Rifkin’s Festival est assurément un Woody Allen en mode mineur, uniquement relevé par des dialogues croustillants. Bien qu’inégale, cette comédie romantique ne méritait pas un tel désaveu en salles, faisant d’elle le plus gros échec de la carrière du réalisateur.
Synopsis : Un couple d’Américains se rend au Festival de Saint-Sébastien. L’épouse commence une liaison avec un réalisateur français et le mari avec une femme de la ville.
Retour en Espagne pour Woody Allen
Critique : Après avoir renoué avec New York sur Un jour de pluie à New York (2019), Woody Allen a souhaité retrouver l’Espagne qu’il avait si bien filmé dans l’excellent Vicky Cristina Barcelona (2008), un peu plus de dix ans auparavant. Souhaitant profiter du tournage pour prendre également des vacances avec sa famille, le cinéaste opte donc pour la ville de Saint-Sébastien où se tient un célèbre festival de cinéma. L’artiste réoriente donc son script pour le faire coïncider avec son désir d’évasion et de villégiature ensoleillée.
C’est ainsi qu’est donc né Rifkin’s Festival (2020), tourné durant l’été 2019, mais dont la sortie a été compliquée par la crise de la Covid-19. Pour la première fois de sa carrière, Woody Allen n’a pas réussi à sortir son film sur de nombreux territoires dont les cinémas ont été longtemps fermés. Ainsi, après sa présentation au Festival de Saint-Sébastien en septembre 2020, le métrage est resté dans un placard pendant quelques temps. Il a notamment fallu attendre le mois de juillet 2022 pour que la comédie romantique soit proposée au public français.
Des dialogues affutés pour un script en mode automatique
Il faut dire que Rifkin’s Festival est loin d’être un incontournable dans la filmographie pléthorique de l’artiste new-yorkais. Effectivement, l’auteur est clairement ici en mode automatique avec une intrigue cousue de fil blanc qu’il a par ailleurs usée jusqu’à la corde précédemment. Il s’agit notamment d’une énième variation sur les errances du cœur et d’un habituel marivaudage où les couples se font et défont le temps d’un séjour exceptionnel (ici durant un festival de cinéma). Woody Allen profite de ce cadre cinéphile pour déplorer la médiocrité du cinéma d’aujourd’hui – constat auquel on ne peut que souscrire – et se moquer des honneurs octroyés à des artistes qui ne font qu’enfoncer des portes ouvertes.
Le personnage de jeune réalisateur prétentieux incarné avec justesse par Louis Garrel tient bien entendu de la pure caricature, mais cela permet à Woody Allen de décocher quelques flèches bien senties sur un monde contemporain qu’il ne comprend plus. Face à lui, le vieux cynique joué par Wallace Shawn est un énième alter égo du cinéaste, même si, lui, se distingue de son personnage par sa capacité à créer. Protagoniste aigri, Rifkin est lui aussi une caricature d’intellectuel qui n’apprécie rien si ce n’est le cinéma des maîtres et les génies de la littérature. Il se condamne ainsi à une forme d’impuissance créatrice.
Quelques hommages maladroits aux maîtres du cinéma mondial
On retrouve donc une nouvelle fois le syndrome de l’imposteur dont souffre depuis toujours Woody Allen. Celui-ci ne parvient pas à s’extraire de cette sensation de ne pas être un grand auteur et il se mesure donc ici à ses maitres à travers des séquences qui pastichent les plus grands. Il multiplie les références explicites au cinéma d’Orson Welles, Ingmar Bergman, François Truffaut, Claude Lelouch, Luis Buñuel ou encore Federico Fellini. Toutefois, ces pastiches font surtout apparaître le peu d’invention de la réalisation de Woody Allen sur ce dernier opus. Non seulement ces scènes entravent la narration, mais elles renforcent encore notre sentiment partagé quant à la dernière création d’un artiste visiblement moins inspiré qu’à l’accoutumée.
Ainsi, dans Rifkin’s Festival, la réalisation semble peu travaillée, même si la superbe photographie du génial Vittorio Storaro permet de masquer en partie l’indigence de la mise en scène. Alors que Woody Allen a montré une vraie maestria dans l’excellent Wonder Wheel (2017), il se repose ici un peu trop sur son script et notamment ses dialogues, toujours aussi percutants. Enfin, on peut regretter le choix de Wallace Shawn pour incarner Rifkin, car l’acteur n’est pas le plus charismatique qui soit. Quitte à prendre quelqu’un d’âgé, Woody Allen aurait mieux fait de se mettre en scène dans un rôle qui était fait pour lui.
Rifkin’s Festival : un Woody Allen mineur qui est aussi son plus gros échec commercial
Jamais désagréable, parfois très drôle grâce à des répliques savoureuses, Rifkin’s Festival n’est donc aucunement un mauvais bougre, mais il appartient assurément à cette catégorie des nombreux films mineurs de l’artiste.
Certes entravée par la crise de la Covid-19, la carrière de Rifkin’s Festival constitue un vrai cas d’école, démontrant que le cinéaste a perdu tout crédit auprès d’un public qui l’associe désormais uniquement à ses frasques judiciaires. Alors que les précédents longs-métrages du réalisateur étaient déjà considérés comme des déceptions, cette dernière comédie romantique a été un pur naufrage commercial. En France, le cinéaste a ainsi obtenu le plus mauvais score de toute sa longue carrière. Présenté par Apollo Films dans 26 salles parisiennes le 13 juillet 2022, Rifkin’s Festival a ouvert à 551 spectateurs, soit son pire démarrage à Paris 14h. A l’issue de son premier week-end, le film n’a séduit que 29 149 fidèles sur toute la France.
Après une première semaine catastrophique qui est de loin la pire de la carrière du cinéaste, les entrées ont chuté de plus de 50 % à Paris et 45 % sur le reste de la France. Malgré une présence sur les écrans durant tout l’été, Rifkin’s Festival ne parvient pas à dépasser les 89 058 entrées sur tout le territoire. Une première pour le cinéaste qui n’était jamais descendu en-deçà des 200 000 spectateurs en France. Alors que le long-métrage semble acter la fin d’un monde et le début d’une ère nouvelle, les résultats catastrophiques viennent confirmer les théories d’un artiste que l’on continue pourtant à aimer.
Critique de Virgile Dumez
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Woody Allen, Louis Garrel, Gina Gershon, Damian Chapa, Christoph Waltz, Sergi López, Steve Guttenberg, Karina Kolokolchykova, Wallace Shawn, Elena Anaya
Mots clés
Films sur l’adultère, Films sur le couple, Les flops de 2022