Laurin : la critique du film + le test blu-ray (2020)

Thriller gothique | 1h24min
Note de la rédaction :
7.5/10
7.5
Laurin, cover du bluray édité par Le chat qui fume

  • Réalisateur : Robert Sigl
  • Acteurs : Dóra Szinetár, Brigitte Karner, Károly Eperjes
  • Date de sortie: 30 Nov 1989
  • Date de sortie : Inédit en salle en France. Diffusé pour la première fois à L'Étrange Festival 2019, avant de paraître en DVD-Blu-ray aux Editions du Chat qui fume en avril 2020. La date de sortie de 1989 correspond à sa sortie salle allemande.
  • Nationalité : Allemand
  • Scénariste : Ádám Rozgonyi (sous le pseudo d'Adam Rozgonyi), Robert Sigl
  • Compositeur : Hans Jansen, Jacques Zwart
  • Directeur de la photo : Nyika Jancsó
  • Sociétés de production Dialóg Filmstúdió, Salinas Filmproduktion, Südwestfunk Baden-Baden
  • Editeur vidéo : Le Chat qui fume
  • Date de sortie combo DVD + Blu-ray : Avril 2020
  • Box-office : Inédit en France, resté 2 semaines à l'affiche en Allemagne lors de sa sortie
  • Classification : Non soumis au CNC
  • Festival : Bavarian Film Award, 1989 (prix du meilleur jeune réalisateur) - Max Ophüls Festival, 1989 - Fantafestival, Italie 2019 - L'Etrange Festival 2019
Note des spectateurs :

Laurin est une tentative de cinéma gothique aboutie qui fleurit hors du temps pour inoculer son venin de cinéma de genre made in Europe. A découvrir.

Synopsis : Mars 1901, dans un village portuaire allemand, Laurin, âgée d’une douzaine d’années, entend l’appel au secours, à la nuit tombée, d’un petit garçon qu’elle voit, depuis sa fenêtre, se faire enlever par un adulte. Au cours de la même nuit, Flora, la mère de Laurin, aperçoit sur un pont le corps inerte du garçonnet et le visage de son assassin ; on la retrouve morte au matin, son corps gisant au bas du pont. Le père de Laurin, marin, étant souvent absent, la fillette, en proie à d’étranges visions, est désormais confiée à sa grand-mère. Elle se lie bientôt d’amitié avec un camarade de classe, Stefan, qui disparaît à son tour. Un tueur d’enfants rôde dans les alentours, et la curiosité de Laurin la met en grand danger…

Critique : Totalement inconnu en France, Laurin appartient à ces joyaux d’un cinéma européen qui ont été totalement occultés lors de leur sortie dans leur pays d’origine – en l’occurrence ici, l’Allemagne de l’Ouest, où il a tenu deux semaines à l’affiche. Aucun festival français de renom (Avoriaz…) et éditeur vidéo hexagonal n’ont osé programmer ou éditer cette production allemande, tournée en Hongrie, avec des acteurs locaux jouant en anglais. On le regrette. L’éditeur trash britannique Redemption l’a toutefois exhumé dans les années 90 en VHS. Et en Europe, plus globalement, il va falloir attendre les années 2010 pour que le film puisse retrouver un écho favorable via le travail de Bildstörung qui le réhabilite en blu-ray et DVD.

Laurin, une pépite inconnue du cinéma de genre européen

Le conte gothique teuton trouve une nouvelle vie et en France via l’éditeur Le Chat qui fume achète les droits français d’exploitation vidéo en 2019. A l’occasion, le film est projeté comme “pépite” à l’Étrange Festival de Paris, en septembre 2019. Le cinéaste Robert Sigl, qui a depuis œuvré pour la télévision jusqu’aux USA, sans pouvoir retrouver la possibilité de mettre en place ses visions de cinéma sur le grand écran, est présent. Ému par la nouvelle notoriété de son bébé qu’il réalisa à l’âge de 24 ans, et qu’il pensait oublié à jamais, il offre tout l’éclairage nécessaire pour comprendre cet inconnu magnifique qu’est Laurin.

Dóra Szinetár dans Laurin de Robert Sigl

© Bildstorung

Nous ne passerons pas l’essentiel du papier à dévoiler la teneur de l’intrigue. Un film rare que l’on découvre en vidéo doit garder sa force narrative et permettre au spectateur de profiter de son développement. On préférera insister sur l’ambiance de l’étrange, extrêmement littéraire qui ressort de l’image. Tourné dans des décors hongrois hors du temps, Laurin déploie un goût du détail dans des décors soignés qui font de sa sortie en 1989 un anachronisme, puisque la texture de son image, son goût champêtre pour la vieille pierre font de lui un véritable avatar d’un cinéma européen des années 70. Robert Sigl aime citer parmi ses influences le cinéma de Roman Polanski, en particulier Le Bal des vampires, pour le gothique. On n’en retrouvera pas l’humour.

Onirisme macabre et conte malaisant

Loin des reconstitutions de conte gothique artificielles et au trait forcé, le premier film du tout jeune réalisateur à l’époque, marque par son caractère passionnel et ses images pointues, ainsi qu’une jouissance dans l’onirisme macabre. On y retrouve la véracité d’une littérature britannique où le surnaturel vient toujours trouver dans le rationnel une explication. Le regard de l’enfant est prégnant dans ce conte malaisant. La jeune héroïne au doux nom de Laurin observe avec son regard bouillonnant, le délitement de sa famille, la masculinité des uns, la force matriarcale de la grand-mère, sans oublier l’austérité religieuse et le racisme d’une société du début de 20e siècle qui est auscultée avec une finesse psychologique et poétique.

Laurin photo le chat qui fume

© Bildstorung

Dans cette œuvre de grenier où l’enfance est outragée,  la beauté picturale est de chaque plan ; l’angoisse enfle et l’on retrouve des plaisirs d’antan. Curieuse découverte en notre époque démontrant à quel point le cinéma peut encore s’avérer insaisissable et surtout indispensable dans sa diversité.

Frédéric Mignard  

Le test blu-ray :

C’est Le Chat qui fume qui a exhumé Laurin pour le public français. Nous avons bénéficié pour ce test de l’édition définitive avec son packaging, dans la lignée picturale des collectors de l’éditeur. Le combo DVD Blu-ray est limité à 1000 exemplaires. La qualité est très largement au rendez-vous.

Compléments : 5 /5

Pour une œuvre inconnue, le poids des suppléments est essentiel. Il donne incontestablement de la valeur à une sortie vidéo physique pour cinéphile. Le Chat n’a pas privilégié que la quantité (9 suppléments), mais bien avant tout la qualité.

L’auteur exemplaire, Robert Sigl, prend la parole à deux reprises. Tout d’abord dans un entretien de 39 minutes où il déploie la genèse complète du film et évoque la ressemblance éventuelle de son seul long métrage avec le cinéma d’Argento (éclairages…), mais il l’évacue à moitié, puisqu’il affirme n’avoir vu que des extraits de certains films d’Argento à l’époque de la VHS où il n’était pas aisé de voir ce que l’on voulait au bon moment.

Laurin photo le chat qui fume

© Bildstorung

Pour ceux qui n’ont pas le temps de découvrir l’intégralité de cette passionnante interview,  une présentation du film par l’auteur, plus courte (16 minutes), lors de sa venue à l’Etrange Festival en 2019, résume l’essentiel. La question de Dario Argento est de nouveau soulevée.

La jeune héroïne adolescente du film, Laurin, est ensuite interrogée. L’actrice hongroise Dorá Szinetár est désormais une vedette en Hongrie, avec une carrière dans la musique pop et surtout sur les planches. Elle insiste sur le fait que personne dans son pays ne connaît vraiment cette parenthèse cinématographique puisque son unique long métrage n’y a pas trouvé de distributeur. Cinématographiquement plus limité, ce bonus de 17’30 est toutefois incroyable de personnalisation sur cette galette.

Le Chat qui fume propose ensuite une interview de l’un des très jeunes acteurs du film, Barnabás Tóth. Il est depuis passé professionnel, notamment à la réalisation. Inattendu, puisqu’en France, nous n’avons qu’une vision très limitée du cinéma hongrois contemporain.

Affiche de Laurin de Robert Sigl

© Bildstorung

Le regard plus expérimenté du directeur de la photo Nyika Jancsó offre une approche technique et contextuelle plus riche et peut-être plus pertinente. Le Monsieur a eu d’ailleurs une très longue carrière hongroise, au cinéma ou à la télévision, même si en France, on ne connaît pas vraiment son travail.

Parmi les nombreux suppléments, on notera la présence de 19 minutes de scènes coupées en assez mauvais état (le cinéaste dans l’interview a largement évoqué la conservation de celles-ci et le montage original) et un making-of de 9min30. Le travail de personnalisation de cette œuvre encore inconnue à nos yeux il y a quelques mois est décidément incroyable !

La présence du court métrage de jeunesse du réalisateur, Der Weihnachtsbaum, que Sigl a réalisé à la fin de son adolescence, en 1983, démontre le regard visionnaire de ce jeune auteur qui annonce son goût pour l’étrange et le cinéma torturé. L’exercice de style dans lequel il joue le rôle d’un fils dans sa relation tordue à son père, dure pas moins de 20 minutes.

Image : 4.5 / 5

Somptueuse restauration qui convoque le respect de l’œuvre 35mm de l’époque. La texture et le grain donnent un appui considérable au visionnage qui se situe dans une luminosité et un contraste toujours en faveur de l’étourdissant travail sur le détail et celui du chef opérateur qui avait réalisé un incroyable travail sur cette œuvre. La copie est propre et les conditions exceptionnelles de visionnage démontrent le caractère intemporel de l’œuvre.

Son : 4 /5

L’éditeur ne propose qu’une piste en version anglaise, celle d’origine, puisque Robert Sigl a insisté pour que le film soit tourné dans cette langue. Il nous a débarrassé du doublage allemand existant et a justement fait l’économie d’un doublage français contemporain qui n’aurait eu aucun intérêt pour le public niche.

La dynamique de la bande-son affiche bien des qualités quand on peut trouver les voix un peu basses par rapport au confort d’écoute des œuvres contemporaines. Ce cinéma vintage est pourtant gratifié d’un très beau travail en DTS HD Master Audio 2.0, et tout participe au plaisir de la découverte dans des conditions optimales.

Frédéric Mignard  

Acheter le film sur le site de l’éditeur

Laurin, cover du bluray édité par Le chat qui fume

© Bildstorung © Design blu-ray 2020 Le chat qui fume

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Laurin, cover du bluray édité par Le chat qui fume

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