Twixt est le dernier volet d’un triptyque indépendant du maître Coppola, qui se fourvoie dans un projet un peu fou, mais in fine raté !
Synopsis : Un écrivain sur le déclin arrive dans une petite bourgade des Etats-Unis pour y promouvoir son dernier roman de sorcellerie. Il se fait entraîner par le shérif dans une mystérieuse histoire de meurtre dont la victime est une jeune fille du coin. Le soir même, il rencontre, en rêve, l’énigmatique fantôme d’une adolescente prénommée V. Il soupçonne un rapport entre V et le meurtre commis en ville, mais il décèle également dans cette histoire un passionnant sujet de roman qui s’offre à lui. Pour démêler cette énigme, il va devoir aller fouiller les méandres de son subconscient et découvrir que la clé du mystère est intimement liée à son histoire personnelle.
Artisanal, mais embarrassant
Critique : Plus une œuvre de festival ou de cinémathèque qu’un produit pour le grand public destiné aux salles, Twixt est embarrassant. Coppola, maître que l’on croyait invincible jusqu’aux années 80, signe une œuvre valeureuse dans ses ambitions artisanales, intéressante dans sa mise en perspective au sein d’une carrière sidérante, mais incroyablement faiblarde et peut-être même inconcevable en provenance d’un artiste virtuose.
La fin d’une trilogie indépendante réalisée hors système
Pour la troisième fois, le roi des productions démesurées (rappelez-vous des dépassements de budget d’Apocalypse Now, Coup de cœur et Cotton club), revient avec un home made film totalement sorti de ses poches, avec un esprit libertaire d’étudiant en cinéma, comme il aime le rappeler, loin en tout cas des ambitions de grand spectacle qui jadis l’habitait. Pourtant, on est très loin du haut niveau de Tetro qui, il y a trois ans, flirtait avec le meilleur de sa filmographie.
Retour aux sources et à la série B bricolée de Roger Corman
Assagi avec le temps, Coppola s’est calmé et travaille paisiblement, avec des équipes réduites sans pour autant virer dans le snobisme. Plus avant-gardiste par passion que par démonstration, le cinéaste septuagénaire revient donc à sa filmographie gothique, celle du début de sa carrière chez Corman, ou de Dracula, son faux pas artistique boursouflé (1992) qui avait pourtant bien plu au public (un triomphe au box-office mondial).
Avec Twixt, point de dérive marchande : Coppola ne vend pas, il met en scène du rêve, ou du moins du cauchemar, le sien, celui qui lui a permis, une nuit en Turquie, de côtoyer Edgar Allan Poe. On retrouve l’auteur du Chat noir dans les scènes oniriques de Twixt (de betwixt/between, “entre” en français), qui, comme son titre le suggère, évoque l’entre deux mondes, celui d’un écrivain alcoolique à la dérive (joué par Val Kilmer au look improbable) et celui surnaturel des fantômes des enfants massacrés, sans oublier le spectre de Poe et celui de vampires assoiffés…
L’entretien avec Francis Ford Coppola
Une œuvre plus personnelle qu’un film à formules pour le public
Loin du cinéma de genre, dont on ne reconnaîtra pas les formules, l’approche de Coppola est intrinsèquement personnelle puisqu’elle sonde les drames familiaux du cinéaste qui, comme le drôle de héros capillaire du film, a perdu un enfant dans des conditions semblables (voir ici). C’est donc de mise en abîme expiatoire dont il s’agit surtout au cœur des rouages diaboliques de Twixt. Entre amusement et épouvante, Coppola s’anime sur un projet divertissant qui puise autant sa force dans sa bonne humeur d’artisan heureux d’être au travail que dans sa douleur réprimée par le temps.
Un résultat faiblard déroutant
Toutefois, le résultat, entre enquête policière sur les traces d’un psycho killer et délire post soixante-huitard sur la jeunesse, déroute. Si visuellement on est souvent époustouflé par les fulgurances photographiques (beau travail du directeur de la photographie roumain, Mihai Malaimare Jr.), en particulier lors des séquences nocturnes tournées en fait en plein jour, on est consterné quant à l’humour et aux effets spéciaux qui renvoient instantanément à la piètre série Z. Le mauvais Argento de Mother of Tears ou les errances de Jean Rollin ne sont pas toujours loin ; ces comparaisons a priori ne sont pas flatteuses, alors que l’auteur aime aussi être dicté par la poésie de l’image qu’il gâche dans ses faux pas.
Twixt ne coupe pas la faim, mais laisse bouche bée
Pourtant Twixt, qui s’essaie même à des passages en 3D gratuits, avant lesquels des petites lunettes s’animent à l’écran pour nous demander de chausser nos verres, ne laisse rien au hasard. Aussi, loin de nous l’envie de parler de déchéance artistique comme chez le réalisateur de Suspiria ; Coppola a ses idées bien à lui et fait montre d’un style mêlant splendeur et humour grotesque. Une audace que ses fans sauront voir avec beaucoup de recul mais qui risquera bien de crisper l’ado qui sera venu voir un pop corn movie. On ne le lui reprochera pas, l’essentiel étant de s’assumer et il le fait plutôt bien. Une curiosité donc, mais qu’on ne conseillera pas.