A mi-chemin entre Le grand inquisiteur et The Wicker man, La nuit des maléfices est un (faux) film fantastique étrange qui suscite la curiosité et s’autorise quelques dérapages jubilatoires par rapport à la bienséance. Inégal, mais très recommandable.
Synopsis : Angleterre, XVIIIème siècle. Dans un petit village, un jeune homme affirme avoir vu le Diable. Le juge du comté n’y prête pas attention. Mais soudain, des événements anormaux se déroulent : les villageois sombrent dans la folie, et des jeunes femmes se voient affligées de marques sur le corps. C’est alors qu’un groupe mené par la jolie Angel Blake pratique d’étranges cérémonies funèbres.
Jaquette VHS française de La nuit des Maléfices (Editeur, American Vidéo). Copyrights Tigon British Film Productions.
Après la Hammer et la Amicus, un joyau de la Tigon
Critique : Alors que la compagnie britannique Hammer a lancé la mode du film gothique anglo-saxon à la fin des années 50, d’autres petites maisons de production ont tenté l’aventure dans ce genre. On pense bien évidemment à la Amicus – plutôt spécialisée dans le film à sketches – mais aussi à la Tigon British Film Productions à qui l’on doit notamment l’excellent Grand Inquisiteur (Michael Reeves, 1968) avec Vincent Price. Au vu du succès de ce long-métrage, la compagnie a mis en chantier de nombreux films se déroulant dans l’Angleterre du 18ème siècle, à l’époque où le pays était encore traversé de croyances païennes. C’est ce filon qu’exploite ici le réalisateur Piers Haggard (de la famille de l’écrivain H. Ridder Haggard, auteur du roman d’aventures Les mines du roi Salomon) pour son deuxième long-métrage de cinéma.
La nuit des maléfices en DVD chez Artus Films. Affiche cinéma française originale de Satan’s Skin – La nuit des Maléfices. Copyrights Tigon British Film Productions.
Avec un soin maniaque apporté aux détails historiques de sa reconstitution d’époque, le réalisateur s’appuie sur une histoire qui fait la part belle aux mystères des religions païennes, et ceci même si le titre original préfère attirer le chaland par une référence bien chrétienne à Satan. Malgré un rythme parfois un brin paresseux, le long-métrage parvient à saisir le spectateur grâce à des meurtres assez nombreux (et parfois sanglants, surtout dans la deuxième partie du film) et par une ambiance anxiogène liée au décalage entre l’aspect naturaliste de la mise en scène et l’étrangeté de ce qui se déroule à l’écran. Ainsi, pendant une grande partie du film, le spectateur ne comprend pas vraiment ce qui se joue devant lui (certains points de l’intrigue resteront d’ailleurs non résolus à la fin), ce qui participe au charme de cette plongée dans l’Angleterre rurale.
La nuit des Maléfices en 4K, jaquette 88 Films. Copyrights Tigon British Film Productions.
Folk-horror : la nuit des sévices
De temps à autre, le cinéaste s’autorise même des dérapages savoureux comme cette bacchanale où une orgie sexuelle se termine par un meurtre affreux, ainsi que certains débordements graphiques (le sang est parfois abondant). Malheureusement, il n’évite pas non plus les fautes de goût, comme cette fin ridicule entièrement tournée au ralenti voyant le juge du coin en découdre avec la divinité locale, expédiée en enfer de la manière la plus facile possible. Toutefois, par son traitement iconoclaste et sa volonté de revenir aux sources du paganisme, La nuit des maléfices anticipe de quelques années The Wicker Man (Robin Hardy, 1973) et s’inscrit donc dans un courant du fantastique britannique tout à fait singulier et passionnant.
Sorti au cinéma durant l’été 1974 via le distributeur Impex, sous le titre Satan’s Skin – La nuit du maléfice, La nuit des maléfices a réalisé plus de 13 000 entrées en 4 semaines d’exploitation à Paris, notamment au cinéma spécialisé Le Styx. La série B bucolique est contemporaine des classiques La Résidence ou La Goulve qui parurent peu après sa sortie.
L’avènement de la vidéocassette a permis au film de Piers Haggard de refaire une apparition dans les années 80, via l’éditeur American Vidéo. Artus Films en proposera une édition DVD au début des années 2010. Rimini édite un blu-ray en 2025.
La nuit brille toujours plus de tous ses sévices et de ses maléfices.
Critique de Virgile Dumez
Affiche cinéma française originale de Satan’s Skin – La nuit des Maléfices. Copyrights Tigon British Film Productions.
Le test blu-ray de La nuit des maléfices
Douze ans après sa première édition DVD, chez Artus Films, La nuit des maléfices fait son retour en format physique sur le marché du disque physique, augmenté en blu-ray. C’est dans le cadre de la très riche collection Angoisse de Rimini que l’ancêtre du folk-horror tale est présenté. L’éditeur propose ainsi son deuxième titre de l’année 2025 dans ce genre très à la mode, après le déjà rare et excellent Les Yeux de feu (1984) d’Avery Crounse, édité en février. Disponible en édition limitée Combo DVD+Blu-ray+livret.
Autres titres de l’éditeur disponible dans cette collection : La nuit de la comète, Night Eyes (Les Rats attaquent), Le Chat et le Canari, Tentacules, Epouvante sur New York et RawheadRex, le monstre de la lande…
Packaging & Compléments : 3 / 5
Le packaging propose un visuel original de toute beauté au sein d’un digipack qui reprend également à l’intérieur l’affiche italienne gothique. Le design est particulièrement cohérent et gratifiant pour tout collectionneur de cinéma.
Les bonus sont parfaitement complémentaire. D’une part, on retrouve le livret très précis de Marc Toullec (24 pages) qui s’intéresse à l’évolution du cinéma horrifique anglais à la fin des années 60 et à la bascule dans une nouvelle décennie avec ses thématiques et ses influences.
C’est d’ailleurs ce même angle que le spécialiste et directeur de l’Unité Cinéma de Arte France, Olivier Père, reprend dans une présentation de 28 minutes du long métrage. Vraiment admiratif du travail fourni par Piers Haggard, Père livre une présentation enthousiaste, posant le film dans un genre, au sein de la Tigon, société de production qui émergea dans les années 60, avec des œuvres comme La créature invisible et Le grand inquisiteur, toutes deux réalisées par Michael Reeves, et qui s’adonna au cinéma de genre cher aux célèbres Hammer et Amicus.
La présentation couvre les différents aspects créatifs de l’œuvre.
Image : 3.5 / 5
Restauration convenable de ce film tourné sur pellicule en 1970, avec un nettoyage patents des salissures d’époque, et un contraste appuyé pour rendre les couleurs plus vibrantes. La profondeur de champ est ad-hoc. Toutefois, l’ensemble paraît parfois un peu lisse.
Son : 3 / 5
Deux pistes DTS HD 2.0 sont proposées, avec une VF très perfectible et une version originale qui permet de profiter de la qualité de la langue originale plus littéraire, et d’un environnement sonore un peu moins sommaire.
Le point fort de cette restauration revient à la musique, somptueuse, composée par Marc Wilkinson. Elle trouve un dispositif satisfaisant pour illustrer sa richesse.
Test blu-ray de Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 19 juillet 1972
Mots clés :
1972, Les fims d’horreur des années 70, Collection Angoisses de Rimini, Le folk horreur au cinéma, Cinéma britannique, Interdit aux moins de 16 ans
La nuit des maléfices en blu-ray collector chez Rimini Editions (2025) – Copyrights : Rimini Editions. All Rights Reserved.
Biographies +
Piers Haggard, Michele Dotrice, Patrick Wymark, Linda Hayden, Barry Andrews