A Cure for Life, accident industriel notoire au box-office mondial, est une œuvre tordue, intense et atypique, dont l’hommage au cinéma gothique relève de la démence pure. Jubilatoire !
Synopsis : Lockhart, jeune cadre ambitieux, est lancé sur la trace de son patron disparu dans un mystérieux centre de bien-être en Suisse.Pris au piège de l’Institut et de son énigmatique corps médical, il découvre peu à peu la sinistre nature des soins proposés aux patients. Alors qu’on lui diagnostique le même mal qui habite l’ensemble des pensionnaires, Lockhart n’a plus d’autres choix que de se soumettre à l’étrange traitement délivré par le centre… la Cure.
Splendeur et décadence…, A Cure for Life est l’ultime audace de la décennie 2010
Critique : Attention OFNI. Hollywood est parfois capable de nous clouer le bec et, en 2017, cela s’avérait réjouissant. A Cure for Life ne ressemble en rien à l’offre contemporaine de la production horrifique. Le film d’épouvante n’est pas un micro-budget à moins de 10M$, contrairement à 90% de ce qui se produit dans le domaine répondant à la philosophie de la dépense minimum pour le profit maximum. L’on parlera d’ailleurs d’œuvre et non de produit, et elle est assumée comme tel par son studio. Ce n’est ni un remake, ni un reboot, encore moins une suite, et l’on ne sait jamais trop quelle direction les scénaristes souhaitent emprunter tellement l’habillage est étrange. Il n’y a point d’héroïsme, puisque le personnage central est plus proche de l’antihéros égoïste que des canons de beaux gosses contemporains qui polluent un type de divertissement injustement associé au public adolescent.
© 2016 Twentieth Century Fox. All Rights Reserved
Des thèmes sombres à exorciser, incompatibles avec le public adolescent amateur de frissons bon marché
De surcroît, le thriller abonde dans les thèmes glauques, entre inceste, viol ou réflexion sur le vieillissement en sanatorium, ce qui n’est pas franchement exaltant en tant que divertissement. Gore Verbinski, réalisateur dingue de sa décennie (Rango et The Lone Ranger ont sabré les codes du blockbuster des années 2010) ose l’audace en alignant les séquences dérangeantes (gare aux dents et aux sangsues phalliques), et ne se montre nullement pudique quant à la nudité.
Verbinski semble même vouloir porter un message sur la finance, avec une critique en filigrane du système financier capitaliste (assimilé donc aux sangsues, la métaphore est filée et offre une lecture riche de l’ensemble du film), de l’aliénation au travail…
Avec #MeToo qui allait changer le contenu cinématographique peu après, le même film aurait été impensable à produire dans les années 2020, d’autant que Disney s’apprêtait à acheter 20th Century Fox, le studio derrière la sortie d’A Cure for Life.
© 2016 Twentieth Century Fox. All Rights Reserved
Un monument du cinéma gothique d’une durée de 2h30
Plus qu’inhabituel également, A Cure for Life affiche une durée excessive de 2h30, jamais observée dans le domaine. Ce qui peut être un frein avant d’entrer en salle, devient source de « bien-être » (wellness, en anglais), puisque l’on s’installe dans un trip intemporel, où l’on est invité à perdre ses repères hors du réel.
La démarche ne répond pas à des obligations narratives (cela n’apporte a priori rien au récit, qui aurait largement pu être condensé), mais cela donne corps à la narration. Celle-ci précipite un jeune yuppie de la finance américaine, dans un établissement médical huppé, perdu dans les montagnes, à la recherche du patron d’une grande société, parti en cure. Il va lui-même perdre la notion du temps. Ce qui devait être un passage de quelques heures devient un séjour quasi… tombal.
Ne soyons pas réfractaire face à la durée, l’ennui est à nos yeux inexistant et le sentiment d’apprécier le film dans sa littérarité est un vrai bonheur de cinéphile. Toutefois, le public lui reprochera réellement cette durée qui l’a un peu poussé dans sa tombe. On ne vous mentira pas.
© 2016 Twentieth Century Fox. All Rights Reserved
Comble du plaisir et de l’originalité dans le genre, le regard du cinéaste est celui d’un visionnaire qui compose l’image de trouvailles épatantes, infiniment grandioses et vertigineuses, à l’image du cadre alpin qui sert d’arrière-plan délicieusement gothique, effaçant ainsi les souvenirs d’une décennie de found-footages moisis et autres productions diaboliques de série B laides comme les sept péchés capitaux. D’ailleurs, le décor est suisse à l’écran, mais c’est bel et bien en Allemagne, au château Hohenzollern, que le tournage a eu lieu.
Mia Goth, déjà chez elle, dans un cinéma déviant et iconoclaste
Sans aucune star à l’écran si ce n’est Mia Goth, l’actrice à la filmo la plus azimutée de son époque (Nymphomaniac, Suspiria, High Life X, Infinity Pool…), et Dane DeHaan, jeune premier aussi agréable qu’une porte de prison vu dans Chronicle, puis Valérian de Luc Besson, le film est le fruit de l’imagination d’un réalisateur plutôt méconnu du grand public, même s’il a réalisé trois Pirates des Caraïbes ou le remake américain réussi de Ring.
La Fox a suivi Gore Verbinski dans cette aventure irrationnelle, alors qu’il se relevait à peine d’un des plus gros échecs américains de la décennie, à savoir l’étonnant Lone Ranger, avec Johnny Depp, où il démontrait déjà qu’il n’était pas un cinéaste comme les autres, dans son goût des inserts décalés, du sublime visuel, et des durées, pour le coup, excessives. Aussi, nous saluerons Twentieth Century Fox, comme Warner à l’époque du remake de Mad Max, pour cette prise de risque commerciale décidément trop rare.
Nonobstant notre enthousiasme, l’on notera la multitude de critiques négatives que le film a reçue aux USA, dénotant les attentes trop élevées de certains après le visionnage de ses intrigantes bandes annonces. Il est vrai que l’aboutissement narratif n’est pas des plus satisfaisants, tout en restant curieux. Et c’est peut-être, nous semble-t-il, le seul petit reproche à faire au film qui n’offre pas vraiment de relecture dans sa dernière phase. Certains blâmeront le cinéaste pour ses excès d’ambition. Dans la démesure, A Cure for Life, titre ironique « français » à peine mieux que l’original (A Cure for Wellness), a pu susciter l’animosité, voire l’antagonisme des réfractaires qui ne se sont pas retrouvés dans cet univers sombre, loin du pop corn movie habituel.
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Box-office d’A Cure for Life : l’accident industriel qui envoya Gore Verbinski à la retraite
Dans tout son dispositif de l’étrange et avec ses grands moyens A Cure for Life a connu un bide monumental aux USA. Budgété à 40M$, la production s’est classée en 142e position annuelle sur son territoire en 2017, avec 8 106 000$ de recettes en fin de parcours. Proposée lors d’un week-end rallongé sur 2 704 cinémas, cette œuvre étrange engrange 5M$ pour son lancement, avant de chuter de 67.8% en week-end 2.
Le monde entier rejettera les ambitions du cinéaste. Les Russes lui offrent 3 660 000$ (pas mal), l’Allemagne 2 383 000 (c’est une coproduction allemande), la France est son 3e marché étranger avec 1 660 000$ (soit un peu plus de 200 000 spectateurs). Suivent la Corée du Sud et le Mexique, avec à peine un million de recettes. Des pacotilles.
Aucun autre marché n’alignera 1M$, avec des bides particulièrement violents au Royaume-Uni (934 000$), en Italie (663 000$), au Brésil (467 000) ou en Espagne (210 000$).
Promise à être réévaluée par des générations ultérieures qui s’interrogeront sur la réception critique et publique de son temps, cette vision élaborée du cinéma du divertissement était inespérée. Hors des balises hollywoodiennes, le résultat dément tient du miracle. Tout simplement immanquable.
Les sorties de la semaine du 15 février 2017
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