Phénomène horrifique de l’année 2022, Barbare est un condensé d’effroi qui évoque Le sous-sol de la peur, Get out, et The Descent.
Synopsis : Se rendant à Détroit pour un entretien d’embauche, Tess se retrouve à louer un « Airbnb » le temps de son séjour. Mais lorsqu’elle arrive tard dans la nuit, elle découvre que la demeure est déjà occupée et qu’un homme étrange du nom de Keith y séjourne déjà… Malgré la gêne, elle décide résignée d’y passer la nuit, les hôtels des environs étant complets. Mais réveillée dans son sommeil par des sons mystérieux, Tess va s’embarquer malgré elle dans une série de découvertes terrifiantes…
Barbare, l’un des phénomènes horrifiques de 2022
Critique : Sans arriver au succès colossal de Smile, distribué en salle partout dans le monde, 15 jours après son arrivée dans les salles américaines, Barbare est l’une des trois productions horrifiques de l’année 2022. En effet, avec un score au box-office américain impressionnant de 40M$, soit trois fois sa mise de départ (10M$ de recettes en trois jours pour un budget de 10M$), ce Airbnb movie inattendu a pris tous les pronostiqueurs par surprise. Il faut dire que son cinéaste n’est autre qu’un humoriste dont le passage à la caméra a laissé des blessures dans les fins fonds du box-office américain où il s’est écrasé (le désastreux Miss March, coréalisé avec le regretté Trevor Moore, 2009, dans la grande tradition post American Pie).
Le revival Justin Long
Ensuite, on notera la présence d’aucune vedette notable au générique, à l’exception de Justin Long, acteur éminemment sympathique, associé à la VOD depuis quasiment une décennie et sa partenaire à la ville, Kate Bosworth qui apparaît une minute sans qu’on ne la repère vraiment. Pour Justin Long qui incarne un acteur sur le point d’être frappé par le courroux médiatique et judiciaire pour une histoire de viol, c’est l’occasion de revenir à l’un de ses genres de prédilection, l’horreur, près de 20 ans après le formidable Jeepers Creepers de Victor Salva (lui-même réalisateur sulfureux qui a longtemps été persona non grata à Hollywood). Ce film-là l’avait révélé aux yeux d’un public d’aficionados qui lui a été fidèle pendant une dizaine d’année.
Pourquoi Barbare a été privé de salle en France
En France, c’est sur la plateforme de diffusion en ligne Disney+ que paraît Barbare (Barbarian, en version originale). Un choix surprenant tant le réalisateur et les acteurs, lors de l’incessante promotion américaine, ont insisté sur la nécessité de voir le film sur le grand écran pour mieux profiter de sa tension palpable, de ses qualités d’immersion qui peuvent soulever une salle entière : l’ambiance et le montage sonores sont particulièrement précieux. Avec la proximité de la fête d’Halloween, le choix aurait été ad hoc, mais la compagnie américaine Disney (ayant-droit indirect de la société New Regency, puisque celle-ci appartient à 20th Century Studios qui elle-même est sous la coupe Disney), a souhaité favoriser une exclusivité sur sa plateforme face au géant Netflix qui s’est montré particulièrement prospère en 2022. Distribuer Barbarian en salle aurait signifié une obligation de 15 mois d’attente avant sa diffusion en SVOD, soit une éternité aux yeux d’un géants du digital qui souhaitent profiter de délais de 45 jours comme aux USA et un peu partout dans le monde.
Un film de peur… effroyable
Cette diffusion sur le petit écran ne signifie nullement que Barbare soit un film d’épouvante de qualité malingre, comme c’est souvent le cas sur Netflix et Disney+ : on prendra l’exemple du laborieux Grimcutty, énième inédit foireux à déferler directement en SVOD en cette rentrée 2022, à grand renfort de mise en avant événement. Dans le cas de Barbare, il s’agit même d’une œuvre majeure dans le film d’épouvante américain, puisqu’il offre l’inattendu et la peur comme carburants bienvenus à son récit de survival choc dans la banlieue dévastée de Détroit.
Façonnée par son succès américain et des échos formidables de Sitges, où la production a été présentée quinze jours auparavant, la curiosité et l’envie globale de découverte pouvaient être déceptives. Il n’en est rien. Le nouveau film de Zach Cregger est la bombe tant désirée, celle qui ne se désamorce pas en cours de visionnage grâce à un script en trois étapes aussi ingénieux qu’imprévisible, malgré d’évidentes facilités dans les décisions prises par les personnages qui vont se jeter dans la gueule du loup lorsque vous ou moi aurions catégoriquement refusé d’aller au-delà de la raison.
Auteur du scénario, Cregger démontre de vraies qualités d’écriture pour éviter les jump-scares faciles et les formules éculées. Même si son récit est notamment une énième variation autour de la femme-victime et des prédations de l’homme, l’overdose féministe ne sera pas franchie avec ce film car le thème éculé est bien amené. Une jeune femme se retrouve donc à partager un Airbnb au milieu de nulle part avec un inconnu, l’inquiétant Bill Skarsgård, clown tueur de Ça, avec toutes les préoccupations légitimes qu’une situation dangereuse et inconfortable peut générer, notamment chez le spectateur qui est dans le noir total quant aux intentions du cinéaste sur les grands méchants potentiels du film.
Toute la cinégénie de Détroit… en Bulgarie
Ce scénario de l’effroi, ponctué de moments d’humour jamais embarrassants, est habile, cinégénique, et le fruit de plusieurs années de travail pour l’auteur qui a tapé à toutes les portes pour trouver des producteurs, y compris en France où Logical Pictures (récemment Pleasure, The Deep House, et The Innocents) s’était un temps engagé à le produire avant qu’un drame ne provoque le retrait de la société française. Aux USA, avec le refus de Neon et A24, c’est bien New Regency qui s’y colle, avec un budget réduit mais convaincu de la nécessité d’y investir. Le tournage à Détroit où l’action se déroule était évidemment inenvisageable en raison de l’incapacité de boucler un quartier de la ville pendant plusieurs semaines de tournage. Sachez donc que Barbare, à l’exception de quelques scènes, a été tourné dans une Bulgarie accueillante pour plus de conforts et d’économie ; ils ont reconstruit un vrai lotissement de bâtisses dont on ne vous dévoilera rien pour ne pas spolier ce qui a été adroitement été mis en œuvre. Tout participe à l’esprit de surprise dans cette œuvre dont il faut s’abstenir de regarder la bande-annonce ou de trop en lire pour ne pas vicier son plaisir.
Aussi, si l’on ne dévoilera rien de son intrigue et on préfèrera rester sur des généralités et des félicitations quant à la mise en place efficace du suspense et de cet exercice de terreur, on aiguillera les plus aguerris en évoquant des œuvres remarquables (Get out de Jordan Peele, The Descent de Neil Marshall ) ou plus contestables (Le sous-sol de la peur de Wes Craven, The Rental de Dave Franco). A partir de cela, à chacun de construire ses propres fantasmes filmiques en piochant là où il peut et ensuite de confronter son imaginaire à celui de l’auteur. Pour notre part, on trouvera bien un autre endroit pour en parler.
Les sorties de la semaine du 26 octobre 2022
Biographies +
Zach Cregger, Bill Skarsgård, Richard Brake, Kate Bosworth, Georgina Campbell, Justin Long