Tout simplement noir : la critique du film (2020)

Comédie, Documenteur | 1h30min
Note de la rédaction :
7/10
7
Tout simplement noir affiche

Note des spectateurs :

Tout simplement noir évite l’écueil du film de niche en flinguant toute forme de dérive communautariste de manière mesurée et intelligente. Le film, grâce à une ironie mordante et beaucoup d’autodérision, est franchement drôle.

Synopsis : JP, un acteur raté de 40 ans, décide d’organiser la première grosse marche de contestation noire en France, mais ses rencontres, souvent burlesques, avec des personnalités influentes de la communauté et le soutien intéressé qu’il reçoit de Fary, le font osciller entre envie d’être sur le devant de la scène et véritable engagement militant…

Un contexte brûlant pour une comédie fine

Critique : Depuis quelques années déjà, bon nombre d’artistes issus de la diversité se plaignent d’un manque de visibilité de cette France de toutes les couleurs. Cela a même créé d’importantes tensions qui ont explosé lors des récentes remises de prix. En ce qui concerne les Noirs, les revendications ont pris encore davantage d’ampleur depuis l’affaire américaine de l’assassinat par la police de George Floyd et le développement du mouvement Black Lives Matter. Ce phénomène initialement américain a essaimé dans le monde entier, mobilisant les Noirs de tous les pays et renforçant parfois les réflexes identitaires et communautaristes.

Tous simplement noir, photo d'exploitation 1

Copyright 2020 GAUMONT – C8 FILMS

Autant dire que Jean-Pascal Zadi et son complice à l’écriture Kamel Guemra avançaient sur un terrain miné avec leur comédie Tout simplement noir. Le danger était bien évidemment de dénoncer un état de fait réel (une forme de discrimination bien présente) en tombant dans le piège du pamphlet porte-étendard et du communautarisme restrictif destiné uniquement à un public ciblé. Heureusement, Jean-Pascal Zadi a fait le choix très judicieux de l’autodérision, ce qui lui permet d’asséner quelques vérités bien senties, tout en ne tombant pas dans le piège de la caricature.

Une comédie qui s’interroge sur la notion d’identité

Nous sommes donc invités à suivre sous forme d’un documenteur les déboires d’un comédien raté qui tente de monter une marche des Noirs en plein Paris afin de réclamer une véritable égalité de traitement. Le constat effectué est bien celui d’une certaine discrimination, notamment lors des castings où les seuls rôles disponibles sont ceux de racailles, violeurs et trafiquants de drogue – la première scène de casting est d’ailleurs très drôle par l’accumulation de clichés sur les banlieues. Mais si l’aspect militant du personnage peut faire un peu peur au début, le film prend une tout autre tournure lorsque le comédien tente de persuader des personnalités de couleur de venir se joindre à cette marche.

D’une maladresse totale, le personnage incarné par Jean-Pascal Zadi parvient à chaque fois à se mettre les « people » à dos. Les auteurs font ainsi  progressivement voler en éclat l’idée d’une unité du peuple noir. Ainsi, comment définit-on un Noir quand chacun a une couleur de peau différente ? Que faire des métis ? Et les Créoles ? Dans cette quête, le personnage principal se heurte ainsi à la complexité de la situation. Est-ce qu’on peut réduire une personne à un simple schéma identitaire ?

Des vedettes qui jouent le jeu de l’autodérision

Toutefois, Jean-Pascal Zadi ne cherche aucunement à théoriser sur ce sujet. Il offre surtout l’occasion à de nombreuses personnalités issues de la diversité de déconstruire leur image ou de jouer avec. Ainsi, Lucien Jean-Baptiste qui possède auprès du public une image plutôt lisse se livre ici à un numéro hystérique proprement hilarant. On adore également le délire d’Eric Judor que les autres parviennent à convaincre de sa négritude. Même si le long-métrage prend parfois la forme de saynètes successives, Tout simplement noir évite tout de même le piège du film à sketchs grâce à une progression dramatique maîtrisée.

Tous simplement noir, photo d'exploitation 2

Copyright 2020 GAUMONT – C8 FILMS

Le projet s’avère pleinement réussi puisque tous les acteurs et chanteurs conviés jouent le jeu de l’autodérision et de l’ironie. On pourrait encore citer Soprano qui se fait traiter de « rappeur pour collégiennes » ou bien Omar Sy dont on ne cesse de critiquer la réussite exceptionnelle. Enfin, on apprécie aussi le second degré déployé par l’humoriste de stand-up Fary. Il incarne ici la réussite sociale rapide grâce au talent, mais aussi la récupération de ces personnalités par le système. Enfin, n’oublions pas de saluer le courage de Jean-Pascal Zadi dans un rôle difficile de benêt maladroit où il ne s’épargne pas non plus.

Une belle carrière, mais minorée par la crise sanitaire

Alors que nous entrons justement dans une période où manier l’humour semble de plus en plus délicat, les auteurs ont également fait le pari de s’engouffrer dans un style non consensuel et parfois acerbe, voire carrément méchant. Cette franche réussite peut sans aucun doute expliquer le bon accueil reçu par la comédie durant l’été 2020.

On regrette juste que la crise du Covid-19 ait empêché le film de devenir un vrai phénomène populaire, puisque les entrées ont plafonné à 761 349 tickets vendus. Dans le contexte, il s’agit d’un très beau succès, mais le film pouvait espérer bien plus dans une autre configuration. Au passage, Jean-Pascal Zadi a obtenu un César du meilleur espoir masculin aux César 2021. De quoi attendre avec impatience son prochain méfait.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 8 juillet 2020

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Photos : John Wax © 2020 GAUMONT – C8 FILMS

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