Demonia : la critique du film (1990)

Epouvante, Horreur | 1h25min
Note de la rédaction :
4/10
4
Meg register sur l'affiche de Demonia de Lucio Fulci

  • Réalisateur : Lucio Fulci
  • Acteurs : Al Cliver, Brett Halsey, Paola Cozzo, Meg Register, Lino Salemme
  • Date de sortie: 01 Oct 1990
  • Année de production : 1990
  • Nationalité : Italien
  • Titre original : Demonia
  • Titres alternatifs : Liza (titre de préproduction), Shin demonzu (Japon), Freiras Demoníacas (Portugal),
  • Scénaristes : Piero Regnoli (sous le pseudonyme de Pietro Regnoli), Lucio Fulci (scénario et histoire)
  • Directeur de la photographie : Luigi Ciccarese
  • Monteur : Otello Colangeli
  • Compositeur : Giovanni Cristiani
  • Producteur : Ettore Spagnuolo
  • Sociétés de production : Lanterna Editrice
  • Distributeur : Inédit en salle
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeur vidéo : Media Blasters (USA, DVD, 2001), Astro (DVD, Allemand, 2001)Shriek Show (USA, DVD), Severin (USA, blu-ray), Arrow (Royaume-Uni, Blu-ray, 2022)
  • Date de sortie vidéo : Octobre 1990 (Italie, VHS), 25 août 2020 (Edition blu-ray Severin), 6 juin 2022 (Edition blu-ray Arrow)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : Inédit en salle
  • Budget : -
  • Classification : Non présenté au CNC
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleur (35 mm, Telecolor) / 1.66:1
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : © Graham Humphreys. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Movie 7 Media, Gurami Film. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Demonia marque le retour de Lucio Fulci à un cinéma macabre et gothique. Mais particulièrement raté, le film d’épouvante ne trouva même pas sa place au cinéma en Italie. Pourtant, pour les nostalgiques du cinéma bis italien des années 80, cette oeuvre d’un auteur déclinant, empêché par un budget inexistant, n’en demeure pas moins agréable. Un must pour les collectionneurs.

Synopsis : Une équipe archéologique canadienne, dirigée par le professeur Evans, descend sur les ruines d’un monastère médiéval sicilien pour entreprendre une fouille. Mais lorsque la protégée d’Evans, Liza part à la recherche d’une explication aux visions troublantes qu’elle a eues, elle réveille l’esprit de trois nonnes adoratrices de Satan mises à mort des siècles plus tôt par une foule violente, déchaînant une orgie de violence vengeresse sur les explorateurs sans méfiance.

Critique : Ultime film du producteur Ettore Spagnuolo (Sangraal, Le retour du barbare de ProsperiTrésor de guerre d’Umberto Lenzi…), Demonia est surtout sa deuxième collaboration avec Lucio Fulci après Aenigma (1987), une authentique sortie cinéma qui avait déçu. Le roi des budgets malingres et du cinéma bis à forte tendance Z, ne laissera que bien peu d’argent pour que Fulci puisse revenir à un cinéma gothique satisfaisant avec ce Demonia que le cinéaste rêvait comme une passerelle avec L’au-delà.

Une photographie surexposée douloureuse pour les yeux

Lucio Fulci, malade depuis quelques années, en est à son troisième long consécutif en moins d’un an, puisqu’il sort des tournages de The Sweet House of Horrors et The House of Clocks pour la télévision. Le cinéaste tourne là où il peut, pour des raisons financières, mais aussi par passion. Demonia, mis en boîte en quelques semaines entre décembre 1989 et janvier 1990, le démontre. Dans une œuvre à la photographie surexposée (l’auteur voulait créer un effet brouillard pour accentuer l’étrange, ce qui heurta surtout les yeux en VHS, et à un moindre niveau en blu-ray, grâce à la restauration 4K), Fulci n’en demeure pas moins un technicien de talent. Avec son budget ridicule, il tente malgré tout des effets de réalisation qui démontrent son œil imparable, son professionnalisme, et son besoin d’associer la technicité à la narration. On ne l’accusera pas ici de se laisser aller à un style de téléfilm. L’auteur fait ce qu’il peut pour donner de l’allure à son récit surnaturel qui ressemble à bien des égards à de nombreux classiques qu’il a pu tourner. Les scènes multiplient les hommages ; ce procédé accouchera de son œuvre la plus métacinématographique juste après Demonia, lorsqu’il réalisera A Cat in the Brain où Fulci deviendra le personnage principal de sa propre fiction, à savoir un cinéaste hanté par son propre cinéma.

Meg register sur l'affiche de Demonia de Lucio Fulci

© Gurami Film, Movie 7 Media

Demonia, abandonné par Fulci, sera massacré au montage

Cela ne fait pas de Demonia (Liza, lors de la préproduction du film), un bon film pour autant, puisqu’il s’agit ici de l’un des ratés de l’auteur qui n’avait pas les moyens pour concrétiser ses cauchemars. A chaque instant, Fulci ne s’avait pas s’il allait pouvoir achever le tournage tant l’argent manquait. L’équipe technique ira jusqu’à se mettre en grève car non payée. Il fallut une intervention du producteur pour que la crise cesse.

Dépité, Fulci n’aura pas d’autre choix que de baisser les bras et d’abandonner le film au monteur qui massacrera un peu plus ce qui avait été tourné, et notamment les scènes d’effets spéciaux. Lucio Fulci n’aura nullement participé au montage de cette œuvre morte née qui relève d’un énième sursaut d’un genre que l’on croyait enterré, la nunsploitation que même Bruno Mattei traitera avec plus de panache avec L’autre enfer (1981).

La nunsploitation au cinéma

Co-écrit par un ami de Fulci et fan du cinéaste, Antonio Tentori ainsi que par Piero Regnoli  – Le manoir de la terreur (Andrea Bianchi), L’avion de l’apocalypse (Umberto Lenzi), et des scripts de comédies sexy à la chaîne -, Demonia pâtit également de son absence de substance narrative. Son histoire de jeune archéologue possédée par l’esprit diabolique de l’une des nonnes crucifiées jadis par des autochtones d’un patelin sicilien ne tient nullement la route et ne sera sauvé que par ses décors (une authentique crypte au macabre qui échappe au cinéaste), quelques séquences oniriques comme Lucio Fulci en a le secret, et des touches de gore particulièrement violentes (notamment un étonnant écartèlement évoquant un effet d’Amazonia la jungle blanche de Deodato, un peu trop cru et sadique, une attaque féline carrément Z faisant écho aux araignées de L’au-delà et aux escargots d’Aenigma, mais pour les connaisseurs de cinéma bis, c’est aussi le faux chat du nanar Le clandestin qui nous revient en tête)…

Blu-ray collector de Demonia, film de Lucio Fulci, édité par Arrow Vidéo en 2022, au Royaume-Uni

Blu-ray collector de Demonia, film de Lucio Fulci, édité par Arrow Vidéo en 2022, au Royaume-Uni – Design exclusif de Graham Humphreys (2022)

Des acteurs du cinéma bis et une Américaine vue chez Prince et Michael Jackson

Le jeu de l’héroïne tenue par une Américaine (Meg Register, connue pour ses apparitions dans le clip Partyman de Prince en 1989, puis dans le Black and White de Michael Jackson) est loin d’emballer dans une ambiance que l’on souhaitait morbide. Sa blondeur pure de clip vidéo et de soap tend à romantiser une image déjà léchée à l’extrême de par le filtre et le voile de brouillard que l’image inflige aux spectateurs. Heureusement, quelques routiers du bis font de belles apparitions. La vedette américaine Brett Halsey (Plaisirs pervers de Fulci), l’égérie de Lamberto Bava Lino Salemme, à la sensualité virile proche de celle de Javier Bardem dans les années 90, ou encore l’un des acteurs fétiches deLucio Fulci, Al Cliver (L’enfer des zombies, L’au-delà, Le chat noir, 2072, Murder Rock, Soupçons de mort) qui, tristement signait son ultime rôle après deux décennies chargées.

Une œuvre rare dans les années 90 qui devra sa résurrection aux supports DVD et blu-ray

Privé du grand écran en Italie, Demonia sort dans l’indifférence généralisée sur quelques marchés vidéo au début des années 90. Pour les Français privés d’édition en VHS, il faudra compter sur les imports ou les voyages à l’étranger pour en profiter. Dans les années 2000 et l’avènement de la plateforme de ventes en ligne Amazon.com, cette œuvre méconnue voyage mieux et profite à l’étranger de nombreuses parutions en DVD et même en blu-ray plus récemment, notamment chez l’Américain Severin en 2020, puis, en 2022, chez Arrow Films UK. L’éditeur britannique reprendra les suppléments américains, tout en proposant un collector au packaging ravageur (design exclusif de Graham Humphreys), en forme de croix, avec un livret et un deuxième disque comprenant le documentaire Fulci Talks (2021), de Antonietta De Lillo. Bref, un choix immanquable en l’absence d’édition française, qui bénéficie de sous-titres en anglais, y compris dans les bonus, ou d’une piste audio en anglais, qui compense la médiocrité réelle, mais à vrai dire touchante, du film original que l’on n’arrive pas à ne pas apprécier en grands fans de Lucio Fulci que nous sommes.

Frédéric Mignard

Demonia en blu-ray chez Arrow vidéo

Design exclusif de ©  Graham Humphreys pour l’édition blu-ray Arrow Vidéo (2022). All Rights Reserved.

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