Box-office nord américain / monde :
176 196 665$ / 255 745 157$
Budget :
4 500 000$
Classification :
Interdit aux moins de 12 ans ("en raison de son atmosphère oppressante et de scènes sanglantes susceptibles de heurter la sensibilité d'un jeune public")
Festivals et récompenses :
Sundance Film Festival 2017, Beaune Film Festival 2017, Lyon Festival Hallucinations Collectives 2017, Beijing International Film Festival (2018), Down Town Taito International Comedy Film Festival (2017)
Véritable phénomène sociologique aux USA, Get Out est devenu l’un des plus grands succès de l’histoire du cinéma horrifique, permettant à un réalisateur afro-américain de dépasser les 100 millions de dollars pour la première fois aux USA. Qualitativement, cette production Blumhouse, nommée aux Oscars, est aussi une bombe.
Synopsis : Un jeune afro américain, lors de sa visite sur le domaine de la famille blanche de sa petite amie, va vite se rendre compte de la sinistre raison cachée derrière cette invitation. Couple mixte, Chris (Daniel Kaluuya) et sa petite amie Rose (Allison Williams) filent le parfait amour. Le moment est donc venu de rencontrer la belle famille, Missy (Catherine Keener) et Dean (Bradley Whitford) lors d’un week-end sur leur domaine dans le nord de l’État. Chris commence par penser que l’atmosphère tendue est liée à leur différence de couleur de peau, mais très vite une série d’incidents de plus en plus inquiétants lui permet de découvrir l’inimaginable.
Critique : Finissant l’année en 47e position annuelle en France, malgré un casting inconnu et un auteur tombé du ciel, Get Out est le phénomène de référence qui marqua le cinéma de genre et la sociologie du cinéma américain. On peut aisément parler d’un avant et un après qui impose un fait imparable. Plus jamais l’on ne se posera la question de la pertinence commerciale d’un cinéaste afro-américain derrière la caméra, toute une page tabou d’Hollywood est aujourd’hui fermée et le triomphe historique du thriller impose la question de la diversité comme une évidence. Désormais, une oeuvre avec un casting noir ne sera plus forcément destinée à un public afro-américain aux USA mais bel et bien à une audience sans couleur, qui a dépassé le critère de l’épiderme pour célébrer la pluralité de la la société. Get Out n’est donc pas un film de Blaxploitation, mais un pur film de genre conçu par un auteur avec une volonté politique qui transcende le scénario.
Quand cette production Jason Blum s’affiche en 2017, on découvre un film d’horreur beau, léché, avec un piqué de cinéma qui redore le blason du cinéma de genre, loin des found-footages habituels auxquels Blumhouse Productions nous avait habitués tout au long de la décennie. Get out, c’est en fait le retour aux thrillers pavillonnaires anxiogènes des années 70-80, ceux qu’affectionnait un certain John Carpenter dans Halloween : la nuit des Masques, avec le même sens de l’espace, ample et structuré.
La banlieue américaine (Suburb, en VO) est le cadre du film de Jordan Peele, cet espace sans problème des productions Amblin Entertainment, ciment de la “whitocracy” où la diversité, amorphe, est un concept urbain lointain. Avec une ironie féroce, le cinéaste y injecte la menace noire, ce cliché défavorisé des quartiers pauvres de la ville, cet élément de résistance à l’hégémonie blanche, qui pourrait être un avatar de gang, ou, pourquoi pas, un élément comique de seconde catégorie pour suspendre la tension dans des gags vaseux. Il n’en sera rien.
Le protagoniste principal a l’intelligence de sa conscience, celle d’un jeune homme bien dans ses baskets, avec une vraie épaisseur psychologique, conscient qu’en se rendant chez les parents “blancs” de sa copine, dans une banlieue tranquille, il va se frotter aux stéréotypes racistes d’une catégorie bien-pensante de la population.
Ce qui aurait pu être une version ethnique de Mon beau-père et moi se transforme en une virée paranoïaque dans l’enfer blanc d’une population repliée sur sa communauté, avec ses modes de pensées où l’ébène interpelle avec la complaisance de la hiérarchie sociale, mais aussi physique.
Pourtant loin d’une simple chasse à l’homme noir, la virée lynchienne de Jordan Peele dans cet univers barré, se joue des codes de couleurs pour présenter la différence ethnique comme une norme sociale et culturelle, basée sur la relativité. Le protagoniste principal joué par un quasi inconnu qui deviendra immédiatement grand – Daniel Kaluuya de Black Panther, Queen & Slim et Judas and the Black Messiah, absolument épatant -, apparaît plus équilibré que n’importe quel autre élément de casting, blanc ou noir. Autour de lui, tous les représentants de la communauté afro-américaine, chez les parents de la petite amie, semblent avoir subi un lavage de cerveau ahurissant ou sont sous l’influence des séances d’hypnose de la mère, psychiatre malintentionnée, jouée par Catherine Keener, complètement allumée.
Naît de ce décalage entre la normalité du héros et la dégénérescence de cette belle famille au protocole étrange, une ironie forcément savoureuse qui apporte un humour salvateur, au milieu de moments flippants ou à la suite de scènes d’angoisse pétrifiantes, à l’esthétique sombre d’un Under the Skin. On reprochera au scénario toutefois un rebondissement trop facile et un changement de psychologie trop radical chez l’un des protagonistes principaux qui manque de crédibilité.
Avec plus de 170M$ au box-office américain, Get Out est devenu un phénomène. Plus gros succès du producteur Jason Blum (Split, Paranormal Activity, Insidious), carton historique pour le cinéma d’épouvante (on a – à peu près- jamais vu ça !), Get Out est l’électro-choc qui sortit le cinéma d’horreur du ghetto avec quatre nominations aux Oscars, dont Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur acteur. Au total, l’équipe globale de l’œuvre a reçu 150 prix dans le monde et reçu 209 nominations.