Quand le mythe de Prométhée rejoint celui de Frankenstein de Mary Shelley, du big bang métaphysique naît une suite intelligente à Prometheus qui s’impose comme l’un des trois meilleurs segments de la saga Alien, malgré un casting peu marquant qui abîme le souvenir du film.
Synopsis : Les membres d’équipage du vaisseau Covenant, à destination d’une planète située au fin fond de notre galaxie, découvrent ce qu’ils pensent être un paradis encore intouché. Il s’agit en fait d’un monde sombre et dangereux, cachant une menace terrible. Ils vont tout tenter pour s’échapper.
Critique : Vendu ou plutôt attendu comme un prequel d’Alien, ce film marquait le retour de Ridley Scott à la science-fiction, après Prometheus (2012). Il divisa le public qui voulait s’accrocher à la nostalgie d’un thriller horrifique avec entité extraterrestre, comme au bon vieux temps du Huitième passager. Ridley Scott n’avait pas vraiment cela en tête et préféra jeter des pistes métaphysiques sur la création de l’homme dans un space opera visuellement pimpant, mais peu axé sur la peur originelle.
Toutefois, le relatif échec récent de Life – origine inconnue, qui n’offrait rien d’autre qu’un efficace Alien bis, avec la naissance d’une bestiole parasite avide d’humains à bord d’une station spatiale, a démontré qu’en 2017, les attentes sont peut-être plus élevées de la part d’un public qui a à peu près tout vu dans le genre.
Prometheus 2 est donc devenu Alien Covenant, du nom du vaisseau spatial vedette du film, qui parcourt l’univers afin de coloniser une planète lointaine, avec pas moins de deux mille colons à son bord. Le titre est plus vendeur, et corrobore la place grandissante de la créature infernale, vue seulement en toute fin de Prometheus, dans ce nouvel épisode de cette saga longue de quatre décennies. Covenant est la synthèse parfaite entre l’esprit de Prometheus dans ses implications philosophiques, et celui d’Alien, premier du nom, dans son incursion dans l’épouvante de couloir où le monstre n’a jamais été aussi beau, fluide, voire protéiforme.
L’inattendu guette toujours dans Covenant et au fur et à mesure que Ridley Scott déploie le script de Dante Harper et John Logan, les pistes se révèlent innombrables et passionnantes, éteignant les craintes des premières scènes, visuellement peu remarquables si on les compare à l’emphase éblouissante de Prometheus dans ses premiers instants. Mais une fois que l’intrigue se pose sur une planète inconnue (à la façon de Kong : Skull Island, avec son île auréolée d’orages spectaculaires), lieu essentiellement végétal où toute vie organique semble avoir été éradiquée, le thriller prend, l’action bondit et les créatures interviennent. Moins comme des monstres maléfiques que comme de sublimes créatures pathétiques, hybrides d’un fantasme, ou plutôt d’une obsession sur la création.
Démarre alors une variation passionnante sur le mythe de Frankenstein ou – l’on se refusera à paraphraser le film, autant le découvrir par soi-même -, l’androïde tue le père à sa façon, ce créateur indigne décevant l’adolescent qui s’émancipe, pour épouser, avec un déterminisme certain, les travers de l’humain, dans sa volonté paradoxale d’échapper à toute ressemblance.
Quid de l’Alien dans tout cela ? Une créature macabre, prédatrice infernale, sous différentes formes qui percute à chacune de ses nombreuses apparitions. La démarche de Ridley Scott est de rendre un hommage sans pareil au père fondateur Hans Ruedi Giger, décédé en 2014, dont l’art est célébré dans des compositions et des croquis dantesques qui donnent une belle légitimité à ce projet.
Alien Covenant est-il un grand film pour autant ? Dans la faiblesse de son casting, notamment, dans le premier rôle, le choix incompréhensible de la comédienne Katherine Waterson, déjà très médiocre dans Les animaux fantastiques, nous fait répondre sans hésitation par la négative. Le jeu est inexorablement moyen, plus proche de la série B que du blockbuster à la Prometheus où Noomi Rapace, Charlize Theron et Idris Elba offraient de l’incarnation à l’épopée. Ici, même Michael Fassbender, dans un double rôle d’intelligence artificielle, paraît fragile. Ceci et quelques petites bévues de script, qu’on tolère mal dans des productions aussi cossues, diminuent l’impact final de Covenant qui, nonobstant, demeure une sacrée virée dans l’espace. Ridley Scott n’a pas perdu de sa superbe pour filmer beau et pour inoculer le virus de la peur. Il le fait avec brio, élevant ce numéro, aussi défectueux soit-il, parmi les meilleurs épisodes de la saga Alien, dont on peut avoir du mal à digérer les épisodes 3 et 4, et autres spin-off de série B. Une curiosité à voir donc.