BigBug de Jean-Pierre Jeunet est un nouveau raté dans la carrière du réalisateur d’Amélie Poulain. L’apocalypse de métal sonne creux, noyée dans des artifices d’effets visuels qui ne laissent aucune place à l’humain. Les acteurs font office de figures grotesques dans cette farce mal écrite qui ne manque pourtant pas de moyens.
Synopsis : En 2045, l’intelligence artificielle est partout. À tel point que l’humanité compte sur elle pour assouvir ses moindres besoins et ses moindres désirs – même les plus inavouables… Dans un quartier résidentiel tranquille, quatre robots domestiques décident soudain de retenir leurs maîtres en otages dans leur propre maison. Enfermés ensemble, une famille pas tout à fait recomposée, une voisine envahissante et son robot sexuel entreprenant sont donc obligés de se supporter dans une ambiance de plus en plus hystérique ! Car, à l’extérieur, les Yonyx, dernière génération d’androïdes, tentent de prendre le pouvoir. Tandis que la menace se rapproche, les humains se trompent, se jalousent, et se déchirent sous les yeux ahuris de leurs robots d’intérieur. Et si, au fond, c’étaient les robots qui avaient une âme… ou pas !
BigBug dans la carrière de Jean-Pierre Jeunet
Critique : Jean-Jacques Annaud, Bertrand Blier, Étienne Chatiliez… Les noms des champions du box-office français qui, depuis 20 ans, désespèrent les producteurs, sont nombreux. Jean-Pierre Jeunet appartient désormais à cette catégorie. Jusqu’en 2004, tout réussissait au cinéaste de Delicatessen, Un long dimanche de fiançailles, et Amélie Poulain. Pourtant, depuis 2009 et MicMacs à tire-Larigot, le divorce entre le cinéaste et les spectateurs est entamé. Le bide paroxysmique sera atteint en 2013 avec L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet, film tourné dans le Montana, ignoré à l’échelle mondiale.
On n’est donc pas étonné de revoir le cinéaste, une décennie plus tard, sur Netflix où les auteurs estimés moins percutants au box-office peuvent au moins faire l’illusion de grands noms sur la plateforme américaine qui a laissé une liberté totale à Jeunet. L’annonce du ralliement du Français au géant du streaming remonte à 2020 et le film a donc été tourné entièrement pendant le Covid, avec un cinéaste masqué sur le plateau qui plaisantera dessus avec l’un de ses robots faisant une allusion plutôt bien vue au grand confinement.
BigBug est donc un projet mineur pour l’auteur qui délivre une comédie de science-fiction sans âme. Les beaux décors à l’Américaine des années 50 épousent l’anticipation de 2045, où robots, androïdes et intelligence artificielle, servent les humains jusqu’au jour de la revanche des créatures pucées.
La revanche des Gobots
Avec une galerie de personnages humains coincés dans un huis clos pavillonnaire sans réels enjeux dramatiques ou psychologiques, la satire n’apporte rien au genre de la dystopie et le message de Jeunet n’est guère celui d’un auteur aux aguets. La farce, mettant en scène des humains soumis à une revanche de gobots, s’agite beaucoup. Le choix des acteurs français sans vraie star bankable, aura bien du mal à faire esquisser le moindre sourire chez les spectateurs étrangers qui se sentiront exclus. L’accueil critique à l’étranger est déjà compliqué.
Le téléfilm luxueux au goût artificiel de colorant est un gâchis de talents. A l’exception d’Isabelle Nanty et son androïde sexuel joué par Alban Lenoir, aucun ne parvient à habiter ce délire décérébré dont effectivement le grand écran pouvait se passer. Jeunet se défend d’avoir voulu voir trop grand. Pour lui le huis clos convient davantage au format de projection plus restreint qu’est la télévision et il entraperçoit dans la manne de 550 millions d’abonnés, la perspective galvanisante d’être vu par le plus grand nombre. Mais comme nous savons que beaucoup d’adolescents regardent Netflix sur un téléphone et que la plateforme compte ses succès sur les quelques premières minutes de connexion avant l’abandon, l’expérience BigBug peut aussi apparaître comme une expérience veine pour un auteur de la trempe de Jeunet que l’on pouvait apprécier pour sa vision. Ici point de vision ou d’émotion, mais un nouvel accident dans une carrière qui aura bien du mal après cela à retrouver sa grandeur sur une toile en écran large.
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Jean-Pierre Jeunet, Isabelle Nanty, Manu Payet, Alban Lenoir, Helie Thonnat, André Dussollier, Elsa Zylberstein, Dominique Pinon, Stéphane de Groodt, François Levantal, Claude Perron, Youssef Hajdi, Julie Ferrier