Parodie souvent hilarante, OSS 117 : Le Caire, nid d’espions reprend l’esthétique des années 50 pour mieux en détourner les codes et clichés. Drôle et savoureux.
Synopsis : Égypte, 1955, le Caire est un véritable nid d’espions, La ville est un carrefour stratégique où se joue une partie du destin de la planète. Tout le monde se méfie de tout le monde, tout le monde complote contre tout le monde : Anglais, Français, Soviétiques, la famille du Roi déchu Farouk qui veut retrouver son trône, les Aigles de Kheops, secte religieuse qui veut prendre le pouvoir. Pour remplacer l’agent français en poste disparu, Le Président de la République Française, Monsieur René Coty, envoie son arme maîtresse mettre de l’ordre dans cette pétaudière au bord du chaos : Hubert Bonisseur de la Bath, dit OSS 117.
Le retour sur les écrans d’OSS 117, en version parodique
Critique : Le retour sur grand écran de l’espion OSS 117 est né de la volonté des deux producteurs Nicolas et Éric Altmayer qui souhaitaient remettre en lumière un personnage marquant des années 50. Le but était non seulement de revenir à l’œuvre littéraire de Jean Bruce, mais aussi de s’emparer des clichés d’une époque et de les confronter à la nôtre. Ainsi, il semblait impossible d’adapter tel quel les histoires de Jean Bruce, pleines de machisme primaire et de sous-entendus colonialistes. Les romans étaient le pur reflet d’une époque, celle de la Quatrième République, que les producteurs et le scénariste Jean-François Halin se sont amusés à parodier.
© 2006 Gaumont – Mandarin Films – M6 Films / Jaquette : Mastery International Pictures – Emilie de la Hosseraye (photographie). Tous droits réservés.
Il était impossible de réactiver la saga kitsch des années 60 qui faisait preuve d’un réel premier degré et les auteurs ont eu le bon goût de confier la réalisation à Michel Hazanavicius, connu pour être un grand spécialiste du détournement et de la parodie sur la chaîne Canal+ (on lui doit notamment La classe américaine qui détournait des images de grands classiques hollywoodiens en modifiant le contexte et les dialogues). Le but affiché était de retrouver la saveur du cinéma des années 50, mais en poussant le curseur jusqu’au point de déclencher le rire.
Un humour politiquement incorrect pour mieux dénoncer les clichés
A l’aide de Jean Dujardin choisi pour sa ressemblance supposée avec Sean Connery, OSS 117 : Le Caire, nid d’espions (2006) nous convie donc à suivre les aventures d’un agent secret bien de son temps. A l’image des films d’espionnage des années 60, le héros est machiste, prétentieux et fait preuve d’une condescendance rare envers les populations étrangères rencontrées au cours de ses pérégrinations. Dujardin apporte beaucoup au personnage en l’interprétant avec un premier degré confondant de bêtise. Il en fait un grand enfant – capable notamment de s’amuser à éteindre et allumer à plusieurs reprises l’interrupteur d’un élevage de poulets, afin de rire de la réaction des animaux – ce qui permet de le rendre finalement assez sympathique, malgré sa muflerie et ses prises de position rétrogrades.
Bien entendu, cet humour ne fonctionne qu’au second degré et permet de passer un moment de pure allégresse où tout le monde en prend pour son grade. Si les femmes et les musulmans sont des victimes de l’agent, ce sont surtout les beaufs machistes et racistes à son image qui sont réellement visés par les auteurs. Le spectateur est donc entraîné dans une spirale du rire qui franchit à plusieurs reprises les frontières du politiquement correct. Autant dire un type d’humour qu’il est de plus en plus difficile à imposer dans une société française qui s’offense désormais à tout bout de champ.
Un bel hommage au cinéma populaire des années 50-60
Mais la grande qualité supplémentaire d’OSS 117 : Le Caire, nid d’espions vient de la capacité de Michel Hazanavicius à retrouver la saveur du cinéma populaire des années 50-60. La reconstitution est magnifiquement crédible par les décors et costumes, mais aussi par les teintes kitsch employées, notamment par la photographie très exposée de Guillaume Schiffman. On notera que tous les effets spéciaux ont été réalisés selon les techniques de l’époque. Cela est notamment visible lors des déplacements en voiture, tournés en studio par le procédé de la transparence. Si Hazanavicius se réfère bien évidemment à la saga tournée par André Hunebelle, il en profite également pour rendre hommage au cinéma d’Alfred Hitchcock – on pense beaucoup à L’homme qui en savait trop, version 1956 – ainsi qu’à la série des James Bond.
Esthétiquement abouti, OSS 117 : Le Caire, nid d’espions est donc un petit miracle d’équilibre qui a permis de crédibiliser une fois pour toutes Jean Dujardin au cinéma, après le succès de Brice de Nice (Huth, 2005) l’année précédente. Le long-métrage a également servi de tremplin pour Michel Hazanavicius qui n’avait qu’un long-métrage de cinéma à son actif (Mes amis en 1999). Lors de sa sortie, le film a obtenu un gros succès en débarquant lors de sa première semaine en deuxième place du box-office national, juste derrière l’indétrônable Age de glace 2. Au total, le long-métrage a engrangé plus de 2,3 millions d’entrées sur tout le territoire, permettant la réalisation d’une suite trois ans plus tard intitulée OSS 117 : Rio ne répond plus (2009).
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 19 avril 2006
Tous les films avec OSS 117 sur CinéDweller
Acheter le film en blu-ray
Voir le film en VOD
2006 Copyrights Gaumont Columbia TriStar Films