Thriller entièrement à huis-clos, Out of Order… en dérangement parvient à maintenir un vrai suspense grâce à une bonne réalisation et des acteurs chevronnés. L’ensemble se regarde sans ennui.
Synopsis : Un vendredi soir, les travaux de réparation d’un ascenseur sont interrompus pour le week-end. L’employé quitte l’immeuble sans savoir que quatre personnes sont encore dans les étages. L’une d’entre elles, Jörg, est un voleur. Les trois autres sont un couple de cadres et un jeune coursier. Tous les quatre se retrouvent bloqués dans l’ascenseur à 100 mètres de hauteur. Ils ont quarante-huit heures à tenir sans céder à la panique.
Trois hommes, une femme et un ascenseur
Critique : Au début des années 80, le cinéma ouest-allemand est surtout marqué par les films d’auteur (on pense à Wim Wenders ou Rainer Werner Fassbinder), tandis que les œuvres plus commerciales atterrissent généralement davantage à la télévision. Toutefois, quelques cinéastes commencent à se distinguer dans leur volonté d’embrasser un style plus moderne, largement influencé par le cinéma américain. Parmi eux, on peut compter notamment Wolfgang Petersen qui a triomphé avec Le bateau (1981) et L’histoire sans fin (1984). De son côté, Roland Emmerich embrasse le genre de la science-fiction avec L’odyssée de l’Arche de Noé (1984). Mais en cette année majeure qu’est 1984, le cinéaste d’origine suisse Carl Schenkel marque aussi les esprits avec son troisième long métrage intitulé Out of Order… en dérangement.
Effectivement, le réalisateur découvre fin 1983 la production néerlandaise L’ascenseur (Dick Maas, 1983) et se dit qu’il serait possible d’exploiter une situation similaire, mais dans le contexte plus réaliste d’un thriller. Exit donc l’ascenseur possédé et Out of Order proposera avant tout une intrigue ramassée : quatre personnes se retrouvent coincées dans un ascenseur en panne à la veille d’un week-end et doivent trouver un moyen d’en sortir avant de finir asphyxiés.
Out of Order, un défi technique avant tout
Cette trame simpliste devait être traitée avec une certaine maestria de la part du cinéaste afin de ne pas générer l’ennui. Pour cela, Carl Schenkel a préparé pendant plusieurs semaines un découpage très précis de chaque séquence afin de faire preuve d’efficacité lors d’un tournage qui devait être rapide pour des raisons budgétaires. Ainsi, l’ensemble des prises de vues ont eu lieu dans l’immeuble de l’Office européen des brevets situé à Munich. Quant à l’intérieur de l’ascenseur, il a été intégralement construit en studio afin de disposer d’une cloison amovible permettant de multiplier les angles de caméra. Le but était de parvenir à varier suffisamment les prises de vues pour ne pas ennuyer le spectateur.
© 1984 Subkultur Films / Jaquette : L’Etoile Graphique. Tous droits réservés.
D’ailleurs, dès le premier plan, assez vertigineux, Carl Schenkel s’affranchit de l’esthétique télévisuelle typique du cinéma germanique pour s’inscrire dans une atmosphère publicitaire typique du cinéma commercial américain des années 80. Sa caméra s’avère toujours très mobile, investissant les lieux avec un réel savoir-faire. Dans la création d’une tension palpable à chaque instant, il est également secondé par la partition électronique de Jacques Zwart (qui signera plus tard la belle musique de Laurin de Robert Sigl en 1989).
Des comédiens en parfaite osmose
Pour permettre à son film de fonctionner, il fallait que Carl Schenkel s’entoure de comédiens qui tiennent la route. En vedette, il est parvenu à s’assurer la collaboration de la star du petit écran Götz George, à la présence massive et au jeu assuré. Face à lui, le cinéaste a découvert au théâtre le jeune Hannes Jaenicke dont c’est la première prestation devant une caméra. Celui-ci interprète un jeune homme branché et légèrement anarchiste qui ressemble beaucoup au cinéaste lui-même. Il incarne donc en quelque sorte son alter ego.
L’unique représentante féminine est incarnée par la comédienne néerlandaise Renée Soutendijk qui venait d’être remarquée pour ses rôles chez Paul Verhoeven dans Spetters et Le quatrième homme. L’actrice a suffisamment de personnalité pour ne pas être écrasée par le combat de coqs que mènent ses deux partenaires. Enfin, plus effacé, l’acteur vétéran Wolfgang Kieling joue le rôle du comptable qui cherche à arnaquer son patron en déguerpissant avec l’intégralité de son coffre-fort sous le bras. Ce fut la dernière prestation cinématographique de ce grand acteur allemand.
Out of Order propose un substrat sociologique pertinent
Parfaitement dirigé, le quatuor offre un jeu uniforme et équilibré qui montre aussitôt que l’enfermement va devenir rapidement irrespirable, tant les caractères apparaissent opposés. Au passage, le cinéaste se fait l’écho des tensions existantes dans la société ouest-allemande de l’époque, avec la menace du chômage et le décalage de plus en plus grand entre la jeunesse individualiste et ses aînés, complètement dépassés par les modifications économiques récentes – on évoque notamment le remplacement des hommes par les ordinateurs.
A partir de là, Carl Schenkel construit un suspense plutôt habile, même si on peut regretter le peu de rebondissements au cœur de l’intrigue, ainsi qu’un décompte de morts fort peu profus. Davantage tourné vers la psychologie ou l’action à proprement parler, Out of Order… en dérangement n’est donc aucunement une tuerie et l’absence de sang vient confirmer l’aspect grand public du long métrage. Carl Schenkel n’est clairement pas intéressé par les effets gore et préfère donc jouer la carte du suspense, de manière plutôt habile d’ailleurs.
Box-office de Out of Order… en dérangement
Gros succès lors de sa sortie allemande, Out of Order a bénéficié d’une présentation dans de nombreux festivals de genre, souvent avec un beau succès critique. En France, le thriller en huis-clos est proposé aux spectateurs par UGC qui lui octroie au passage une magnifique affiche signée Michel Landi. Celle-ci fera beaucoup pour la renommée du film dans nos contrées. Le métrage, soutenu par le magazine Starfix, sort sur les écrans parisiens le mercredi 13 février 1985, soit la même semaine que La déchirure (Roland Joffé) et le thriller érotique français Péril en la demeure (Michel Deville) qui vont truster les premières places du classement hebdomadaire.
Les autres nouveautés se retrouvent loin derrière, avec notamment le film musical de Prince intitulé Purple Rain (Albert Magnoli), mais aussi Star Trek III : à la recherche de Spock (Leonard Nimoy) et notre ascenseur qui peine à réunir 23 004 occupants. Malgré sa superbe affiche, le thriller allemand ne parviendra pas à mobiliser les fans de cinéma de genre sur la durée. En fait, il faudra attendre sa publication en VHS, puis le passage des années pour que le métrage acquiert une petite réputation de film culte. Désormais, il existe en France en blu-ray chez Carlotta, tandis qu’il est déjà disponible en UHD 4K chez nos voisins germaniques.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 13 février 1985
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© 1984 Subkultur Films / Affiche : Michel Landi. Tous droits réservés.
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Carl Schenkel, Götz George, Wolfgang Kieling, Renée Soutendijk, Hannes Jaenicke
Mots clés
Cinéma allemand, Les huis-clos au cinéma, Les ascenseurs au cinéma
