Du rire aux larmes, Adieu les cons se veut un spectacle total et une belle histoire d’amour dans un monde désespérant. Dupontel a parfois la main lourde, mais l’ensemble se regarde avec plaisir grâce à des acteurs formidables.
Synopsis : Lorsque Suze Trappet apprend à 43 ans qu’elle est sérieusement malade, elle décide de partir à la recherche de l’enfant qu’elle a été forcée d’abandonner quand elle avait 15 ans. Sa quête administrative va lui faire croiser JB, quinquagénaire en plein burn out, et M. Blin, archiviste aveugle d’un enthousiasme impressionnant. À eux trois, ils se lancent dans une quête aussi spectaculaire qu’improbable…
Dupontel en mode dépressif dans Adieu les cons
Critique : Après avoir atteint une forme d’apothéose artistique et esthétique avec Au revoir là-haut (2017), adapté du roman de Pierre Lemaître, Albert Dupontel est revenu à l’écriture pour Adieu les cons. Pourtant, l’empreinte du long-métrage précédent semble encore palpable en ce qui concerne la tonalité d’ensemble de ce nouveau film. Effectivement, là où Dupontel accentuait toujours l’aspect comique au cœur d’histoires souvent sombres et désespérées, on le sent d’humeur plus maussade avec son dernier né.
Il nous invite ici à suivre les pas d’un trio d’individus abîmés par la vie. L’une, incarnée avec intensité par Virginie Efira, est une femme qui a brûlé la vie par les deux bouts et se retrouve affublée d’un mal incurable, l’autre est un informaticien de génie qui n’a jamais rien vécu (ce que l’on appelle un no life) et souhaite en finir une bonne fois pour toutes. Au milieu de ce couple mal assorti viendra se nicher un troisième larron, un aveugle iconoclaste interprété avec vigueur par l’excellent Nicolas Marié – qui a bien mérité son César du meilleur acteur dans un second rôle.
Une cavale sympathique, mais pas toujours légère
Les trois individus se retrouvent sur les routes afin de retrouver le fils de Suze (Virgina Efira), placé sous X après son accouchement lorsqu’elle avait quinze ans. A partir d’un quiproquo initial qui met sens dessus dessous les services de la police, le trio doit donc à la fois mener une enquête sur le passé de cette femme et de son enfant abandonné et en même temps déjouer les pièges de la police qui est à leurs trousses.
Menée à un rythme particulièrement bien géré, la comédie noire passe vite et offre au spectateur un panel d’émotions très riche. Cette fois-ci, l’humour se fait moins grinçant qu’à l’accoutumée et les punchlines qui s’en prennent aux autorités (médecins, psychologues et policiers sont systématiquement ridiculisés) ne font pas toutes mouche dans leur volonté d’égratigner les élites. Le cinéaste et scénariste peut même parfois avoir la main lourde lorsqu’il aborde des thématiques plus sérieuses, comme l’amour maternel ou les rapports distendus entre individus dans notre société censée être connectée.
Un festival de seconds rôles savoureux
Avec Adieu les cons, Albert Dupontel se fait moraliste et même s’il ne donne pas vraiment de leçon, il succombe parfois à une forme de naïveté revendiquée et assumée. Film qui chante l’amour indispensable à toute existence, Adieu les cons oppose donc les gens libres à ceux qui vivent dans des carcans. Sa référence ultime est certes Brazil (Gilliam, 1985), mais on a surtout le sentiment de retrouver ici des thématiques abordées par le cinéma français des années 30, avec cette même dose d’innocence qui sied mal à notre époque de cynisme.
Plus mélodramatique que franchement drôle, le long-métrage bénéficie heureusement d’un élément comique de premier plan avec Nicolas Marié. On restera davantage réservé sur la prestation d’Albert Dupontel qui s’est, heureusement, entouré de ses amis comédiens habituels. Il faudrait tous les citer, de Philippe Uchan à Michel Vuillermoz en passant par un excellent Jackie Berroyer, tant ils permettent au film de s’élever par la qualité de leur jeu.
Une sortie chahutée par la crise de la Covid-19
Réalisé avec le talent visuel habituel de Dupontel, Adieu les cons est donc un divertissement de bonne tenue qui se termine d’ailleurs sur une scène sombre du meilleur effet, ce qui est plutôt rare pour une comédie, même noire. On ne lui reprochera que sa tendance à surligner certaines thématiques, et donc un certain manque de finesse.
Cela n’a pas empêché le film de rencontrer le public lors de sa sortie initiale en octobre 2020. Malheureusement, malgré une excellente entame pendant les deux premières semaines d’exploitation, le film a subi la longue fermeture des cinémas jusqu’au mois de mai 2021. A nouveau programmé dans les salles à partir du 19 mai 2021, Adieu les cons peut désormais aussi profiter de l’effet César puisque le long-métrage a été entre-temps plébiscité lors de la cérémonie 2021 avec pas moins de sept statuettes dont celle de meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original ou encore du meilleur second rôle masculin pour Nicolas Marié.
Malgré nos quelques réserves, nous vous conseillons donc ce long-métrage qui a le grand mérite de nous faire redécouvrir tout un panel d’émotions diverses sur grand écran. Ce qui est encore la meilleure définition de ce qu’est le cinéma.
Critique de Virgile Dumez
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Albert Dupontel, Virginie Efira, Albert Dupontel, Bouli Lanners, Nicolas Marié, Philippe Uchan, Michel Vuillermoz, Jackie Berroyer, Laurent Stocker, Grégoire Ludig, David Marsais, Terry Gilliam, Mériem Sarolie, Bastien Ughetto