John Cassavetes est le représentant historique du cinéma indépendant américain. Acteur et réalisateur intransigeant, chantre du cinéma-vérité, il décède en 1989 laissant derrière lui une carrière originale et formidable
John Cassavetes est l’un des auteurs américains les plus vertigineux du cinéma américain. Eminent émissaire du cinéma indépendant dans une industrie de studio, Cassavetes se désintéresse du divertissement pour relater des histoires dramatiques, d’amour et d’amitié qui font sens.
Fin des années 50, début des années 60, arrivée massive de nouveaux talents
En tant que réalisateur, cet acteur abonné aux rôles de truands prend son envol en même temps que des cinéastes comme John Frankenheimer, Arthur Hiller, Stanley Kubrick, Norman Jewison, Sydney Pollack, Tom Gries, Irvin Kershner, Sam Peckinpah, Robert Mulligan, Arthur Penn, Martin Ritt, Stuart Rosenberg, Franklin J. Schaffner…
Mais à l’opposé des cinéastes de son époque, y compris ceux qui réalisait une certaine démythification de l’Amérique comme Arthur Penn ou Sydney Pollack, Cassevetes se détourne des codes et formules du cinéma commercial et du Nouvel Hollywood, pour se rapprocher des marginaux, et relater des histoires sociales fortes, sur le couple, la passion amoureuse, ce qui lui permet de parler finalement davantage à un public européen, en particulier français où il trouvait son public le plus fidèle, et en Italie où ses longs étaient régulièrement nominés au Festival de Venise (Shadows, Faces, Gloria). Le festival de Cannes le bouda, avec seulement une séance spéciale posthume en 1992.
Sa troupe de cinéma était constituée d’amis fidèles : Peter Falk, Ben Gazzara, le cinéaste Peter Bogdanovich, Seymour Cassel et surtout sa muse Gena Rowlands qu’il épouse en 1954, et avec laquelle il tournera dix films dont les mythiques Une femme sous influence et Gloria qui lui valent chacun une nomination à l’Oscar de la Meilleure actrice.
Acteur depuis le début des années 50, John Cassavetes a joué dans des longs comme Libre comme le vent (Robert Parrish, 1958), A bout portant (Don Siegel, 1964), Les 12 salopards (Robert Aldrich, 1967), Rosemary’s Baby (Polanski, 1968), Mickey and Nicky (Elaine May, 1976), Furie (Brian de Palma, 1978), C’est ma vie après tout (John Badham, 1981), Tempête (Paul Mazursky, 1982). Evidemment, il tenait des rôles importants dans ses propres longs (La ballade des sans espoirs, Husbands, Ainsi va l’amour, Love streams – Torrent d’amour).
Les échecs de John Cassavetes
Passionné de théâtre, il inculque à son cinéma des valeurs parfois théâtrales où la (fausse) impression d’improvisation chez les acteurs rend son cinéma prégnant. Son œuvre de l’intime a rarement rencontré le succès aux USA, avec quelques échecs cinglants comme Opening Night, film de 1977 qui devra attendre 1992 pour sortir en France, ou Meurtre d’un bookmaker chinois (1976). En réponse à ces deux échecs, il devra compenser en tant qu’acteur et scénariste, jouant parfois dans des films incongrus (la série B horrifique de John Hough, Incubus, en 1982).
Le polar mafieux Gloria, son plus gros succès commercial, est aussi un film de studio réussi, mais considéré comme une parenthèse dans sa carrière, puisqu’œuvre de commande pour la Columbia. Il fut récompensé d’un Lion d’Or à Venise, ex-aequo avec Atlantic City de Louis Malle.
Son ultime vrai film est Love Streams, drame psychologique sur la déchirure familial intense, un œuvre testamentaire qui lui vaut un Ours d’or à Berlin en 1984. Ce long métrage sort en France en janvier 1985. En revanche la comédie Big Trouble (1985) n’est nullement personnelle. Le cinéaste est arrivé sur le tournage à la démission d’Andrew Bergman, pour rendre service à son ami Peter Falk. Le film, indigne de sa filmographie de cinéaste, ne sera édité qu’en VHS sur notre territoire.
D’origine grecque de par son père immigré, John Cassevetes décède le 3 février 1998 d’une cirrhose du foi, en raison de ses problèmes d’alcool qui étaient notoires. Il n’avait que 59 ans.
Le cinéma-vérité d’un auteur intergénérationnel
Chantre du cinéma-vérité, du cinéma social et des marginaux, il avait donné la première place à des acteurs afro-américains dans son premier long métrage, Shadows en 1959, démontrant dès le début de sa carrière une volonté de briser le moule hollywoodien. Shadows obtiendra le Prix Pasinetti dans une section parallèle à Venise en 1960 et recevra deux nominations aux BAFTA en 1961.
La France lui rendra un bel hommage deux ans après sa mort, sous l’impulsion de Gérard Depardieu et Jean-Louis Livi, avec la ressortie événement de ses films principaux, ce qui permit à Opening Night de trouver enfin sa place dans nos cinémas où il connut un formidable succès.
Une femme sous influence, lui vaudra en 1975, sa seule nomination à l’Oscar comme meilleur réalisateur. Ce drame conjugal avec Gena Rowlands, grandiose, et Peter Falk, est tout simplement son plus grand film.
Filmographie : (réalisateur)
- 1959 : Shadows
- 1961 : Too Late Blues ou La Ballade des sans-espoir
- 1963 : Un enfant attend (A Child Is Waiting)
- 1968 : Faces
- 1970 : Husbands
- 1971 : Minnie et Moskowitz ou Ainsi va l’amour (Minnie and Moskowitz)
- 1974 : Une femme sous influence (A Woman Under the Influence)
- 1976 : Meurtre d’un bookmaker chinois (The Killing of a Chinese Bookie)
- 1977 : Opening Night
- 1980 : Gloria
- 1984 : Love Streams ou Torrents d’amour
- 1985 : Big Trouble
Box-office
- Gloria 495 058
- Une femme sous influence 415 605
- Le bal des vauriens 242 404
- Love Streams 218 071
- Opening Night 183 067
- Shadows 158 765
- Husbands 129 286
- Faces 113 969
- Ainsi va l’amour 74 202
- La ballade des sans-espoirs 66 024
- Un enfant attend 33 780