éléments maison, très furtivement.
La fluidité des effets spéciaux est énorme, alors que l’archaïsme volontaire des objets du futur peut surprendre. Ici, Steve Jobs n’est pas la vedette, contrairement à Tron : l’héritage qui était le miroir de l’univers épuré d’Apple qui s’était lui-même beaucoup inspiré du premier film d’origine, sorti en 1981. L’hommage est davantage rendu aux pionniers de la science : Newton, Edison, Jules Verne, mais aussi Gustave Eiffel, dont la tour parisienne devient l’objet d’une séquence de lancement de fusée épatante, étrange dans son alliage de cuivre oxydé et de modernité numérique, un moment sublime.
Un hommage hébété à la science et à l’esprit de progrès de l’Amérique
A contre-courant des péripéties de nos super-héros contemporains, dont le plus proche dans l’esprit serait l’old-school Rocketeer, A la poursuite de demain célèbre l’esprit initiative scientifique, et non celui capitaliste et cynique de Tony Stark dans Iron Man. Le film se veut reproduire l’émerveillement des enfants, ceux de la génération hébétée des productions Amblin, typiques des années 80. On pense à War Games, Explorers, The Manhattan Project, Les Aventuriers de la 4e dimension, Une créature de rêve et à tous ces teen-movies scientifiques inhérents à cette décennie où en France les gamins s’amusaient encore avec les gadgets scientifiques de l’hebdo Pif.
Sans cynisme, A la poursuite de Demain exalte la science et ses progrès, ravivant la foi en l’avenir. Dans un monde de chaos qu’il faut guérir (la jeune héroïne sera là pour cela), l’optimisme est une subversion inattendue. Un retour à l’esprit des Swinging Sixties que les amateurs d’High Tech d’aujourd’hui ont peut-être oublié.
Avec des défauts patents – des baisses de rythme, une intrigue parfois un peu enfantine -, cet électron libre dans l’écurie Disney fait du bien, beaucoup de bien à vrai dire. Peu importe son flop commercial – le studio lui avait à peine assuré le strict minimum en matière de marketing, consciente de l’impossibilité de vendre un tel film-, dans ce cas précis, l’existence même du film relevait du miracle et élevait le projet au rang de succès. Et puis, sans le savoir, la touche Clooney oblige, A la poursuite de demain développait une vision d’une Amérique anti-Trump, aux valeurs et à l’esprit aux antipodes de la future calamité américaine qui a été un fléau pour la planète entière.