Après un premier film prometteur, Nicolas Pariser confirme avec Alice et le maire qu’il est un cinéaste sur qui il faut désormais compter.
Synopsis : Le maire de Lyon, Paul Théraneau, va mal. Il n’a plus une seule idée. Après trente ans de vie politique, il se sent complètement vide. Pour remédier à ce problème, on décide de lui adjoindre une jeune et brillante philosophe, Alice Heimann. Un dialogue se noue, qui rapproche Alice et le maire et ébranle leurs certitudes.
Nicolas Pariser sort de nouveau « le Grand jeu »
Critique : Second long-métrage de Nicolas Pariser après Le Grand jeu, Alice et le maire (titre rohmérien s’il en est, bien que le film le soit nettement moins) reste en terrain connu puisqu’il prend là encore pour cadre le milieu politique, mais avec une approche très différente. Alors que dans le précédent, plus romanesque et nerveux, on naviguait en eaux troubles parmi les groupuscules d’extrême-gauche (avec un scénario inspiré de l’affaire « Tarnac ») et les éminences grises qui tirent les ficelles du pouvoir, ici la chose est plus familière et légère – c’est une comédie.
Une comédie sur le pouvoir qui le tient à distance
Dans Alice et le maire, aucun mythe du grand soir, aucune fascination pour le pouvoir, aucun idéalisme non plus, le rapport à la politique est à la fois désenchanté et réaliste. Ainsi, la première scène de Luchini – qui joue un maire de Lyon à bout de souffle – le montre présidant une séance du Conseil municipal aussi morne que technocratique. Nulle flamboyance du pouvoir ici, c’est la politique locale dans toute sa quotidienneté qui est montrée. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on a changé d’échelle depuis Le Grand jeu, si on est passé de Paris à Lyon, de la capitale à la ville de province : on quitte le centre névralgique du pouvoir pour mieux embrasser, dans un certain prosaïsme, la vie ordinaire d’un maire.
Ce changement de braquet s’accompagne ainsi d’un changement de ton. Pariser fait le choix de la comédie mais sans tomber dans la satire – on ne tire sur des ambulances. Ici, le personnel a du répondant bien que rien ne lui soit épargné. Ni bouffons ni machines à punchlines comme chez Aaron Sorkin, ils sont justement dépeints par Pariser comme des professionnels.
Comédie du verbe aux échanges vifs et savoureux
C’est cette juste distance avec le pouvoir qui rend possible le programme du film, à savoir des discussions à bâtons rompus entre un élu vieillissant et une jeune agrégée autour des idées et de la politique. Il en ressort un constat mélancolique où tout le monde paraît paumé idéologiquement et personne ne lit véritablement – les politiciens faute de temps et les universitaires parce qu’ils ont été gavés de lectures obligatoires durant leurs études.
Le choix des interprètes tient une grande part dans la tonalité du film et lui permet de rester léger, ce qui n’empêche pas une certaine férocité dans le trait. Face à un Luchini qui se retient, toujours sur le point de déborder mais qui s’arrête toujours avant de basculer dans la bouffonnerie dont il est coutumier, Anaïs Demoustier est très convaincante en jeune intello naïve mais pas dupe, têtue mais joueuse.
Leurs ping-pong verbaux donnent lieu à des échanges vifs et savoureux qui ne se réduisent pas à des bons mots, où tout le talent de dialoguiste de Pariser trouve à s’exprimer. Il se coltine vraiment le sujet, avec la gourmandise du lettré, il ne se contente pas d’un name-dropping snob, sans être lourd ni obscur.
La politesse du désespoir
Vers la fin du film, une belle scène d’écriture à quatre mains d’un discours volontariste et très marqué à gauche verra ce couple chaste essayer de conjurer son impuissance politique par une emphase, un crescendo dans la radicalité politique quasiment érotique, tout en sachant au fond qu’il s’agit d’un baroud d’honneur.
Toute la réussite d’Alice et le maire tient dans ce traitement humoristique et badin de questions finalement assez graves. La politesse du désespoir comme on dit, et ça n’a jamais été aussi vrai.
Bac Films distribuera le film en octobre 2019, après un première remarquée à la Quinzaine des Réalisateurs.
Critique : Charles Chambenois
Les sorties de la semaine du 02 octobre 2019
Sortie DVD & Blu-ray :
Le 5 février 2020
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