Dans l’Ouest enfin du nouveau avec Rango. Cet hommage au western constitue un virage original dans le domaine du blockbuster animé en images de synthèse. L’ambition visuelle et l’humour noir pétaradants écrasent les univers de Tim Burton et de Zack Snyder. Une expérience réjouissante, par Gore Verbinski, qui fut couronnée de l’Oscar du Meilleur film d’animation.
Synopsis : Alors qu’il mène sa vie sans histoire d’animal de compagnie, Rango, caméléon peu aventurier, est en pleine crise d’identité : à quoi bon avoir des ambitions quand tout ce qu’on vous demande, c’est de vous fondre dans la masse ?
Un jour, Rango échoue par hasard dans la petite ville de Poussière, dans l’Ouest sauvage, où de sournoises créatures venues du désert font régner la terreur. Contre toute attente, notre caméléon, qui ne brille pas par son courage, comprend qu’il peut enfin se rendre utile. Dernier espoir des habitants de Poussière, Rango s’improvise shérif et n’a d’autre choix que d’assumer ses nouvelles fonctions . Affrontant des personnages plus extravagants les uns que les autres, Rango va-t-il devenir le héros qu’il se contentait jusque-là d’imiter ?
Critique : Attention claque visuelle ! Pour leurs retrouvailles, Johnny Depp et le réalisateur de la trilogie des Pirates des Caraïbes tapent dans le mille ! Alors qu’on avait pu croire un temps (celui du Mexicain et de La souris) que Gore Verbinski n’était qu’un tâcheron de plus dans le cinéma familial, il a su démontrer avec le remake singulier de Ring et la franchise de cape et d’épée qu’il avait sa propre patte, en l’occurrence une esthétique appuyée qui se démarquait du lot des productions de tâcherons.
Dossier Gore Verbinski
Avec Rango, Verbinski explose totalement. Lui qui a bossé comme un dingue pendant 3 ans et demi sur cet OFNI, travaille tous les angles de cette parodie de western animée qui ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même. Chaque plan a bénéficié du soin d’un long métrage “live” de cinéma, avec une richesse époustouflante de styles, de perspectives et de points de vue, et une ambition qui consiste à toujours aller plus loin dans l’exploitation des technologies, sans sacrifier l’histoire et les personnages.
Aussi, contrairement à L’âge de glace, Madagascar ou la plupart des productions en images de synthèse, habitées par des animaux, Rango ne ressemble qu’à lui-même.
Les personnages aux traits particulièrement burinés, sont des fiche-la-trouille pour le jeune public, puisqu’ils consistent principalement en gros rongeurs, rats, reptiles, chauve-souris, chouettes ou tatous écrasés sur une route… Chacun bénéficie d’un traitement particulier dans sa conception qui nous éloigne du simplisme géométrique de la plupart des productions Dreamworks. De même, leur approche humoristique, entre spiritualité hallucinée et humour noir constant, les écarte du tout-venant de l’animation dominante.
Opulent, mais jamais facile dans sa démonstration de moyens, Rango repose sur les épaules frêles d’un minuscule lézard, un anti-héros qui rêve à un nom. Abandonné accidentellement sur la route dans le désert américain, le caméléon est violemment contraint de sortir de sa bulle/aquarium et se retrouve dans un environnement entièrement hostile. Il doit se forger une identité fictive, celle de Rango, pour ne pas être dévoré dans un monde carnassier où l’eau est une denrée rare et pour laquelle on érige des armées.
Devenu shérif, Rango se confronte non sans humour à la spiritualité du désert, à la mort… Ses préoccupations universelles viennent trouver une solution ironique et plutôt critique quant au mode de vie de gaspillage de certains Américains, symbolisé par une grande cité ludique dont on taira le nom.
Rango, ce self-made hero, c’est évidemment Johnny Depp ! Qui d’autre que lui pour jouer cet ingénu dans un macrocosme mortifère de poussière ? L’acteur qui aime tant se travestir, trouve ici une personnalité fantasque à sa démesure et corrige le tir après les faux pas du Touriste et d’Alice au pays des merveilles. Même s’il ne s’agit ici que d’un doublage, son talent d’interprétation confine encore au génie. Il donne chair à ce petit corps décharné de lézard trouillard qu’il habille bien plus que de sa voix.
Dans un univers animé miné par la surexploitation (Shrek 4, Toy story 3, L’âge de glace 4…), Rango est une œuvre à part, une bouffée d’air “chaud”, sûrement plus adulte que ce qu’il peut paraître au premier abord. C’est tout simplement le film d’animation américain le plus original et le plus ambitieux depuis le poétique Happy Feet qui nous offrait un enfer de glace là où le Verbinski nous offre un brasier de sable brûlant.
Box-office de Rango
- Etats-Unis : 123 257 581 $
- Russie : 11 761 936$
- Royaume-Uni : 11 277 681
- France : 10 563 989
- Australie : 10 532 609$
- Mexique : 10 466 177
Echec sur de nombreux marchés (Allemagne, Italie, Brésil, Corée du Sud, Japon), Rango et son budget supérieur à 130M$ n’a réalisé que des scores convenables sans plus, même là où il s’est distingué, et ce malgré l’abondance de critiques positives.
Aux USA, le bouche-à-oreille a été solide avec un premier week-end à 38M$ et une première place au début du mois de mars 2011, suivi par une baisse douce d’un week-end à l’autre (- 40.7%, – 33.7%, – 33.3%, – 35.2%…).
Il perd la première place en semaine 2 en raison de la grosse série B Battle Los Angeles, mais quand ce dernier s’écroule (-59%), Rango demeure 2e derrière Limitless (qui entre avec 18M$, contre 15M$). Le film animé déjanté de Gore Verbinski dépassera les 100M$ lors de un 4e week-end marqué par la sortie ratée de Sucker Punch de Zack Snyder (19M$).
En France, le score est moyen, avec une ouverture à 519 000 entrées dans 626 salles, sans grande concurrence (L’agence avec Matt Damon, Hell Driver avec Nicolas Cage). L’anti-héros reptilien savoure deux semaines en première position, avec 316 000 entrées en semaine 2. Rango restera 4 semaines dans le top 10 français.
Avec le temps Rango a progressivement été oublié. Paramount ne lancera pas de suite, Verbinski n’avait pas envie de s’embarquer à nouveau dans un processus créatif aussi long. Johnny Depp est devenu la cible de Sandrine Rousseau, et Verbinski a été coulé par son film secret d’inceste et de perversion qui vendait une cure de bien-être…
Sorties de la semaine du 23 mars 2011
Le test DVD de Rango
(rédigé en 2012)
Face à la médiocrité de l’animation américaine en 2011 (Cars 2 ne roule que pour les produits dérivés, Kung-Fu Panda 2 et Rio enfilent les clichés comme des perles), on peut se féliciter de l’incroyable inventivité de Gore Verbinski, qui a osé réaliser un hommage existentiel au genre du western avec en guise de personnages, des gueules patibulaires irrésistibles comme on en a jamais vues dans une production dite pour mômes (mais est-ce que Rango l’est tant que cela ?). Des plans à couper le souffle et un sens du cadrage exquis font de cet hommage au western un vrai régal pour les yeux et aujourd’hui un incontournable de la vidéo, avec pour cet été, des éditions DVD et blu-ray qui ont le mérite de pousser la virtuosité artistique un peu plus loin. Retour cette édition 2011, dont à l’époque Paramount nous avait fourni un DVD définitif pour le test.
Compléments : 2/5
Une version longue du métrage (qui vaut surtout pour sa fin alternative et quelques jeux de mots osés) et 8mn de scènes supplémentaires viennent ajouter du délire à l’esprit furieux du grand Far West, revisité par Johnny Depp et Gore Verbinski. On note également la présence d’un commentaire audio sans Johnny Depp et un module intitulé Les créatures de poussière de 22mn qui propose de découvrir les vrais animaux du désert, ceux qui ont inspiré les créateurs du film. Le blu-ray offre visiblement bien plus, mais nous n’avons pas pu visionner les compléments HD.
Image : 5/5
Aucun défaut visible, la copie proposée en simple DVD est flamboyante, d’une richesse impressionnante dans la reconstitution des différentes textures, ce qui est de l’or en barre au vu de la complexité graphique des personnages dont on ne compte plus les rides sur les visages dévastés. Le contraste et la luminosité sont au diapason pour une célébration des possibilités de l’animation en images de synthèse comme peu d’auteurs ont su le faire jusqu’à présent.
Son : 4 / 5
Pour l’ampleur du DTS, il faudra repasser. La piste originale en Dolby Digital 5.1 est pourtant remarquable à bien des égards, insufflant un vrai souffle épique lors des séquences enlevées (notamment la course poursuite dans le Far West à 1h00 du film), et jouant sur la spatialisation des sons avec une précision scientifique. La piste française n’est pas en reste, mais demeure un cran en dessous en raison d’un doublage plus passe-partout.