Polar tortueux qui manque de subtilité, Dead Again se laisse regarder grâce à d’excellents acteurs, mais la réalisation prétentieuse de Branagh surligne parfois grossièrement les effets. Inégal.
Synopsis : Mike Church est un détective de Los Angeles, spécialisé dans la recherche de personnes disparues. On le charge du cas mystérieux d’une jeune femme amnésique qu’il baptise Grace. Celle-ci fait des cauchemars évoquant le meurtre d’une pianiste, prénommée Margaret, par son mari, Roman Strauss, à la fin des années 1940.
Kenneth Branagh, la révélation du début des années 90
Critique : En 1989, l’acteur britannique Kenneth Branagh est révélé au grand public par son tout premier film de réalisateur adapté de William Shakespeare : Henry V. Le long-métrage reçoit des louanges de la part des critiques, connaît un joli succès public, notamment aux Etats-Unis et glane même un Oscar des meilleurs costumes. A seulement 29 ans, Branagh est alors perçu comme un nouveau prodige et certains critiques n’hésitent pas à le comparer à des pointures comme Orson Welles ou encore Laurence Olivier.
Tant d’enthousiasme ne pouvait laisser Hollywood indifférent et Branagh reçoit alors de nombreux scripts, pour la plupart dans le domaine du drame historique. Mais finalement, il se passionne davantage pour le scénario original de Scott Frank, auteur encore méconnu. En réalité, Kenneth Branagh a toujours adoré les intrigues de polar et il admire notamment l’œuvre d’Agatha Christie. Il trouve donc dans cette histoire tortueuse des éléments qui le motivent, ce qui est validé par l’actrice Emma Thompson, sa compagne de l’époque.
Un polar soutenu par Sydney Pollack
Produit par la Paramount, Dead Again va donc entrer en phase de conception au début des années 90. Il a fallu toutefois le soutien à la production du réalisateur Sydney Pollack pour que le casting ne soit composé que d’inconnus du grand public dans les rôles principaux. Effectivement, le trio de tête est constitué de Branagh, Thompson et Derek Jacobi, soit les complices d’Henry V (1989). Afin d’injecter quelques noms plus prestigieux au générique, on fait appel à Andy Garcia, Robin Williams ou encore Hanna Schygulla pour tenir des rôles secondaires qui se retrouvent pourtant en bonne position au générique.
Tournée intégralement à Los Angeles, Dead Again est donc une œuvre de commande qui avait pour but d’assoir la réputation de Kenneth Branagh aux Etats-Unis, tout en montrant qu’il ne s’enferme pas dans un genre précis. Pour pouvoir entrer dans cette histoire se déroulant parallèlement à deux époques différentes, il faut initialement que le cinéaste parvienne à instaurer la suspension d’incrédulité. Effectivement, l’intrigue policière proprement dite ne fonctionne que si le spectateur accepte le postulat de l’hypnose et de la réincarnation des êtres. Ici, la machination qui à l’œuvre est issue d’un élément fantastique que le spectateur doit accepter, au risque de rester à la porte du film.
Branagh en mode démonstratif
Cela fonctionne d’ailleurs plutôt bien, au moins durant la première heure, grâce à des acteurs convaincants – on adore notamment Emma Thompson et Derek Jacobi. La réalisation se veut savante et complexe, notamment lors des séquences d’hypnose constituées de plans-séquences tortueux avec multiples changements d’axe. Toutefois, cet aspect démonstratif de la réalisation peut parfois confiner à la prétention. En réalité, Dead Again est un film agréable à suivre, mais qui surligne trop ses effets et manque donc cruellement de subtilité.
Tout d’abord les citations visuelles sont quelque peu écrasantes avec ces plans qui évoquent volontairement Citizen Kane (Welles, 1941), mais on peut aussi trouver lourde la signification des noms des personnages. Ainsi, le détective s’appelle Church (église), tandis que la protégée dont il va tomber amoureux se nomme Grace. Même chose avec le nom du coupable – que nous ne dévoilerons donc pas, mais qui est désigné comme tel par son seul patronyme. Ce manque de subtilité se retrouve dans la description de certains personnages loufoques (que vient réellement faire Robin Williams en psy à moitié dingue ?) ou dans l’hommage appuyé aux films noirs des années 40, avec Andy Garcia.
Un style pompier qui dessert le film
Enfin, si le dernier quart d’heure du film est bel et bien efficace, il nous assène quelques révélations pas toujours très bien amenées et finalement peu crédibles à la réflexion. Et que dire de la séquence finale tournée au ralenti, si ce n’est qu’elle est un peu embarrassante ? Tout ceci est encore souligné par la partition symphonique de Patrick Doyle, très pompeuse et explicite dans ses moindres intentions. Dead Again n’est donc certes pas forcément mauvais et le thriller se révèle efficace à de nombreux moments, mais le long-métrage souffre d’un évident complexe de supériorité de la part d’un réalisateur alors infatué. Dans son œuvre naissante, on préfère largement son petit projet indépendant Peter’s Friends, tourné dans la foulée avec davantage d’économie de moyens.
Succès honorable à sa sortie aux Etats-Unis, Dead Again a bénéficié d’un écho assez favorable en France également, réunissant 519 607 amateurs de frissons dans les salles de l’Hexagone. Pourtant, le long-métrage n’a pas vraiment laissé de souvenir impérissable et fait partie aujourd’hui des œuvres oubliées d’un cinéaste qui s’est fourvoyé à de nombreuses reprises. D’ailleurs, les éditeurs français ne se bousculent pas pour rééditer le film en blu-ray, preuve d’un certain manque d’intérêt autour de ce thriller sympathique, mais clairement surestimé à l’époque, y compris par l’auteur de ces lignes.
Critique de Virgile Dumez