Projet mis à mal par une guerre culturelle binaire, Blanche Neige est un accident industriel qui entache Hollywood dans son obsession à produire du prêt à regarder qui se résume au néant artistique.
Synopsis : “Blanche-Neige” des studios Disney est une nouvelle version du classique de 1937 en prises de vues réelles. Avec Rachel Zegler dans le rôle principal et Gal Gadot dans celui de sa belle-mère, la Méchante Reine. Cette aventure magique retourne aux sources du conte intemporel avec les adorables Timide, Prof, Simplet, Grincheux, Joyeux, Dormeur et Atchoum.
Le live action Reimagining de trop?
Critique : Projet dont on parle depuis la fin des années 2010, Blanche Neige et les 7 nains se devait d’être réadapté en live action picture comme tous les autres films d’animation de la société Walt Disney Pictures. Ne s’agit-il pas, après tout, de son titre phare, le premier long métrage d’un maître de l’animation qui bâtira un empire entier sur les princesses et royaumes enchantés ?
Dans un processus d’industrialisation de la création, Disney était en 2019 au firmament de son hégémonie avec pas moins de sept films dans le top 10 annuel, exploitant au-delà du raisonnable Star Wars (l’épisode IX), Marvel (Endgame, Captain Marvel), les suites de son catalogue (Toy Story 4, La Reine des Neiges 2) et la formule magique de la transformation systématique de ses classiques animés en longs métrages avec des prises de vue réelles (Le Roi Lion et Aladdin). Ce dernier exercice étant le plus lénifiant de tous ses plans d’action, puisqu’il consiste généralement en photocopies numériques aussi plates qu’insincères.
L’originalité avait définitivement disparue des ardoises Disney, puisque le risque et les actionnaires ne font pas bon ménage. Les bides de projets originaux comme Mars Needs Moms (2011), John Carter (2012), The Lone Ranger (2013) et A la poursuite de demain (2015), les ont rhabillés pour le demi-siècle à venir.
Un tel écrasement de la concurrence et un tel appauvrissement de l’offre culturelle ne pouvait que mettre en péril l’industrie hollywoodienne qui, une crise épidémique planétaire favorables aux plateformes et l’avènement d’un président autoritaire plus tard, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Des chiffres en berne, une production atone, et la confiance du public évaporée.
Durant ce processus de délitement, Disney a acquis la 20th Century Fox, déstabilisant un peu plus l’offre culturelle hollywoodienne. La major s’est aussi fait la voix d’une politique d’inclusivité systématique quand l’Amérique se braquait, et a produit des étendards idéologiques qui n’avaient, artistiquement, rien à raconter.
Blanche Neige a été développé durant cette ère de basculement dans une ère pétrie de contradictions où la moitié des citoyens américains ont toujours plus abhorrer l’état fédéral jugé trop favorable aux minorités et bénissent un nouveau pouvoir exécutif qui déborde de tout bord de sa toute-puissance autoritaire.
Ce qui aurait dû être une énième production fade (qui se souvient du médiocre Cendrillon de Kenneth Branagh, ou de Maléfique ?) devient l’objet d’un complot MAGA, avec des têtes d’affiche féminines représentant des causes qui se heurtent à l’échelle mondiale. Ainsi, l’indomptable actrice qui joue Blanche Neige est pro Palestinienne dans ses tweets, avec un message #FreePalestine qui accule un peu plus la productio. Elle insulte même le nouveau président lors de son élection. Face à elle, la comédienne qui incarne la vilaine sorcière est de nationalité israélienne et a été heurtée par l’attentat terroriste du 7 octobre 2023, ce qui a déchaîné l’antisémitisme à son égard…
Bref, tout est compliqué pour une œuvre en soit anodine qui n’aurait dû être qu’une réplique systémique de son illustre modèle…
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En réalité, l’on aurait bien besoin d’un dossier pour retranscrire les polémiques qui se sont accumulées lors de la mise en place du projet Snow White : une Blanche Neige qui n’était pas assez blanche de peau (ce qui, par rapport au titre, est un oxymore), des nains qui disparaissent au profit de créatures numériques assez immondes (les acteurs de petite taille se sont insurgés contre cette mise au placard de leur talent), des communautés latines qui se sont vues en Blanche Neige réduite au statut de domestique servant la soupe aux 7 nains blancs, et l’actrice principale qui fait de la provocation féministe en soulignant la force de son personnage qui ne sera pas réveillé par un agresseur sexuel qui profiterait de son non consentement pour l’embrasser…
Bref, Blanche Neige est née au Wokistan et se réveille après des années de reshoots et post-production avec l’ogre Trump président qui ordonne une enquête contre le studio Disney en raison de ses politiques d’inclusion et de diversité. Pour l’Amérique coutumière du fait, il s’agit d’un énième chapitre de la guerre aux sorcières lancée par un communiquant de la télé-poubelle qui pleurniche depuis 10 ans sur les réseaux sociaux car il serait la victime d’une perpétuelle persécution gauchiste. Pauvre vieux monsieur, persécuté par tous. On le croirait presque.
Evidemment, le film de 250 millions de dollars, qui a vu son budget exploser, va connaître un bide monumental aux USA (voir ici), avec seulement 56M$ de recettes aux USA en huit jours, et une chute spectaculaire annoncée pour son 2e week-end où un virile Jason Statham la remet à sa place. Et voici les progressistes qui crient au racisme à l’égard de Rachel Zegler, les Trumpistes qui se frottent les mains, et Disney qui fait profile bas, car de toute façon le studio a acté l’échec du film insauvable depuis longtemps et fonde désormais ses espoirs dans le live action Lilo & Stitch pour refaire société. Annoncé pour le 21 mai, à une date plus consensuelle pour cartonner, le film de Dean Fleischer Camp devrait être une meilleure affaire.
Dans ce panorama apocalyptique, on ne devrait pourtant pas oublier l’essentiel, la qualité réelle du film. Et par cela, on ne parle pas des avis outranciers sur les réseaux sociaux ou des notes aveuglées de haine sur IMDB qui renvoient ce long métrage à un 1/10 militant…
Pour autant, Blanche Neige mérite-t-elle d’être sauvée ? Artistiquement, pas vraiment.
Dans sa volonté de vendre une version revisitée et moderne du conte de fées des frères Grimm, Disney est dans le mensonge, puisque dans la refonte et l’originalité, Blanche Neige 2025 n’a aucun argument à apporter. Il ne s’agit que d’une version wokisée dans ses changements qui ne tiennent pas compte du besoin d’exploser le matériau animé originel pour en faire quelque chose de conceptuel et de nouveau. On n’ira pas critiquer l’ajout de chansons supplémentaires (elles ne sont ni mieux ni pires que dans les films Disney récentes) qui relèvent d’un folklore datée, mais bel et bien de son scénario, édifiant de vide et de vacuité qui n’a rien de plus à raconter qu’une imprimante Xerox.
Aussi, Blanche Neige a bel et bien été remplacée par une femme au teint basanée, Rachel Zegler. Mais à vrai dire on s’en moque et les enfants s’en moqueront davantage, car on ne nait pas raciste. Il est déplorable de râler sur la couleur de peau d’une actrice et ainsi essayer d’inséminer la discrimination chez les plus jeunes. Disney avait donc toute la légitimité du choix de la comédienne.
L’actrice n’est sûrement pas mauvaise, mais en revanche, la coupe de cheveux et la tenue éternelle de la princesse, ne lui vont pas. La comédienne méritait sûrement mieux que cet accoutrement périmé et ce personnage bien fade auquel ses traits n’apportent pas la contradiction avec la méchante reine. Jamais Blanche Neige ne nous intéresse car, comme pour Maléfique, finalement, ce qui nous intéresse le plus dans ce conte, c’est bel et bien la mégère. Ce qui aurait pu être une puissante réflexion sur le vieillissement et la rancœur qui en découle, ne fait que répéter les clichés enfantins des films de princesse Disney sur l’émancipation. Le film de Marc Webb fera donc une leçon aux enfants sur le sens de la beauté, la vraie, celle qui vient de l’intérieur. Pas besoin d’être scénariste et de mettre 250 millions de dollars sur la table pour justifier de tels clichés.
L’univers de Blanche Neige 2025 est invariablement niais. Son village royal, avec ses sujets déjà aperçus ailleurs, notamment dans les pires scènes du reboot de La belle et la bête ou du Monde fantastique d’Oz, tout génère un écœurement tant le goût acidulé est artificiel. Le conte est factice et se revendique comme tel dans sa finition. Mais le sommet de la crétinerie émerveillée revient aux éléments de la forêt, les animaux synthétiques et les nains qui paraissent totalement hors-sol dans la réalité concrète d’un film en live-action. Ces éléments visuels se complaisent dans le faux et relèvent de choix artistiques douteux. Sept nains, sept gaffes. Des bévues couteuses en post-prod, mais surtout au box-office, car l’échec artistique du film repose beaucoup sur leur réalité édifiante. Comment est-il possible, en voulant métamorphoser une production animée en un film en prise de vue réelle, avec de vrais acteurs, de laisser les 7 nains sous cette forme hybride, dépourvue de vie et de réalité factuelle. Ils en sont réduits à des caricatures grotesques où l’on juge la médiocrité de leur design et surtout la mauvaise animation qui les accompagne. Ces créatures n’ont aucune vie propre, alors qu’ils auraient pu offrir la diversité de tempéraments si prompte à amuser les enfants.
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On évitera de s’appesantir sur la nullité des personnages masculins. Ils sont tous sans substance, comme toujours au sein d’un catalogue Disney où les princes et autres séducteurs, que certains décrivent trop facilement comme des agresseurs, sont façonnés dans la mollesse. Dans cette longue lignée des princes et personnages équivalents, on ne se souvient ni de leur nom ni de leur visage tant ils n’imprègnent pas. Ici encore, le prince-charmant, réduit maladroitement au statut d’oppressé social et voleur à l’étalage, n’incarne que le vide d’une production incapable de donner corps à ses personnages secondaires.
Par conséquent Blanche Neige fait mal aux yeux. Ce n’est pas que l’argent ne se voit pas à l’écran. Comme toujours, la démesure de moyens déployés permet l’excès de cartographie invraisemblable, comme les vertigineuses mines où les nains sont au charbon, pour une scène où le décor surdimensionné n’est que de la poudre aux yeux, un élément contextuel qui ne sert en rien la narration. Et pourtant, le décor dans le Blanche Neige original avait toute son importance. En particulier la forêt, dans son exploration des sentiments d’abandon, d’angoisse et de détresse de la jeune héroïne… Ce lieu de cauchemar qui lui faisait perdre ses repères émancipait le film d’animation en une véritable fable psychanalytique qui rendait l’objet aussi effrayant pour les petits que passionnants pour les adultes. Ici, elle revêt un caractère dérisoire en dépit de sa puissante symbolique.
Le décor de Snow White de Marc Webb ne fait qu’illustrer une histoire et servir de miroir peu inspiré au sujet original. La production Disney en devient obsédée par ses propres reflets, cherchant la validation de sa démarche dans un exercice auto-contemplatif. Ce n’est pas anodin tant le thème du « miroir, miroir » est particulièrement symbolique dans l’intrigue.
In fine, malgré les moyens, Blanche Neige n’est que l’ombre de son modèle du siècle passé. La relecture n’est que l’accouchement raté d’une œuvre qui se voulait moderne mais qui se noie dans les conventions et ses propres reculs idéologiques, quand, dix auparavant, deux autres adaptations de Blanche Neige, l’une avec Lily Collins, l’autre avec Kristen Stewart, avaient déjà déboulonné, et avec plus de panache, cette histoire ancestrale. A l’époque, c’était passé comme une lettre à la poste démontrant aujourd’hui les malaises de notre société contemporaine, malade de ses excès binaires qui la conduisent à se haïr elle-même.
Les sorties de la semaine du 19 mars 2025
Blanche Neige au cinéma
Disney live action reimagining
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