Wu xia pian délirant, Moon Warriors ne s’interdit aucun dérapage bis, mais bénéficie surtout d’une esthétique très travaillée qui rehausse largement un spectacle sans doute un peu trop superficiel pour totalement convaincre.
Synopsis : Dans le royaume de Lan Ning, Fei, un simple pêcheur, recueille le roi de Langling, en fuite après avoir été chassé du trône par son propre frère. Fei est alors envoyé à la recherche de la fiancée du roi, qui a rallié le camp adverse en secret et tombe amoureux d’elle sur le chemin du retour.
Le revival du wu xia pian dans les années 90
Critique : Alors que le genre du wu xia pian a été ringardisé dans la deuxième moitié des années 70 et au début des années 80, le réalisateur et producteur Tsui Hark a beaucoup œuvré pour redonner ses lettres de noblesse à ce genre populaire tombé en désuétude. Grâce aux très beaux résultats au box-office local de Swordsman (Raymond Lee, Ching Siu-tung, Tsui Hark et King Hu, 1990) et de Il était une fois en Chine (Tsui Hark, 1991), le sous-genre renaît rapidement de ses cendres et les câbles sont à nouveau prisés par les artistes martiaux afin de créer des évolutions aériennes virevoltantes.
Au cœur de ce revival, la jeune maison de production Teamwork Motion Pictures, créée en 1991 par le chanteur et acteur Andy Lau, se lance dans la mêlée avec Moon Warriors (1992) qui bénéficie d’un budget cossu afin de redorer le blason du genre et d’attirer le grand public en masse. Pour mettre en boite cette épopée qui voit l’affrontement de deux frères pour la possession du trône, les producteurs font appel au chorégraphe, acteur et réalisateur Sammo Hung, pourtant plutôt étranger au genre du wu xia pian, lui qui a surtout œuvré dans la Kung-fu comedy.
Moon Warriors, une parfaite machine commerciale
Afin de le seconder dans cette mission ardue, les producteurs lui ont permis de collaborer avec Ching Siu-Tung pour mettre en boite des scènes d’action qui, elles-mêmes, sont chorégraphiées par Corey Yuen (un ami de longue date de Sammo Hung). Le premier est resté célèbre pour avoir réalisé la saga Histoires de fantômes chinois (3 titres) et Swordsman, tandis que le second est un cascadeur, acteur et réalisateur de renom dès qu’il s’agit d’action virevoltante. Tout a été mis en œuvre pour faire de The Moon Warriors une machine de guerre commerciale destinée à cartonner. Et de fait, avec un gain de plus de 38 millions de dollars HK, le métrage fut un très beau succès en Asie, confirmant au passage la popularité grandissante d’Andy Lau.
Il faut dire que le film débute très fort avec une première demi-heure placée intégralement sous le signe de l’action tous azimuts. C’est bien simple, on en oublierait presque le semblant d’histoire qui relie les séquences tant le réalisateur semble courir un 100 mètres où la logique serait abolie pour laisser place à une stylisation absolue des scènes. Si l’intrigue n’est aucunement originale et qu’elle a déjà été essorée par des centaines de productions, les différentes scènes d’action sont marquées par une réelle originalité de traitement. Certes, la lisibilité n’est pas toujours optimale, mais les auteurs ont eu à cœur de livrer un produit pétaradant et qui part dans tous les sens.
Attention aux nombreux dérapages bis!
Sammo Hung semble gagné par la frénésie, avec des ralentis, mais aussi des accélérations pas très heureuses. Ne s’interdisant aucun excès, il fait de Moon Warriors un film totalement bis dans ses dérapages, parfois fort drôles. Ainsi de la relation pour le moins saugrenue entre le héros et un orque, censé symboliser l’attachement du protagoniste principal à la mer. Cela occasionne des scènes Z, dans le style de ce que l’on pouvait voir dans les parcs aquatiques Sea World, le tout sur une musique très kitsch. Heureusement, ces dérapages bis sont compensés par un soin maniaque porté à l’esthétique du long métrage.
Doté de décors somptueux, de paysages naturels tous plus beaux les uns que les autres et d’une magnifique photographie qui semble s’inspirer des œuvres fondatrices de King Hu, The Moon Warriors est un pur enchantement pour la rétine. On ne peut donc que regretter le peu d’intérêt de l’histoire contée, même si l’on se satisfera d’un final pessimiste qui voit la plupart des protagonistes mourir.
Un beau succès du cinéma HK resté inédit dans les salles françaises
Il convient par ailleurs de saluer la prestation toujours digne d’Andy Lau, même dans les passages les plus saugrenus, tandis que ce sont les femmes qui tirent le mieux leur épingle du jeu, avec notamment les prestations remarquables d’Anita Mui et de Maggie Cheung. Hautement divertissant à défaut d’être véritablement marquant, Moon Warriors remplit donc une partie de son contrat, mais ne parvient pas à se hisser au rang des chefs d’œuvre du maître en la matière, à savoir le grand King Hu. Il manque ainsi au film de Sammo Hung une vraie profondeur et une cohérence d’ensemble.
Toutefois, les amateurs de cinéma HK et bis ne doivent aucunement négliger le spectacle. Malgré son succès en salles en Asie, le wu xia pian est demeuré inédit en Occident où la mode n’avait pas été relancée en ce début des années 90. Il a fallu attendre 2005 pour que le film soit édité en DVD dans la collection Asian Star sous le titre Moon Warriors. Depuis, Carlotta Films a décidé de l’inclure dans son prestigieux catalogue, cette fois sous le titre The Moon Warriors.
Critique de Virgile Dumez
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Sammo Hung, Maggie Cheung, Anita Mui, Andy Lau, Kenny Bee
Mots clés
Cinéma Hongkongais, Wu xia pian, Les relations entre frères au cinéma, Les films de cape et d’épée