Réalisateur, scénariste et acteur français, Jean Renoir est né en 1894 à Paris. Il est le fils du peintre impressionniste Auguste Renoir, le frère cadet de l’acteur Pierre Renoir et le frère ainé du céramiste Claude Renoir, à ne pas confondre avec son homonyme directeur de la photographie qui est le neveu de Jean Renoir. Etant enfant, le petit Jean prend goût au cinéma en visionnant les courts de Charlie Chaplin. Toutefois, il grandit dans un milieu artistique où la figure paternelle écrase absolument tout par son importance.
Un fils désœuvré
Le jeune homme n’est pas doué pour les études, au grand dam de son père et Jean s’engage finalement dans l’armée, participant ainsi aux combats de la Première Guerre mondiale. En tant que chasseur alpin, il est grièvement blessé à la jambe en 1915, ce qui ne l’empêche pas de réintégrer un poste dans l’aviation vers la fin de la guerre. Là, il y apprend la photographie.
Les essais du temps du cinéma muet
Une fois libéré de ses obligations militaires, le jeune homme qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie s’installe comme céramiste. Pourtant, cette situation ne lui convient pas et il commence à rédiger quelques scripts qu’il destine au cinéma. Comme son frère Pierre Renoir est déjà acteur de cinéma, cela le pousse à lui offrir un rôle dans son tout premier long-métrage intitulé La fille de l’eau (1925). Si l’accueil de la critique s’avère glacial, Jean Renoir est piqué par le démon de la mise en scène et décide de financer lui-même le coûteux Nana (1926) d’après Emile Zola. Long de 2h30min, l’adaptation est un échec commercial qui l’éloigne un temps des productions commerciales classiques.
Il tourne alors des courts-métrages et des productions plus modestes comme La petite marchande d’allumettes (1928) d’une durée de 40 min. Dans la foulée, le cinéaste se lance dans le comique troupier avec Tire-au-flanc (1928) qui lui permet de travailler pour la première fois avec l’acteur Michel Simon. Il le retrouve pour la comédie inspirée de Feydeau : On purge bébé (1931) qui est aussi son tout premier film parlant, à la technique sonore encore hésitante.
Les premiers films importants
Très heureux de l’avènement du parlant, Jean Renoir va s’épanouir pleinement au cours des années 30 où il signe un nombre impressionnant de grandes œuvres, devenues pour la plupart des grands classiques de notre patrimoine. Il débute cette formidable série par La chienne (1931), puissant drame à connotation sociale. Le cinéaste enchaîne avec la comédie Boudu sauvé des eaux (1932) qui met en vedette Michel Simon. Si la pièce d’origine tient du pur boulevard, Jean Renoir la transforme en une cinglante critique sociale.
Copyright Warner Bros. (France) / Tamasa Distribution
Enfin, le réalisateur se lance dans le polar avec La nuit du carrefour (1932) qui adapte pour la première fois à l’écran une œuvre de Simenon, faisant de son frère Pierre Renoir le premier Maigret du cinéma. Tourné en extérieurs et non en studio, le film souffre d’une prise de son directe très aléatoire, mais tranche justement avec le rendu trop propre de certains films de l’époque. Il s’agit assurément d’une date dans l’histoire du cinéma français.
Après quelques films mineurs (dont un Madame Bovary très classique), le réalisateur revient en forme avec Toni (1935) qui évoque la situation des travailleurs immigrés en France. Toutefois, on peut encore lui préférer l’excellent Le crime de Monsieur Lange (1936) qui bénéficie de la présence incroyable de Jules Berry. C’est aussi l’époque où Jean Renoir tourne Une partie de campagne (1936), mais le tournage est interrompu en cours de route et le film sortira dans les salles en 1946 dans une version de 40min, donc inachevée. Pour autant, il s’agit là encore d’une œuvre majeure.
Motivé par le succès du Front Populaire, Jean Renoir, dont l’orientation politique très à gauche n’est un mystère pour personne, s’engage dans la réalisation du film collectif à caractère communiste La vie est à nous (1936). La même année, il signe le long-métrage social Les bas-fonds (1936) d’après Maxime Gorki et qui lui offre l’occasion de diriger pour la première fois Jean Gabin.
Le temps des chefs d’œuvre à la fin des années 30
C’est en 1937 que Jean Renoir tourne son chef d’œuvre La grande illusion (1937), long-métrage pacifiste aux magnifiques accents lyriques. Il y donne un rôle majeur au cinéaste Erich von Stroheim qu’il admire depuis toujours. Le film est même nommé à l’Oscar du meilleur film étranger. Encore engagé à gauche, Renoir tourne ensuite La Marseillaise (1938) qui évoque la période de la Révolution française, mais c’est surtout sa nouvelle adaptation de Zola qui marque les esprits : La bête humaine (1938) avec Jean Gabin est considéré à juste titre comme un bijou de cette période d’entre-deux guerres.
© 1937 Réalisation d’art cinématographique (RAC) / Affiche de 1946 : Bernard Lancy. Tous droits réservés.
Cette formidable série de chefs d’œuvre se termine sur La règle du jeu (1939) qui s’en prend à la bourgeoisie de manière cinglante. Pour une fois, Jean Renoir est entièrement aux manettes et il se réserve même un rôle de premier plan en tant qu’acteur. Il s’agit assurément de la consécration ultime de son talent, juste avant que la Seconde Guerre mondiale n’éclate. Attention toutefois, bon nombre des œuvres que nous venons de citer ne furent pas des succès commerciaux et ils ont pris de la valeur au cours des décennies. Ainsi, La règle du jeu fut à sa sortie un effroyable échec et fut même interdit par le gouvernement au moment de l’entrée en guerre de la France, car jugé trop démoralisant.
Avec la guerre, Jean Renoir décide de quitter la France pour l’Italie en janvier 1940 où il tourne le film La Tosca (1940). Pourtant, l’ambassadeur de France lui conseille de quitter rapidement le pays et le film est achevé par Carl Koch. Jean Renoir quitte alors l’Europe pour les Etats-Unis, non sans avoir auparavant dit qu’il voulait bien se mettre au service du gouvernement de Vichy. Il s’agissait sans doute d’une manœuvre pour gagner du temps et parvenir à quitter le pays avec un visa en bonne et due forme.
Jean Renoir aux Etats-Unis
Il arrive aux States accompagné de sa scripte Dido qui deviendra sa seconde épouse (après avoir été marié à Catherine Hessling). Le cinéaste décroche un contrat avec la 20th Century-Fox et finit par réaliser L’étang tragique (1941) avec Walter Brennan et Walter Huston, ainsi que bon nombre d’acteurs de John Ford, autre modèle pour Jean Renoir. Le résultat est une vraie réussite. Toutefois, le cinéaste ne se fait pas au système des studios et préfère travailler pour des indépendants comme la RKO. Ainsi, il réalise à cette époque le film de propagande Vivre libre (1943) avec Charles Laughton. Le long-métrage est pourtant un échec commercial. Il enchaîne avec L’homme du sud (1945) qui est sa meilleure contribution au cinéma hollywoodien. D’ailleurs, le long-métrage reçoit trois nominations aux Oscars. Pourtant, le film n’est pas exempt de défauts, notamment dans son casting, particulièrement faible.
Bien que la guerre s’achève, Jean Renoir continue à œuvrer aux Etats-Unis où il livre Le Journal d’une femme de chambre (1946) d’après Octave Mirbeau. Mais là encore, l’inspiration semble légèrement en berne. Le cinéaste insiste et tente l’aventure du film noir avec La femme sur la plage (1947) avec Joan Bennett et Robert Ryan. Malheureusement, sa tentative de séduire le public américain avec un film de genre à la mode se solde par un terrible échec public. Restant éloigné des plateaux pendant plusieurs années, Jean Renoir tombe amoureux du roman Le fleuve (1951) qu’il décide d’aller tourner directement sur place, donc en Inde. Il s’agit de son tout premier film en couleurs, considéré par beaucoup comme un pur bijou.
Le retour en Europe
C’est à ce moment que Jean Renoir choisit de revenir en France et qu’il recommence à tourner de manière régulière des films en couleurs typiques de cette époque un peu guindée du cinéma français. On lui doit la comédie Le carrosse d’or (1952) qu’il réalise en Italie avec la diva Anna Magnani pour un résultat très moyen à 783 502 entrées sur toute la France. A cette comédie très légère et un peu vaine, on peut préférer French Cancan (1955) qui lui permet enfin de retrouver les faveurs du grand public avec 3 963 928 spectateurs ravis de revoir aussi Jean Gabin dans un grand rôle – l’acteur est encore en pleine traversée du désert à cette époque. Le film se situe à la 10ème place annuelle et relance donc enfin la carrière du réalisateur.
© 1955 Jolly Film / Affiche : René Péron. Tous droits réservés.
Celui-ci peut monter assez rapidement Elena et les hommes (1956) avec des stars du calibre d’Ingrid Bergman et Jean Marais. La comédie dramatique est plutôt empesée, mais elle réunit tout de même 2 116 337 spectateurs grâce à l’extrême popularité de Jean Marais.
Les difficultés rencontrées pour financer ses derniers projets
Après une pause qui est due à ses difficultés à trouver des financements, Jean Renoir accepte de réaliser le téléfilm Le testament du docteur Cordelier (1959) qui est une sorte de variation autour du thème du double maléfique. La même année, il parvient à tourner Le déjeuner sur l’herbe (1959) avec Paul Meurisse qui est un échec commercial. En 1962, Jean Renoir réalise une comédie intitulée Le caporal épinglé qui séduit tout de même plus de 2 millions de spectateurs. Pourtant, le réalisateur, déjà très âgé, ne parvient plus à réunir des budgets conséquents pour ses projets. Il termine sa brillante carrière par le téléfilm Le petit théâtre de Jean Renoir (1970).
En fait, durant les années 60, l’artiste s’est surtout consacré à l’écriture, rédigeant des livres sur son père. En 1975, Jean Renoir est finalement célébré aux Etats-Unis où il reçoit un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Une récompense bien méritée pour l’un des artistes majeurs du cinéma mondial. Il a également son étoile au Walk of Fame d’Hollywood, ce qui est fort rare pour un artiste français. D’ailleurs, le cinéaste finit ses jours à Beverly Hills où il décède en 1979 à l’âge de 84 ans à la suite d’un infarctus.