En s’attaquant au conte immortalisé par Walt Disney, Branagh s’intéresse davantage aux conséquences sociales qu’à la féerie d’une histoire devenue banale qui n’arrive plus à déployer le moindre souffle d’originalité. Le grand cinéaste britannique livre avec Cendrillon 2015 l’un des Disney live-action reimaginings les plus faibles.
Synopsis : Dans cette histoire, le père de la jeune Ella, un marchand, s’est remarié après la mort tragique de la mère de la jeune fille. Pour l’amour de son père, Ella accueille à bras ouverts sa nouvelle belle-mère, Lady Tremaine, et ses filles Anastasia et Drisella. Mais lorsque le père d’Ella disparaît à son tour d’une manière aussi soudaine qu’inattendue, la jeune fille se retrouve à la merci de sa nouvelle famille, jalouse et cruelle. Les trois méchantes femmes font d’elle leur servante, et la surnomment avec mépris Cendrillon parce qu’elle est toujours couverte de cendres. Pourtant, malgré la cruauté dont elle est victime, Ella est déterminée à respecter la promesse faite à sa mère avant de mourir : elle sera courageuse et bonne. Elle ne se laissera aller ni au désespoir, ni au mépris envers ceux qui la maltraitent. Un jour, Ella rencontre un beau jeune homme dans la forêt. Ignorant qu’il s’agit d’un prince, elle le croit employé au palais. Ella a le sentiment d’avoir trouvé l’âme sœur. Une lueur d’espoir brûle dans son cœur, car le Palais a invité toutes les jeunes filles du pays à assister à un bal. Espérant y rencontrer à nouveau le charmant « Kit », Ella attend avec impatience de se rendre à la fête. Hélas, sa belle-mère lui défend d’y assister et réduit sa robe en pièces… Heureusement, comme dans tout bon conte de fées, la chance finira par lui sourire : une vieille mendiante fait son apparition, et à l’aide d’une citrouille et de quelques souris, elle va changer le destin de la jeune fille…
Cendrillon 2015, Disney ne change rien à sa stratégie des remakes live poussiéreux
Critique : Avec 200M$ aux USA et 340M$ dans le reste du monde, Cendrillon a confirmé la stratégie de Disney d’engager leurs titres animés dans des reboots live systématiques. En 2015, le phénomène n’était pas nouveau puisque Les 101 Dalmatiens avaient déjà connu pareil traitement vingt ans auparavant, mais le succès phénoménal de Alice au pays des merveilles 3-D en 2010, avec son milliard de recettes, avait prouvé que l’on pouvait dégager des profits d’une œuvre médiocre mais séduisante pour toute une génération de jeunes enfants.
On ne peut toutefois que s’interroger encore et encore : comment ce conte pour jeunes nubiles est-il parvenu, avec des idées aussi poussiéreuses, à fédérer autant d’amour à l’époque de réseaux sociaux et de cynisme ambiant ? Le monde fantastique d’Oz et Jack le chasseur de géants chez Warner, n’avaient-ils pas réfréner les appétits autour des classiques de l’art populaire transformés en objets filmiques poussifs pour public contemporain ?
Des cendres d’idées brûlées dans le brasier de orgueil
Tout est bon pour retrouver la fantaisie narrative des contes d’antan dont on considère qu’ils ne sont que des reflets d’époques qui peuvent générer autant de clones qu’il y a de nouvelles générations.
Personnage bien connue de la constellation merveilleuse de Charles Perrault et des frères Grimm, l’histoire de Cendrillon n’a eu de cesse de générer des variations à travers les époques, avec, pour paroxysme en 1950, le chef d’œuvre intemporel produit par Walt Disney, aux couleurs sublimes. Cendrillon 2015 ne lui ressemble en rien.
Kenneth Branagh en galère
L’unique surprise de Cendrillon 2015 réside essentiellement dans l’engagement de Kenneth Branagh aux commandes de cette entreprise onéreuse. La star shakespearienne des années 90, que l’on adulait pour ses comédies du verbe, Beaucoup de bruit pour rien ou Peter’s Friends, continuait de par ce choix de s’éloigner de la noblesse de son art initial, essentiellement dramatique, pour courir les studios : après Thor et The Ryan Initiative, Branagh se confrontait une nouvelle fois aux effets spéciaux et à l’action dans ce conte féminin qui n’avait rien d’un objet personnel à choyer dans une filmographie singulière.
Branagh opère à cet égard un travail limité, laissant le gros des efforts aux rois des effets spéciaux et aux designers de costumes et de décors synthétiques, dont on peine à valider le goût certain pour le kitsch. Aussi, l’on citera la scène de bal si importante. Contrairement à la flamboyance du remake live de La Belle et la Bête en 2017 qui paradait dans le sublime lors de la scène de danse que partageait Belle avec la Bête, Cendrillon échoue à transformer cette séquence en un moment de magie et de finesse.
Conte ordinaire de la misogynie
Pourtant, on retrouve ici et là un regard bienveillant sur la situation financière lamentable qui frappe la belle-mère de Cendrillon (jouée par Cate Blanchett) et celle, affective, de la belle souillon, à la mort du maître de maison… Ce dernier n’est-il pas le patriarche dont le trépas provoque l’anarchie, signifiant l’incapacité des femmes à prendre le pouvoir rationnellement, tant elles n’existent que dans leur rapport à l’homme qui peut les protéger en les nourrissant ?
Ce conte de la misogynie intéresse Branagh qui s’écarte le plus possible du fantastique et des fantaisies animales. Cendrillon communique bien avec les souris, les animaux de la maisonnée ont bien une certaine empathie pour la radieuse humaine, mais ce sont bien les enjeux sociaux que souhaite développer Branagh.
Mais en 1h30 de métrage, Cendrillon reste engoncé dans les poncifs. Sans aucun développement scénaristique vraiment nouveau, sans aucuns personnages consistants, puisqu’ils sont tous sacrifiés sur l’autel de passages incontournables et rebattus, et forcément chronophages dans le déroulement du film, ce qu’il y a d’humainement pertinent dans le film paraît dérisoire tant les enjeux sont courus d’avance
Comédie de poupée factice
Cendrillon, dans sa version 2015, est donc une comédie de poupées, où tout paraît factice, jusqu’au choix de réalisation sentencieux (le jeu des plongées / contre-plongées pour asseoir la domination des classes). Certains moments sont drôles, et quelques transformations magiques (la citrouille devenant carrosse) valent le coup de baguette, mais l’on ressort avec ce sentiment insupportable de fadeur dans le jeu de Lily James (Cendrillon) et de son prince, incarné par Richard Madden.
Pour les parents, il n’y a aucune raison de s’infliger une adaptation aussi futile.
Critique : Frédéric Mignard