De très loin le plus différent et donc le plus surprenant des segments de la saga. Ce 5e épisode des Jurassic Park est sculpté comme un conte gothique, avec une personnalité de point de vue que l’on n’avait pas vue depuis le morceau d’investiture de Steven Spielberg. Bayona s’attache à faire correspondre les univers de Michael Crichton et de Mary Shelley avec le brio qu’on lui connaît. Bienvenue dans la nouvelle ère, celle des dinosaures.
Synopsis : Cela fait maintenant trois ans que les dinosaures se sont échappés de leurs enclos et ont détruit le parc à thème et complexe de luxe Jurassic World. Isla Nublar a été abandonnée par les humains alors que les dinosaures survivants sont livrés à eux-mêmes dans la jungle. Lorsque le volcan inactif de l’île commence à rugir, Owen et Claire s’organisent pour sauver les dinosaures restants de l’extinction. Owen se fait un devoir de retrouver Blue, son principal raptor qui a disparu dans la nature, alors que Claire, qui a maintenant un véritable respect pour ces créatures, s’en fait une mission. Arrivant sur l’île instable alors que la lave commence à pleuvoir, leur expédition découvre une conspiration qui pourrait ramener toute notre planète à un ordre périlleux jamais vu depuis la Préhistoire.
2018 © Universal Studios
Les dinosaures au cinéma
Critique : Jurassic Park Fallen Kingdom commence mal, servant en guise de friandises, pour se réadapter aux personnages et à l’intrigue du reboot phénomène de 2015 les pires éléments de son prédécesseur, à savoir des personnages sans psychologie, une ribambelle d’endives aux gros bras que l’on croirait sortis d’un DTV cloche des années 90, et une actrice principale dont le jeu médiocre gène autant que la chirurgie plastique qu’elle s’inflige à son jeune âge. Cette déambulation pataude donne un arrière-goût artificiel aux images. Une erreur de casting qui survivra bien une fois de plus à la terreur générale organisée par un nouveau réalisateur, Juan Antonio Bayona, auteur ibérique, qui a notamment connu le succès avec The Impossible. Il faut bien servir le fond de soupe du blockbuster de Colin Trevorrow et Bayona, réalisateur inspiré de L’Orphelinat, s’y plie sans conviction quand il s’agit de se réapproprier les codes du précédent métrage qui, gorgé de manichéisme et d’aventures fanfaronnes, avait su amasser les centaines de millions de dollars. On sent que le Catalan n’est guère intéressé par le sauvetage ou plutôt le kidnapping maquillé des créatures géniales qui sévissaient en toute liberté au milieu de l’océan, depuis l’incident catastrophe du précédent volet, sur une île désormais vouée à la disparition certaine, avec le réveil tonitruant d’un volcan qui va mettre un terme à la vie de ces clones d’espèces disparues. Au diable les pitreries, l’humour n’est pas la tasse de thé du réalisateur gothique du très beau Quelques minutes après minuit et de L’orphelinat. A vrai dire, l’essentiel du film, une rencontre formidable entre l’œuvre de Mary Shelley, Frankenstein et celle de Michael Crichton, auteur de S.F. à qui l’on devait le premier Jurassic Park, s’avère un choix essentiel pour la réussite plastique, esthétique, et philosophique du film, qui porte en lui le deuil d’une vie disparue, non à l’échelle de l’individu, mais à celle de l’espèce. Ce côté sombre vaudra évidemment un moindre score au box-office.
Métaphore élaborée de la situation de la biodiversité terrestre et mise en scène par la terreur de l’entêtement de l’homme à ne pas tenir compte des avertissements des scientifiques sur l’état de Dame Nature, Jurassic World Fallen Kingdom s’indigne avec la force d’images iconiques, en plaçant l’humain dans le costume du grand vilain, au milieu d’espèces décimées condamnées à devenir des trophées de chasse et l’objet de spéculations assassines. C’est comme si Jurassic World se frottait au mauvais esprit de Hostel, le gore et la perversité en moins.
Un conte gothique sombre aux réminiscences de splendeur
Tout n’est sûrement pas abouti et la durée du film est sûrement trop resserrée, malgré ses deux heures, pour couvrir courageusement les deux tableaux présentés. Le premier tableau est insulaire et rocambolesque comme des aventures d’Indiana Jones ; le second est celui du conte noir au sein de l’antre magnifique d’un milliardaire, aux allures d’un musée d’histoires naturelles et aux réminiscences de grandeur d’un Citizen Kane. Il en découle des raccourcis dommageables, notamment au niveau des personnages, tous accessoires et insipides, comme celui de Geraldine Chaplin. Grande actrice, son emploi est sommaire et ne semble vouloir que satisfaire la volonté du cinéaste espagnole d’hispaniser son film. Un exemple, parmi tant d’autres qui démontre que le scénario n’est peut-être pas un exemple de rigueur et d’équilibre, dans ce qui semble n’être qu’un épisode de transition vers quelque chose de plus grandiose.
Jurassic World Fallen Kingdom : épisode de transition
Dans tous les cas, le spectacle, lui, est vorace, même horrifique par moments. Entre hommage respectueux aux deux standards de Spielberg (Les dents de la mer et Jurassic Park), mais surtout à l’œuvre vaillante d’un certain Hitchcock, dont on retrouve bien des schémas, Fallen Kingdom aime aussi emprunter à l’inévitable Alien, voire à La Planète des singes. Dans tous les cas, la dystopie du jurassique pourrait servir d’efficace campagne de sensibilisation à la souffrance animale. Le blockbuster armé de 170 millions de dollars, dans sa bestialité, inocule surtout une émotion insensée dans le sang froid de ces reptiles qui portent un poids énorme sur leurs épaules. Celui d’un sequel inévitable, au vu des rebondissements qui se répandent habilement en toute fin, comme pour donner enfin un vrai sens à une saga qui, jusqu’à présent, manquait d’imagination narrative et ressassait inlassablement la même histoire.
Sorties de la semaine du 6 juin 2018
La franchise Jurassic World
Biographies +
Juan Antonio Bayona, Chris Pratt, Geraldine Chaplin, Bryce Dallas Howard, James Cromwell, Jeff Goldblum, Ted Levine, Peter Jason, Toby Jones
Box-office
Jurassic World Fallen Kingdom a été un moindre événement que Jurassic World puisqu’il a réalisé 1 500 000 entrées de moins. La promo d’Universal avait été efficace et de longue haleine, avec de nombreuses bandes annonces semées entre décembre 2017 et juin 2018, dont une diffusée durant le SuperBowl qui est vite devenue virale.
Le conte gothique n’a pas convaincu les plus jeunes de par sa facture sombre. Pis, il s’agissait d’un épisode de transition entre la résurrection de 2015 et le chapitre final, Le monde d’après, qui trouvera sa place dans les cinémas quatre ans plus tard. Moins “fun” de par sa facture feutrée, Jurassic World Fallen Kingdom a forcément légèrement démérité commercialement, avec seulement 3 653 000 entrées sur l’ensemble de notre territoire, soit le deuxième score le moins bon de la franchise. Seul le médiocre et peu ambitieux Jurassic Park III, en 2001, avait fait moins, avec deux millions d’entrées.
- 1993 : Jurassic Park -> 6 738 198
- 1997 : Le monde perdu : Jurassic Park -> 4 825 820
- 2001 : Jurassic Park III -> 2 077 462
- 2015 : Jurassic World -> 5 204 879
- 2018 : Jurassic World Fallen Kingdom 3 653 284
Aux USA, Jurassic World Fallen Kingdom réalise un début formidable à 148M$ pour achever fièrement sa carrière à 417M$. Il réalise les quatrièmes meilleures recettes annuelles aux Etats-Unis derrière Black Panther (700M$), Avengers Infinity War (678M$), Les indestructibles 2 (608M$), trois succès Disney (Marvel ou Pixar) monstrueux.
C’est mieux que Deadpool 2, Jumanji, Ant-Man et la guêpe, Solo: A Star Wars Story, Venom ou Aquaman.
A l’international Jurassic World Fallen Kingdom réalise des scores souvent grandioses avec pas moins de 896 746 538M$ réalisés hors des USA, soit le double du marché nord-américain. La France se hisse même à la 6 place, à l’international.
- 111M$ en Chine
- 72.3M$ au Japon
- 54M$ au Royaume-Uni
- 47M$ en Corée du Sud
- 35.1M$ au Mexique
- 31M$ en France
- 30M$ en Allemagne
- 28.4M$ en Espagne
- 26M$ en Australie
- 21M$ au Brésil
- 20.6M$ à Taiwan
- 19.4M$ en Russie
- 13.9M$ en Indonésie
- 13M$ en Malaisie
- 12.2M$ en Italie
- 11.8M$ à Hong Kong
- 9.8M$ aux Philippines
- 9.2M$ aux Pays-Bas
- 8.6M$ en Thaïlande
- 8M$ en Argentine
- 7.8M$ au Chili
- 7.3M$ à Singapour
- 7.2M$ aux Emirats Arabes
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