Rainer Werner Fassbinder est le réalisateur allemand subversif de Le mariage de Maria Braun, Lili Marleen et Querelle. Il décède à 37 ans.
Même s’il décide en 1982 à l’âge de 37 ans, Rainer Werner Fassbinder est l’un des cinéastes allemands les plus importants du XXe siècle. Ce fils de médecin est un cinéphile total dont la vie sera une œuvre. Ecrivain, producteur télévisé, réalisateur émérite, dramaturge, acteur pour les autres… ce génie sombre d’une œuvre nihiliste est passé par tous les arts.
Représentant du nouveau cinéma allemand
Féru de cinéma français, il réalise le court Le clochard en hommage à Eric Rohmer. Sur les planches, il travaille avec sa muse, Hanna Schygulla, depuis 1967. Ensemble, ils ont tourné : L’amour est plus froid que la mort (1969), Prenez garde à la sainte putain (1971), Le marchand des quatre saisons (1972), Les larmes amères de Petra von Kant (1972), et surtout dans Le mariage de Maria Braun, qui révèle le cinéaste au grand public en France en 1980, ainsi que Lili Marleen, deuxième volet d’une trilogie féminine allemande. Il la dirige également dans sa série télé monumentale, Berlin Alexanderplatz, d’après Döblin, en 1980.
Toutefois, en 1981, il dirige Barbara Sukowa dans Lola, une femme allemande. Pour Le secret de Veronika Voss, il collabore avec Rosel Zech. Cette œuvre magistrale qui s’inspire de la fin de carrière et de vie de l’actrice Sybille Schmitz remporte l’Ours d’or au Festival de Berlin.
Rainer Werner Fassbinder, iconoclaste bisexuel
Réalisateur bisexuel (il a été marié à l’actrice Ingrid Caven), habitué au cinéma art et essai, il propose en 1975 Le droit du plus fort qui fait scandale. Il finit sa carrière avec un hommage à Jean Genet, Querelle, d’après Querelle de Brest de l’auteur français. Cette coproduction française avec Gaumont réunit Brad David, Franco Nero, ainsi que les acteurs français Laurent Malet et Jeanne Moreau.
Parmi les autres œuvres phares de Rainer Werner Fassbinder, on citera Maman Küsters s’en va au ciel (1975), Roulette Chinoise (1976), Despair et L’année des treize lunes (1978).
Le théâtre dans la peau
Pour le théâtre, il a écrit de très nombreuses pièces dès le milieu des années 60 dont Gouttes d’eau sur pierres brûlantes qui sera adaptée par François Ozon en 2000. Il a d’ailleurs fondé la troupe l’Antiteater. Il y fera preuve de sa même boulimie de travail dans un élan collectif anarchiste.
Pour la télévision, outre Berlin Alexanderplatz, il a réalisé Le monde sur le fil (1973), Nora Helmer (1974) et Martha (1974). Au total, ce sont seize téléfilms et séries.
Ce représentant d’une nouvelle vague allemande surnommée le nouveau cinéma allemand était un génie désespéré dont les jalons n’ont jamais cessé de fasciner, entre rétrospectives et magnifiques éditions vidéo, notamment chez l’éditeur Carlotta.
La mort d’un génie et une ultime polémique
Il décède en 1982, le 10 juin, dix jours après son trente-septième anniversaire. On évoque un suicide, une overdose. Le mystère est total. Il a quarante-trois films à son actif . Hannah Schygulla au sujet de son décès déclare :
“Savoir s’il est mort trop jeune parce qu’il s’est dépensé, ou s’il s’est dépensé parce qu’il savait qu’il allait mourir jeune, c’est une question à laquelle, personnellement, je ne me risquerai pas à répondre,” (Le Monde, 1995)
Rainer Werner Fassbinder ne pourra finir le montage de Querelle qui sortira sur les écrans français deux mois plus tard. En France, on découvrira cette œuvre inclassable en septembre 1982, peu après son passage à la Mostra de Venise où il repartira les mains vides malgré l’appréciation du président Marcel Carné. L’affiche du film provoque une polémique et sera interdite. Sulfureux jusqu’au-delà de sa mort, Fassbinder est un maître.

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