Scream 3, plus mauvais segment de la saga, en est aussi son plus gros succès commercial en France. Retour sur ce faux pas marqué par une conception pour le moins chaotique.
Synopsis : Cotton Weary, l’un des survivants de la tuerie de la fac de Windsor, rentre tranquillement chez lui après avoir terminé le tournage de l’émission qu’il anime. Le téléphone sonne. Au bout du fil, une fan… qui s’avère être un dangereux tueur, prêt à tout pour retrouver la trace de Sydney Prescott…
Un scénario maintes fois remanié
Critique : Après avoir signé deux cartons consécutifs au cinéma avec Scream (1996) et sa suite (1997), le cinéaste Wes Craven a enfin pu envisager de tourner le grand drame musical qui devait enfin le sortir du ghetto du film d’horreur. Pourtant, La musique de mon cœur (1999), malgré la présence de Meryl Streep à son générique, a laissé le grand public et les critiques indifférents et le mélodrame a été un cuisant échec au box-office. Il faut dire que le réalisateur n’était visiblement pas très à l’aise dans un genre qu’il ne maîtrisait pas du tout. Pour lui cet échec sonne comme le glas de ses espoirs de reconnaissance artistique et il est immédiatement appelé à la rescousse par les frères Weinstein pour boucler un troisième opus de la saga Scream.
Cette fois, le scénariste Kevin Williamson n’est plus disponible, car il multiplie les projets, dont la réalisation de son propre Mrs. Tingle (1999) et ne peut donc livrer qu’une ébauche de script. Malheureusement, sa proposition évoquant un gang de jeunes gens tueurs n’est pas retenue car le massacre de Columbine a eu lieu en avril 1999 et les films d’horreur ont rapidement été accusés de favoriser ce type de comportements chez les jeunes. Les exécutifs du studio Dimension Films prennent donc la décision de confier au scénariste Ehren Kruger l’écriture d’une toute nouvelle intrigue qui auscultera plutôt le passé familial de Sidney Prescott (Neve Campbell, moins impliquée que dans les autres films) et qui met la pédale douce sur la violence.
Un segment encore plus parodique
Peu convaincu par la version finale du scénario, Wes Craven n’a eu de cesse de le modifier en cours de tournage, accentuant encore un peu plus l’aspect parodique. On retrouve ici un procédé qu’il a d’ailleurs déjà employé dans Freddy sort de la nuit (1994), à savoir le film dans le film. Dans Scream 3, la mise en abime est constante puisque les acteurs de la fiction dans la fiction ne cessent de se plaindre des réécritures du scénario, ce qui était le quotidien d’un tournage réellement chaotique. Ensuite, le cinéaste n’a de cesse de se moquer de la logique interne des trilogies et livre des réflexions qui ne sont guère fouillées. Cela sent surtout une certaine paresse d’écriture qui ne convainc plus, contrairement aux deux précédents volets.
Enfin, Scream 3 se dote d’un sous-texte supplémentaire que l’on ne peut comprendre que de nos jours, puisqu’il est fait ici mention d’un producteur (incarné par Lance Henriksen) qui profite des faveurs de ses actrices. Cela fait-il explicitement référence au comportement d’Harvey Weinstein, justement pourvoyeur de fonds de la trilogie ? Personne ne peut vraiment le dire, mais la coïncidence est toutefois frappante.
Jump scares à tous les étages
Débutant par une séquence d’ouverture qui n’a rien de mémorable, avec l’élimination du personnage incarné par Liev Schreiber, Scream 3 pâtit d’un défaut qui touche la plupart des œuvres de Wes Craven tournées pour de mauvaises raisons, à savoir un manque patent de soin dans l’élaboration des plans, dans la création d’une ambiance tendue, ainsi que le recours à des facilités telles que les jump scares, ici fort nombreux. A cela, il faut encore ajouter une direction d’acteurs plutôt aléatoire. Comment excuser le jeu si caricatural de Parker Posey ou encore les mimiques insupportables de David Arquette. En fait, la plupart des comédiens ne semble pas y croire. On sent que Neve Campbell est absente – sans doute accaparée par d’autres tournages qu’elle enchaînait à l’époque – et ce n’est pas la multiplication des seconds rôles qui vient compenser.
Encore plus parodique que ses deux prédécesseurs, Scream 3 tourne vraiment en rond, tandis que l’intrigue reprend finalement tous les clichés du néo-slasher alors en vogue. Mais cette fois-ci, la révélation du coupable n’est en aucun cas une surprise et l’on cherche en vain une quelconque nouveauté. En réalité, le long-métrage est censé faire rire, mais il afflige, tandis que la violence a été nettement édulcorée au point que la mécanique des meurtres s’enraye et ennuie.
Une sortie américaine événementielle pour un résultat décevant
Scream 3 est donc l’exemple parfait de conditions de tournage chaotiques qui ont eu un impact direct sur le produit fini. D’ailleurs, la plupart des critiques et l’ensemble du public reconnaît ce segment comme étant le plus faible de toute la saga, et de loin. Cela n’a pas empêché les frères Weinstein de mettre le paquet lors de la sortie américaine puisque Scream 3 est sorti sur 3 467 écrans en même temps, ce qui était un véritable record à cette date.
Le démarrage a d’ailleurs été foudroyant avec rien de moins que 34 millions de dollars amassés dès son premier week-end d’exploitation. Pourtant, le troisième volet a bien eu du mal à conserver cette avance tant les échos furent mauvais. Au terme de son exploitation, le long-métrage n’a finalement attiré que 89,1 M$ (soit 153,3 M$ au cours du dollar de 2022) dans son escarcelle, soit à peine plus du double que son premier week-end faramineux.
Scream 3 écrase ses concurrents en France
Heureusement, l’international a permis de compenser avec de très beaux résultats, notamment en France où le métrage a suscité l’intérêt de 2 654 418 adolescents. Il s’agit donc du meilleur score de toute la saga, alors que le film est uniformément considéré comme le maillon faible de la franchise. Lancé lors d’avant-premières qui ont fait salle comble, Scream 3 a également connu un démarrage foudroyant en France en se plaçant numéro 1 la semaine de sa sortie avec déjà un cumul de 1,3 millions d’entrées.
Le métrage a ensuite perdu la moitié de ses fans en deuxième semaine, preuve d’un certain désaveu. Toutefois, le tueur masqué a généré plus de deux millions de tickets vendus en à peine plus de deux semaines, ce qui en fait un vrai phénomène. Le thriller horrifique reste dans les dix premières places du box-office français jusqu’à la fin du mois de mai et finit donc sa carrière avec un joli score de 2,6 millions de fans déçus par cette conclusion bâclée. Il faudra attendre huit longues années pour que Wes Craven vienne effacer ce faux pas avec le sympathique, mais dispensable Scream 4 (2011) qui sera d’ailleurs son baroud d’honneur avant sa disparition en 2015.
Critique de Virgile Dumez
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