Pleasure, film choc, dépeint l’univers impitoyable dans lequel se jette une jeune femme qui se rêvait en star du porno.
Synopsis : Une jeune Suédoise de vingt ans arrive à Los Angeles dans le but de faire carrière dans l’industrie du porno. Sa détermination et son ambition la propulsent au sommet d’un monde où le plaisir cède vite la place au risque, à la toxicité.
Bienvenue au Pleasure-Dome
Critique : Une jeune femme quitte sa Suède natale et part à la découverte de la grande Amérique. Elle y occupera un poste de serveuse dans un café et partagera un appartement avec trois autres filles de son âge. C’est du moins ainsi qu’elle présente son voyage à sa mère. La question anodine du douanier qui, à son arrivée, lui demande si elle vient pour le plaisir ou le travail révèle l’ambiguïté de la situation. Car Linnea est bien déterminée à combiner les deux pour se hisser au plus haut sommet d’un monde opaque, parsemé de mille nuances de rose et de noir, dont il convient de maîtriser les conventions, pour ne pas se laisser dévorer.
L’industrie du porno sans voyeurisme ni complaisance…
Pour la réalisatrice Ninja Thyberg qui, déjà en 2013, abordait dans un court-métrage éponyme, ce thème de la sexualité tarifée, il ne s’agit pas de se lancer dans un discours moralisateur. S’appuyant sur de nombreuses recherches, elle offre sa vision sans complaisance ni voyeurisme, d’un travail où la concurrence est rude, les exigences physiques et morales nombreuses, mais qui n’exclut toutefois ni la bienveillance, ni même une certaine forme de liberté.
L’une des premières scènes montre la jeune novice soumise à de rudes épreuves. Giflée, couverte d’injures de crachats, Linnea devenue Bella Cherry s’effondre. Ses partenaires s’adoucissent et la consolent, affirmant que cette innocence sous-jacente est la bienvenue.
… Mais cru
Confirmant sa volonté d’éviter tout manichéisme à son récit et de reconstituer au plus près les conditions de tournage d’un film hard, la réalisatrice n’occulte pourtant rien du refus de son héroïne à se soumettre à des expériences de plus en plus dégradantes et à la surenchère de la manipulation. Elle révèle en toute transparence les menaces qui en découlent, malgré les clauses contractuelles stipulant l’adhésion de l’intéressée à toute forme de maltraitance.
Mettant alors de côté l’analyse des velléités de son personnage principal, la narration s’intéresse au destin de celle qui, à la croisée des chemins, se trouve face à l’obligation de choisir sa route : celle d’une possible gloire au goût d’aliénation, ou celle du retour à l’anonymat.
Pleasure nous embarque alors dans une réalité crue qui ne nous fait grâce d’aucun détail quant aux préparatifs, aux dérives, aux scènes suggestives, tout en parvenant à se préserver de toute lubricité mal venue.
La révélation d’une actrice remarquable entre indécence et ingénuité
La fascination ressentie face à ce parcours aussi âpre que poignant est sans aucun doute liée à la performance époustouflante de son actrice principale, Sofia Kappel, dont c’est le premier rôle au cinéma. Brillamment dirigée, la jolie blonde passe de la plus parfaite ingénuité à l’indécence totalement assumée, alternant avec la même aisance les scènes légères attachées à la vie d’une fille de son âge et les images libertines. Son énergie à ne jamais se poser en victime suscite le respect, sentiment inattendu dans cet univers qui en a si peu.
Si elle se défend de faire le procès de l’industrie pornographique, Ninja Thyberg, grâce à un traitement plus que réaliste qui porte son film aux confins du documentaire, révèle les coulisses rares d’un domaine où la domination masculine continue de s’imposer. Pleasure est un tableau surprenant et passionnant.
Sorties de la semaine du 20 octobre 2021
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