Gloria : la critique du film + le test blu-ray (1980)

Thriller, Drame, Film de gangsters | 2h03min
Note de la rédaction :
7.5/10
7.5
Gloria, affiche originale du film (1980)

  • Réalisateur : John Cassavetes
  • Acteurs : Gena Rowlands, Tom Noonan, Buck Henry, John Adames
  • Date de sortie: 31 Déc 1980
  • Année de production : 1980
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : Gloria
  • Titres alternatifs : Gloria - Una notte d'estate (Italie), Glòria (Espagne), Gloria, die Gangsterbraut (Allemagne)
  • Scénaristes : John Cassavetes
  • Directeur de la photographie : Fred Schuler
  • Monteur : George C. Villaseñor
  • Compositeur : Bill Conti
  • Producteurs : Sam Shaw
  • Sociétés de production : Columbia Pictures
  • Distributeur : Warner-Columbia Film
  • Distributeur reprise : Mission (2010), Mission (2012)
  • Date de sortie reprise : 9 juin 2010, 11 juillet 2012
  • Editeur vidéo : GCR (VHS), GCR (réédition, collection Cinéma Américain), Sony Pictures (DVD, 2006), Wild Side Edition (combo DVD + blu-ray, 2022)
  • Date de sortie vidéo : 25 janvier 2006 (DVD), 27 juillet 2022 (édition combo mediabook)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 484 162 entrées (1980) / 185 785 entrées, 4 817 (reprise 2010), 807 entrées (reprise 2012)
  • Box-office nord américain : 4 059 673$
  • Budget : -
  • Classification : Tous publics / PG (USA)
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleur (35mm, Technicolor) / Mono
  • Festivals et récompenses : Lion d'Or Festival de Venise 1980, 1 nomination aux Oscars pour Gena Rowlands, 1 nomination aux Golden Globes (Gena Rowlands), 1 nomination aux Razzie Awards (John Adames)
  • Illustrateur / Création graphique © Thierry Couquard (Black Cherry) Tous droits réservés / All rights reserved (édition blu-ray 2022)
  • Crédits : © Columbia Pictures Industries. Inc 1980. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Film de gangster au suspense intense, Gloria de John Cassavetes est un polar urbain majeur, porté par le jeu étonnant de Gena Rowlands. La haute définition, quarante ans après sa sortie, lui redonne un charme désarmant.

Synopsis : Une ancienne danseuse de cabaret, Gloria, prend sous sa protection un jeune portoricain, Phil, dont la famille vient d’être assassinée par la mafia. En effet, le père du garçon, comptable de l’organisation, a dérobé un livre de compte accablant qu’il destinait au FBI.

Un film de commande pour conjurer le mauvais sort

Critique : Après une séries d’échecs meurtriers, Mort d’un bookmaker chinois (1976) et, malheureusement, le superbe Opening Night (1977), John Cassavetes n’a plus le choix. Il lui faut travailler dans le système. L’effort est alimentaire et lui permet d’espérer un long plus personnel qui ne viendra qu’en 1984, avec Love Streams que la Cannon de Menahem Golan et Yoram Globus produira.

En 1979, une major lui propose d’écrire un script servant l’ascension galopante de Ricky Schroder, l’angelot du Champion de Franco Zeffirelli, qui a triomphé au box-office. John Cassavetes s’y attèle, mais la famille et l’agent du bambin prennent la direction Disney et signent pour Le dernier vol de l’arche de Noé, un live-action maladroit qui ne restera pas dans les mémoires.

Avec sur les bras le script de ce qui allait devenir Gloria, Cassevetes cherche un studio intéressé par le fruit de sa plume. Columbia y voit un intérêt à condition qu’il en réécrive certains aspects et surtout qu’il le réalise.

Un film de gangster sans la violence inhérente au genre

Et voilà John Cassevetes, pionnier du cinéma indépendant américain, avec une commande séduisante à mettre en œuvre pour un studio. Le budget est donc différent des films intimistes où la psychologie l’emporte sur l’action. Désormais, il est chargé d’un polar qui débute magnifiquement avec un générique aérien sur New York, filmé à l’hélicoptère, avec en toile de fond le superbe score de Bill Conti. C’est beau, et en blu-ray, c’est encore plus saisissant. Gloria contient les ingrédients du genre. Des courses poursuites, une cascade en voiture, une violence propre au film de gangster que Cassevetes refuse en fait de mettre en scène, car les crimes graphiques ne l’intéressent pas et desservent ses intentions psychologiques. John Cassavetes exècre le cinéma divertissement, mais verse volontiers dans une réflexion sociale et humaine à fleur de peau.

Gene Rowlands dans Gloria de John Cassavetes

Gena Rowlands dans Gloria. © 1980 Columbia Pictures Industries, Inc. Tous droits réservés

Un duo sulfureux

Il accorde logiquement le premier rôle à son épouse, Gena Rowlands, son éternelle muse qui va inspirer une partie du script dans sa thématique, à savoir la rencontre d’une femme sans enfant, qui ne les aime pas, et un enfant fraîchement orphelin dont elle a soudainement la garde improvisée. Le duo mal assorti, sous le signe d’une tension permanente (la séquence du massacre de la famille du jeune homme, en hors-champ), est sulfureux au premier abord, plus qu’il ne suscite une empathie bienveillante. L’enfant, élevé comme un homme roi chez des mafieux latins, martèle les propos machistes que son père lui a inculqués avant de mourir (“you are the man”), face à une quadra abîmée qui espérait vivre une retraite tranquille à Pittsburgh, avec l’argent durement gagné dans un contexte mafieux flou. Les plans où ils “partagent le lit” ou durant lesquels ils se déchirent, sont assez troublants, donnant à l’enfant une maturité masculine au charisme adulte, ce que l’on reprocha au jeune débutant. John Adames fut auréloé d’un Razzie pour son jeu on ne peut plus singulier. On le regrette, car, à l’instar de Rowlands, ce petit bout de macho est en fait d’une vulnérabilité accessible au-delà de l’immédiateté des mots. Cassavetes dira à son sujet que c’est juste un môme jouant un rôle de môme. Il se retrouvait en lui.

Déterminisme anxiogène à la cruauté à l’épreuve des balles

On comprend ce qui a pu séduire Cassavettes et  Rowlands dans ce polar animé. Des individus qui cherchent à s’extraire d’un déterminisme anxiogène, d’un milieu à la cruauté à l’épreuve des balles. Les tempéraments, modelés par les aléas de la vie, sont forts, vifs, blessés dans la chair des personnages. Et c’est bien toute une réflexion sur la maternité, l’atavisme, que l’on peut apprécier en hors-texte.

Photo de Gene Rowlands et John Adames dans Gloria.

Gena Rowlands et John Adames dans Gloria. © Columbia Pictures Industries. Inc 1980. Tous droits réservés / All rights reserved

En tant qu’élément moteur du polar, la descente aux enfers de Gloria, trop vieille et trop “rondelette” pour courir (c’est elle qui le dit, se qualifiant d”overweight“) s’opère par une fuite de l’avant, mais également la capacité du personnage éponyme à aller vers ses ennemis. Elle ne cesse d’arpenter les quartiers malfamés les plus iconiques du New York déliquescent du début des années 80, avec une vivacité qui est un bel hommage au travail énergique de Rowlands, actrice miracle d’un type hollywoodien extra-terrestre. Sharon Stone a eu bien plus de mal à reprendre son personnage dans le remake de 1999, signé par Sidney Lumet. La capacité de l’épouse de Cassavetes à se fondre dans le personnage meurtri, est déstabilisante de vérité. L’académie des Oscars l’avait d’ailleurs nommée pour la seconde fois dans la catégorie de la meilleure actrice.

Dans cette étonnante réussite que l’on redécouvre avec plus d’exaltation encore dans le master contemporain magnifié d’une restauration 2K, l’on a bien quelques éléments scénaristiques qui nous chiffonnent, mais rien qui ne puissent contrebalancer l’émotion intacte du plus commercial des films de John Cassavetes, tout en demeurant la signature d’ un auteur. Les Américains ne s’y sont pas trompés et se sont méfiés d’une approche un peu trop artistique. Gloria, pourtant fort d’un Lion d’or à Venise (exæquo avec Atlantic City de Louis Malle), a dû se contenter d’une 87e place annuelle, pas très loin de l’épique japonais Kagemusha et du bide historique des Portes du paradis, avec 5 059 000$.

Frédéric Mignard

Sorties de la semaine du 31 décembre 1980

Gloria, affiche originale du film (1980)

© Columbia Pictures Industries. Inc 1980. Tous droits réservés / All rights reserved

Box-Office :

Contrairement à la déception américaine, Gloria a été un franc succès dans l’Hexagone. On reviendra tout particulièrement sur sa carrière parisienne, parfaitement représentative de sa dynamique française.

Sorti le 31 décembre 1980, Gloria bénéficiait de 13 salles sur Paris-Périphérie lors de sa sortie et parvint à les remplir, avec 40 691 spectateurs. Cela lui a valu une neuvième place hebdomadaire inattendue, au milieu des productions de Noël et films populaires en continuation (La cage aux folles, Inspecteur la Bavure, La Boum, Superman II, Un drôle de flic, Blues Brothers…).

Gloria, cadeau de Noël pour les cinéphiles en décembre 1980

Le Gaumont Champs Elysées s’offrit la 2e meilleure moyenne de la semaine, avec 10 363 spectateurs, derrière le Rex et la reprise des 101 Dalmatiens, le Disney de Noël, en pleine possession de son public pour les Fêtes.

Les autres salles programmant le Cassavetes en intra-muros étaient le St-Germain Huchette, les Parnassiens, le Clichy Pathé, le Montparnasse Pathé, l’Impérial Pathé, le Plm St-Jacques, le Gaumont Sud, et le Gaumont Gambetta.

Les autres nouveautés de la semaine étaient peu nombreuses en raison de cette date correspondant à la veille du nouvel an. Elles n’avaient également aucun potentiel.

Une semaine sans trop de nouveautés porteuses

Désirs secrets des pucelles ouvrait en 15 place à 18 421 entrées. L’été de la peur de Wes Craven se contentait de 12 710 spectateurs dans 12 cinémas. C’était moins que Le tigre sort les griffes, programmé  dans 4 salles (13 762). Enfin l’improbable Le Kolonel pédale dans la choucroute trouvait 1 025 soldats sur un écran.

En deuxième semaine, Gloria est récompensé par deux écrans supplémentaires. Dans un contexte post vacances où la fréquentation chute, le film de John Cassavetes grimpe de deux places et gagne en affluence (37 668 entrées). C’est mieux qu’Asphalte en première semaine dans 25 cinémas (36 852).

Gene Rowlands gagne encore des écrans en 3e semaine et passe à 18 salles. Elle enchante encore 26 654 spectateurs et dépasse les 100 000 spectateurs. Quatre grosses sorties (Brubraker, Le chasseur, Robe noire pour un tueur, Clara et les chic types) expliquent cette baisse dans la fréquentation.

Une stabilité remarquable signe d’un excellent bouche-à-oreille

La 4e semaine est encore marquée par une belle stabilité avec 20 084 entrées dans 13 salles. La banlieue ne programme plus Gloria en 5e semaine. Le thriller au féminin n’est plus que dans 7 cinémas. 12 985 retardataires sont de la traque (138 352). Etat stationnaire en 6e semaine (11 887, 6 salles). Le film dépasse cette fois-ci les 150 000 spectateurs. Dans 5 salles en 7e semaine Gloria ne veut pas passer la main (10 468). En 8e semaine, John Cassavetes grappille encore 8 091 spectateurs dans 5 salles…

La première exploitation de Gloria sur Paris s’achève en 15e semaine, avec un sursaut de 3 618 entrées, grâce à une programmation dans le cinéma de quartier le Gaîté Rochechouart (3 446) et quelques tickets vendus à l’Epée de Bois.

Le succès a été au rendez-vous grâce à une curiosité qui n’a en rien été empêchée par des critiques mitigées comme aux Etats-Unis.

Frédéric Mignard

Le test blu-ray

Gloria revient en blu-ray en France, 16 ans après une édition DVD sans intérêt. Wild Side l’a gratifiée d’un combo collector, sous forme d’un médiabook absolument somptueux.

Compléments & packaging : 4.5 / 5

Les médiabooks de Wild Side sont parmi les plus travaillés du marché et c’est logiquement un somptueux packaging qui attend les cinéphiles. Ceux-ci bénéficieront d’un ouvrage retraçant l’historique du film, et de magnifiques photographies, essentiellement en couleurs, toujours sans la moindre anicroche. Le design a été confié à Thierry Couquard via Black Cherry, pour alimenter l’objet d’illustrations qui donnent un coup de jeune à l’ensemble.

Scénographie de Gloria, blu-ray

Blu-ray de Gloria de John Cassavetes aux éditions Wild Side (2022) – Graphisme : Thierry Couquard (Black Cherry) © 1980 Columbia Pictures Industries, Inc. Tous droits réservés

Les bonus sont intéressants mais parfois reprennent un peu le contenu de l’ouvrage. L’on peut peut-être reprocher au livre d’être un peu hors sujet lors du chapitre final par Boukhrief, sur l’art de filmer les enfants. L’un des suppléments audiovisuels par Robert Guédiguian (32 min) est lui aussi un peu tiré par les cheveux. Le cinéaste marseillais évoque sa cinéphilie, son approche du cinéma qu’il compare à celle de Cassavetes, puisque lui aussi a sa troupe d’amis comme acteurs récurrents et son épouse, Ariane Ascaride, comme muse. C’est intéressant, évidemment, et on apprécie Guédiguian, mais on s’éloigne un peu de Gloria.

Les deux apartés de Muriel Joudet, très portés sur le féminisme et Gena Rowlands, respectivement de 38 et 22 minutes, sont intéressants, pertinents, mais bien des aspects du film ont été mis à l’écart pour des éléments déjà présents dans le livre. Des correspondances sont faites avec l’œuvre commune de Cassavetes et Gena Rowlands, et notamment avec le film méconnu Un enfant attend, dont il est établi des thématiques communes.

En conclusion, le livre est somptueux, et l’heure trente de bonus maison justifie amplement l’emplette.

L’image : 4.5 / 5

Le master est remarquablement restauré en 2K, lumineux, très proche de la retranscription crue du cinéma vérité, mais avec un emballage photographique et une colorimétrie maîtrisés qui font transparaître la beauté cinématographique de l’œuvre. La définition permet de redécouvrir Gloria en tant que classique du cinéma américain, mais aussi la géographie new-yorkaise particulièrement choyée dans ce jeu du chat et de la souris.

Le son  : 3.5 / 5

Wild Side a seulement gratifié la piste originale d’une option 5.1 qui donne énormément d’ampleur au score de Bill Conti. Attention, le film ayant été tourné en Mono, le procédé a forcément ses limites que l’on accepte car les voix restent audibles et la portée sonore est bonne.

Les amateurs de pistes françaises d’époque seront servis. La VF originelle a été retrouvée, mais ne bénéficie nullement d’un nettoyage exhaustif. La piste sonore reste d’ailleurs exclusivement disponible en VF Mono DTS HD.

Blu-ray de Gloira de John Cassavetes aux éditions Wild Side (2022)

Blu-ray de Gloira de John Cassavetes aux éditions Wild Side (2022) – Graphisme : Thierry Couquard (Black Cherry)

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