Thriller à machination tardif, Formule pour un meurtre ne propose rien de bien neuf dans un genre épuisé, mais son ambiance et sa réalisation compensent en partie ses errements narratifs et sa propension au grand-guignol lors du final. Sympathique.
Synopsis : Boston, 1985 – Ayant chuté, enfant, voici vingt-cinq ans, dans un escalier pour échapper à l’agression d’un homme travesti en prêtre, trauma qu’elle a effacé de sa mémoire, Joanna se retrouve clouée dans un fauteuil. Ayant hérité de la fortune de ses parents, ses journées se partagent entre sa villa et le centre sportif pour handicapés qu’elle a contribué à monter. Son amie Ruth gère son quotidien, tandis que Craig fait d’elle une sportive handisport accomplie. Alors qu’approche la date de signature d’une forte dotation à sa paroisse, les prêtres chargés de cette tâche disparaissent. Craig, l’entraîneur de Joanna, la pousse à l’épouser. Elle finit par lui céder, pour le meilleur et pour le pire…
Les derniers feux du cinéma populaire italien
Critique : Disposant encore de liens privilégiés avec les Etats-Unis, le producteur Fabrizio De Angelis entend poursuivre la grande tradition du cinéma populaire italien au cœur des années 80, alors même que le contexte a changé. Encore capable de mettre en place des tournages aux States – ici à Boston – le nabab n’a pourtant plus vraiment les moyens de ses ambitions. Ainsi, les budgets n’ont eu de cesse de diminuer drastiquement, au point de ne plus pouvoir engager d’acteurs de grande valeur, capables de porter sur leurs épaules l’intégralité d’un film et de lui octroyer une valeur ajoutée commerciale.
Sur Formule pour un meurtre réalisé en 1985, l’équipe technique présente à Boston était réduite à une petite dizaine de personnes qui devaient se débrouiller pour emballer les scènes d’extérieur le plus rapidement possible. Les intérieurs, quant à eux, ont été réalisés dans une villa proche de Rome afin de limiter les coûts. Le producteur confie l’ensemble de la conception de ce giallo au fidèle Alberto De Martino dont il connaît la capacité à s’adapter à toutes les situations compliquées. Avec un tel artisan, le financier était certain de ne pas avoir à subir de dépassements de budget, tout en obtenant un produit conforme à ses attentes.
© 1985 Surf Films. Tous droits réservés.
Par le scénariste de L’éventreur de New York et Murderock
Avec son complice scénariste Vincenzo Mannino (L’éventreur de New York et Murderock pour Lucio Fulci), Alberto De Martino a bien conscience qu’ils écrivent un traditionnel thriller à machination comme on en a vu des centaines depuis une vingtaine d’années. Giallo de fin de série, Formule pour un meurtre entend réactiver un genre qui est déjà totalement passé de mode en 1985, mais sans jamais chercher l’originalité. Bien au contraire, les auteurs signent ici un script d’un classicisme étonnant tant il ne cherche jamais à se démarquer du tout-venant.
D’ailleurs, les auteurs ne croient tellement pas en leur histoire qu’ils révèlent l’identité du tueur masqué et les raisons de la machination dès la 38ème minute du métrage. Pour le coup, il s’agit d’une réelle audace car cela pouvait signer l’arrêt de mort d’une œuvre désormais en roue libre. Mais c’était compter sans le savoir-faire d’Alberto De Martino qui parvient à maintenir une certaine tension tout au long de son thriller. En revanche, cela le condamne à tomber dans la surenchère et le grand-guignol lors de la dernière demi-heure qui ne raconte plus que la traque d’une handicapée par un maniaque au cœur d’une villa de luxe.
Formule pour un meurtre multiplie les références prestigieuses
Au petit jeu des citations qui pullulent au cœur de cette série B, on notera par exemple l’empreinte du Facteur sonne toujours deux fois (Tay Garnett, 1946, et Bob Rafelson, 1981) ou encore des Diaboliques (Henri-Georges Clouzot, 1955). Ces œuvres ont été les matrices de la plupart des grands thrillers à machination italiens des années 60 dont se réclame Formule pour un meurtre. On peut aussi voir des clins d’œil au cinéma d’Alfred Hitchcock, notamment dans les évolutions des protagonistes au sein d’une demeure avec un grand escalier en son centre. Enfin, la traque d’une handicapée par un maniaque nous renvoie directement à Seule dans la nuit (Terence Young, 1967) avec la grande Audrey Hepburn.
Conscient de la minceur de son script, Alberto De Martino multiplie les effets de caméra, bouscule les angles, joue à fond avec les focales et tente ainsi de masquer le manque de moyens. Il y parvient plutôt bien dans l’ensemble et Formule pour un meurtre possède une qualité assez rare qui est de ne jamais ennuyer. Certes, tout est parfaitement prévisible et certaines situations sont totalement improbables, mais le cinéaste arrive à tirer habilement sur chaque ficelle (certains diront des câbles) de son intrigue pour ne pas nous faire bâiller d’ennui.
Une ambiance typique du bis italien des années 80
Si Christina Nagy – qui venait des sitcoms américaines – n’est pas forcément très crédible en handicapée moteur, cela participe de l’ambiguïté de ce personnage féminin dont on se demande si elle est si innocente que cela. Face à elle, David Warbeck fronce les sourcils comme Jack Nicholson auquel il ressemblait de plus en plus en vieillissant. Alberto De Martino le pousse même à cabotiner lors de la dernière demi-heure, ce qui était plutôt rare pour cet acteur généralement sobre.
Enfin, Formule pour un meurtre ne serait pas aussi agréable à suivre sans la contribution majeure du directeur de la photographie Gianlorenzo Battaglia et celle du compositeur Francesco De Masi. Ce dernier use et abuse des synthétiseurs devenus rois à l’époque et recycle même un passage de sa bande originale de L’éventreur de New York (Lucio Fulci, 1982). Bien entendu, les amoureux de finesse musicale passeront leur chemin, mais ceux qui, comme nous, apprécient les mélopées italiennes parfois kitsch du cinéma de l’époque seront aux anges, plongeant à nouveau dans une ambiance qui leur est chère.
Le dernier (bon) film de son réalisateur
Formule pour un meurtre est donc un giallo de queue de comète qui n’apporte strictement rien à ce genre qui allait rapidement disparaître, mais le long-métrage est tout de même à mille encablures au -dessus du déplorable nanar L’incroyable homme puma (1980), tourné peu de temps auparavant par Alberto De Martino. Réalisé la même année que Miami Golem (1985), toujours avec David Warbeck, Formule pour un meurtre peut être considéré comme le tout dernier bon film d’un réalisateur qui allait raccrocher les gants peu de temps après, emporté par la mort du cinéma populaire italien.
Si le site Encyclociné évoque une sortie du giallo dans les régions du Nord et de l’Alsace en décembre 1986, on peut toutefois considérer comme inédit ce long-métrage qui a surtout fait le bonheur des cinéphiles de vidéo-clubs. Ainsi, Formule pour un meurtre est apparu en VHS chez l’éditeur Delta Vidéo durant l’année 1987, pour la plus grande joie des bisseux. Depuis, le film avait disparu des radars avant d’être à nouveau exhumé en blu-ray par Le Chat qui Fume dans une édition de bonne qualité sur le plan visuel – malgré des scories – et agrémentée de quelques bonus sympathiques, témoignages précieux d’une époque révolue.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 10 décembre 1986
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Biographies +
Alberto De Martino, David Warbeck, Andrea Bosic, Rossano Brazzi, Adriana Giuffrè, Christina Nagy, Carroll Blumenberg
Mots clés
Giallo, Les handicapés au cinéma, Le viol au cinéma, La manipulation au cinéma, Le Chat qui Fume