Avec une héroïne monolithique dont le combat féministe semble être la seule raison d’exister, Captain Marvel est plus proche de la niaiserie d’Un raccourci dans le temps que d’un Avenger traditionnel. Un navet intégral.
Synopsis : Alors qu’une guerre galactique opposant deux races d’aliens atteint la Terre, Carol Danvers se retrouve précipitée au cœur de la bataille, aidée de quelques alliés. La jeune femme va devenir l’une des plus puissantes super-héroïnes de l’univers.
Une nouvelle héroïne dans l’univers cinématographique Marvel
Critique : Introduction d’une nouvelle héroïne dans l’univers cinématographique Marvel. En 2019, c’est à la méconnue Captain Marvel d’ouvrir le bal des débutantes, avec une promesse de bastons, de vols intergalactiques, de confrontations extraterrestres, et même d’un buddy-movie avec Samuel L. Jackson, sur fond de revendications féministes pour marquer un peu plus Hollywood dans l’ère #MeToo.
Deux ans après Wonder Woman (DC Comics, Warner), qui a dépassé les 400M$ au box-office américain, l’adhésion des spectateurs aux exploits d’une héroïne dans un film d’action ne fait plus aucun doute. Chez Marvel, l’attachement du public aux services de Black Widow est loin de se résumer au physique avenant de Scarlett Johansson, puisque c’est bien la personnalité de l’Avenger et son rapport au groupe qui ont séduit les foules dès ses premières apparitions. Dans le cas de Gal Gadot en Wonder Woman, on pouvait parler de fougue, de générosité, et d’une personnalité chaleureuse qui rendaient chacune de ses apparitions iconiques dans le film de Patty Jenkins.
Brie Larson, actrice issue du très bon cinéma indépendant (States of Grace), qui a déjà trempé dans le blockbuster avec Kong : Skull Island, n’a malheureusement pas une vision aussi ouverte de son personnage. Replié sur lui-même, son rôle d’héroïne amnésique est dans une méfiance et défiance systématiques, dans un monde d’hommes, où elle va vite faire comprendre à ces messieurs qu’elle n’a pas besoin de guide. Ses répliques sont autant de blagues cassantes, toujours orientées dans le même sens, avec une teneur froide et un monolithisme d’androïde qui ferait passer Scarlett Johansson dans Ghost in the Machine pour un parangon de vie.
Une icone sans charisme et sans devenir
Affublée d’une tenue qui se doit de l’imposer dans les mémoires, Brie Larson n’arrive pas à imprimer la moindre pose d’icône, n’essayant même pas de séduire, puisque le jeu de séduction est sexiste et donc hors sujet dans la narration. Quand elle se met à voler pour la première fois, au lieu de savourer l’instant, on se remémore les grandes envolées aériennes, toujours magiques, bien qu’aujourd’hui totalement dépassées sur un plan technique, du premier Superman où Christopher Reeve inscrivait son personnage dans la légende. Brie Larson et ses pouvoirs, eux, nous laissent au contraire totalement froids.
Symboliquement formé au super-heroïsme le temps d’un film, pour rejoindre la troupe des Avengers dans le chapitre final intitulé Endgame, le personnage qu’incarne Brie Larson est piégé par les enjeux d’une transition sociétale qui a d’abord marqué l’industrie hollywoodienne, puisque c’est là que le scandale originel, autour de l’affaire Weinstein, a commencé. Aussi Captain Marvel se retrouve mal phagocyté dans les intentions de revendication : tout est écrit pour signifier le besoin d’émancipation de la femme dans un monde patriarcal, voir de phallocrates.
Son affirmation du girl power se fait donc à la truelle quand, un an auparavant, le pertinent Black Panther œuvrait dans le même contexte, pour les minorités ethniques au cinéma, avec un succès bien plus évident, s’appropriant l’Histoire avec un grand H, pour étoffer un script Marvel assez traditionnel mais qui, in fine, devenait politique et psychologiquement tumultueux, dans les interrogations des protagonistes antagonistes qui devaient déjà combattre avec leur conscience pour savoir quelle stratégie adopter sur cette Terre d’injustice.
Un prequel réintroduisant Nick Fury joué par Samuel L. Jackson
Voulu comme un prequel dans un univers complexe de super-héros en pagaille, Captain Marvel fait revivre le personnage de Nick Fury, chef du SHIELD, joué par Samuel L. Jackson. L’acteur est donc rajeuni par les images de synthèse ; l’idée en soi n’est ni mauvaise ni mal réalisée puisque les effets spéciaux, toujours solides, permettent un lissage du visage plutôt satisfaisant. Mais, pour capter l’air du temps, à force d’entendre des morceaux des années 90 se succéder, principalement des femmes de l’époque Justine d’Elastica, Courtney Love de Hole, Shirley de Garbage ou Des’ree et son tube mielleux you gotta be, et tout un tas de morceaux grunge qui ont marqué les charts de la planète- ce qui ressort surtout, c’est bien la pauvreté d’écriture et de réalisation, qui jamais ne peuvent se suffire à eux-mêmes. D’ailleurs ne pouvait-on pas s’attendre à retrouver sur la BO les Spice Girls, égéries adolescentes qui prônaient le girl power, pour compléter le concept ? Disney n’a pas osé, mais pourtant, le niveau de ce blockbuster n’est guère mieux que le répertoire bécasse du jeune groupe anglais.
En fait, ce qui est le plus dérangeant dans Captain Marvel, c’est finalement son incapacité à retranscrire une réalité adulte pour évoquer des thématiques passionnantes (l’oubli de ses racines, l’abandon de l’orpheline dans un monde hostile, où l’homme est le prédateur) ; la dernière partie du film, où gambade une jeune fille accompagnée de sa maman, renvoie soudainement aux pires défauts d’Un raccourci dans le temps, à savoir la mièvrerie patentée de personnages insipides : le rôle de Maria Rambeau, la tante, est piètrement joué, les apparitions d’Annette Bening dignes de Michelle Pfeiffer dans Ant-Man 2. Si jusqu’alors Captain Marvel n’avait jamais été mauvais, mais au pire falot et anodin, la fin, elle, vire dans la sitcom, avec le casting restant se retrouvant à table pour partager un repas de communion et de fraternité, dans une mollesse indigne de Marvel Studios, et une mièvrerie flouant le passé-même de la maison Disney, qui a toujours fait preuve d’une grande noirceur dans ses vieux classiques, et ce depuis Blanche Neige et les sept nains.
Bref, après cette déconvenue qualitative, on est surtout impatients de retrouver la pétulance de Wonder Woman et la légitimité de Black Panther qui, au-delà des succès publics qu’ils ont remportés, sont déjà devenus des icônes à part entière.
Box-office de Captain Marvel : phénoménal
Véritable triomphe au box-office mondial, Captain Marvel a généré plus d’un milliard cent millions de dollars dans le monde, bénéficiant d’une sortie très favorable entre les deux plus grands succès de la franchise, Avengers : Infinity War et Avengers : Endgame.
Aux USA, cet épisode attendu a généré pas moins de 426 millions de dollars dont 27M$ en France, 8e marché mondial après les USA, mais aussi la Chine (154M$), le Royaume-Uni (51M$), la Corée du Sud (42M$), le Brésil (38M$), le Mexique (33M$), l’Australie (29M$).
En terme d’entrées, Captain Marvel a engrangé 3 375 000 tickets vendus dans l’Hexagone, se positionnant en 8e position annuelle, lors d’une année marquée par la suprématie historique du Studio Disney, avec les scores phénoménaux du Roi Lion (10M d’entrées), La Reine des neiges 2 (7 670 000), Avengers Endgame (6 944 000), Star Wars Episode 9 (6 167 000), et Toy Story 4 (4 610 000). Cette dynamique Disney, très favorable à Captain Marvel (et aux exploitants) est unique dans l’histoire contemporaine.
En 2023, il n’en restera pas grand-chose, avec notamment l’échec cuisant du sequel du blockbuster mené par Brie Larson. The Marvels, budgeté à 220 000 000$, n’aura réalisé que 114M$ en moins d’une semaine dans le monde, quand Captain Marvel avait généré 153M$, sur cette même durée, sur le seul territoire américain.
Marvel sur Cinédweller
Sorties de la semaine du 6 mars 2019
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Brie Larson, Samuel L. Jackson, Jude Law, Ben Mendelsohn, McKenna Grace, Lashana Lynch, Djimon Hounsou, Annette Bening, Gemma Chan