Exécutions est un classique film policier qui veut rendre hommage au film noir par une intrigue inutilement tarabiscotée. Malheureusement, l’ennui n’est jamais très loin, malgré de bons acteurs.
Synopsis : L’inspecteur Belli est mandaté par le célèbre avocat Fontana pour faire expulser une call-girl dont son fils Mino est tombé amoureux, et pour enquêter sur un certain Romanis, le directeur d’une maison de disques, qui avait promis un poste important à Mino. Il trouve ce dernier assassiné de deux balles de révolver.
Un hommage au film noir qui dénonce la corruption
Critique : Alors qu’il vient de signer quelques westerns et surtout un thriller à machination réussi intitulé L’adorable corps de Deborah (1968), le cinéaste Romolo Guerrieri – de son vrai nom Girolami, frère du cinéaste Marino Girolami et oncle d’Enzo G. Castellari – décide de rendre hommage au film noir américain avec Exécutions (1969) dont il offre le rôle principal à Franco Nero. Alors que le giallo commence à triompher sur les écrans italiens et que le sous-genre du poliziottesco connaît ses premiers succès (Bandits à Milan de Carlo Lizzani en 1968 est le premier à sortir), Romolo Guerrieri fait donc le choix étonnant d’aller à contre-courant de la mode en livrant une œuvre d’un classicisme assumé.
Effectivement, le scénario à tiroirs concocté par Franco Veruci, Massimo D’Avak et Alberto Silvestri s’inspire librement d’un roman de Ludovico Dentice intitulé Macchie di belletto. Il suit l’enquête menée par un inspecteur de police dont on comprend très rapidement qu’il est totalement corrompu. Celui-ci doit faire la lumière sur un mystérieux assassinat qui touche de près un puissant notable interprété avec charisme par Adolfo Celi. Se conformant aux thématiques habituelles du film noir, Exécutions va donc suivre une intrigue très tortueuse qui a pour vocation de critiquer à la fois les élites, mais également les forces de l’ordre qui ne sont que le bras armé de l’oppression. Le cinéaste en profite pour décrire une Italie entièrement vouée au culte de l’argent.
Une intrigue passablement confuse et un rythme mollasson
Malheureusement, là où l’on pouvait attendre une œuvre politique qui ausculterait en profondeur les failles d’une Italie gangrenée par la corruption, on se retrouve avec un film policier en forme de whodunit tout ce qu’il y a de plus classique. Dépourvu d’action, Exécutions enchaîne donc les tunnels dialogués afin de nous permettre de comprendre tous les tenants et aboutissants d’une histoire vraiment emberlificotée. Dire que l’on n’est pas perdu serait mentir tant les auteurs ont multiplié les personnages secondaires et les intrigues parallèles, histoire de noyer le poisson. Sans révéler quoi que ce soit, on se retrouve finalement face à un affrontement classique entre un détective corrompu et une femme fatale, comme autrefois dans le cinéma américain des années 40.
Si Romolo Guerrieri est habituellement un technicien correct, il ne semble pas vraiment inspiré par cette histoire puisqu’il livre un nombre impressionnant de champs / contre-champs d’une banalité à pleurer. De même, son montage paraît quelque peu heurté, avec des scènes parfois interminables et des moments d’accélération qui ne se justifient absolument pas sur le plan narratif. Cela donne donc un incessant sentiment de flottement qui rend la projection fastidieuse. Le tout est également assorti d’une musique jazzy du chanteur Fred Bongusto qui ne fera pas l’unanimité pour peu que l’on ne goûte guère ce style musical.
Les acteurs sauvent souvent la mise
Finalement, si Exécutions reste une œuvre à découvrir, c’est avant tout pour la qualité du jeu des acteurs. Ainsi, Franco Nero incarne avec beaucoup de fougue un anti-héros absolument odieux, machiste, corrompu et toujours près à faire chanter les témoins qu’il rencontre. Face à lui, l’actrice brésilienne Florinda Bolkan s’impose à l’écran dans un de ses premiers grands rôles. La même année, elle explosera dans le chef d’œuvre de Luchino Visconti Les damnés. Bien entendu, Adolfo Celi est toujours parfait en notable méprisable et l’on notera aussi la présence de la jeune Laura Antonelli dans un de ses premiers rôles.
Alternativement intrigant et ennuyeux, Exécutions n’a guère connu le succès lors de sa sortie initiale en Italie, tandis que les Français ne furent que 79 178 curieux à faire le déplacement en salles. Finalement, le long-métrage est ressorti en Italie au cours des années 70 sous le titre Tracce di rossetto e di droga per un detective afin de profiter de la mode du poliziottesco. En France, le film a surtout été édité en VHS par deux fois au cours des années 80. Il a toutefois fallu attendre 2022 pour que l’éditeur Artus propose enfin un combo DVD / Blu-ray de très bonne tenue.
A noter enfin que Franco Nero a incarné un autre commissaire Belli dans le superbe Le témoin à abattre (Castellari, 1973), mais en réalité le personnage est totalement différent de celui vu dans Exécutions.
Critique de Virgile Dumez