Massacre à la tronçonneuse 2, désastre commercial des années 80, est-il un nanar ou un chef d’œuvre déviant ? Retour sur la satire de viande et de tripe de Tobe Hooper.
Synopsis : Douze ans après le massacre d’un groupe de jeunes au Texas, la tronçonneuse vrombit à nouveau dans les mains de Bubba, le tueur masqué, la famille Sawyer ayant désormais trouvé refuge dans un parc d’attractions abandonné. Mais l’arrivée du shérif Lefty Enright, oncle de deux des victimes de Leatherface, va changer la donne, d’autant que l’homme de loi est aussi un maniaque de la scie à moteur.
La franchise Massacre à la tronçonneuse
Critique : Après une édition désastreuse chez MGM au-début des années 2000, la suite du survival fondateur de Tobe Hooper, Massacre à la tronçonneuse 2 s’est offert la tournée des éditions collectors aux quatre coins du monde, notamment en Allemagne, et même dans l’Hexagone où l’éditeur Le Chat qui Fume a repris les choses en main pour redorer le blason d’un segment souvent considéré comme le canard boîteux de la franchise.
Il est pourtant important de revenir dans le contexte de la sortie du film. En 1985, la firme opportuniste Cannon croyait beaucoup au projet vendeur sur le papier d’une suite gore du chef d’œuvre initial qui était pour sa part, chiche en tripaille. Les problèmes de droits mirent longtemps l’idée d’une suite sur le carreau.
Tobe Hooper et la Cannon
Troisième film collaboratif entre Cannon et le réalisateur culte Tobe Hooper, Massacre à la tronçonneuse 2 est surtout le troisième échec consécutif pour cette association improbable qui a toujours collaboré dans l’argent : le budget cossu de Lifeforce, à un moindre niveau de L’invasion vient de Mars, et de celui de Texas Chainsaw Massacre 2, permettent à Tobe Hooper de s’habituer au statut de cinéaste culte, après le succès de Poltergeist produit et coréalisé par Steven Spielberg, en 1982. Les décors forains assez hallucinants de Massacre à la tronçonneuse 2, étaient à la hauteur des ambitions et de la générosité de Menahem Golam et Yoram Globus qui, en dépensant plus, pensait aussi pouvoir ratisser plus large. Du moins, quand ils s’associaient à Hooper, car ils savaient se montrer par ailleurs très pingres sur d’autres projets.
Massacre à la tronçonneuse 2, une satire gore inclassable
Les avis sur l’inclassable Massacre à la tronçonneuse 2 ont toujours été très partagés. Il est vrai que l’aspect comique surprend ; il est voulu comme tel par Hooper qui ose parodier les teen-comedies à la John Hugues, dès la campagne promotionnelle, avec un visuel publicitaire en guise de parodie de The Breakfast Club. Il s’agit aussi de rendre les tortures et l’horreur plus accessibles, tout en en accomplissant une satire saignante d’une Amérique capitaliste.
Tobe Hooper, et son scénariste L.M. Kit Carson, connu pour ses adaptations de A bout de souffle en remake US, et surtout Paris Texas, n’ont nullement envie de répéter le miracle du premier film. Le micro budget de 1974 était indépendant dans le ton et la forme, proche du docu-fiction, et probablement incompatible avec les attentes des adolescents ou jeunes adultes des années 80, habitués à des effets spéciaux plus graphiques.
Un boucher chez les yuppies
Les deux compères décident de trancher dans le vif de la société reaganienne de l’époque, en surfant sur la vague anti-yuppie et anti-capitaliste d’une certaine contre-culture. Dans la version 2022, cela sera le monde des influenceurs. A chaque époque ses monstres de cupidité. L’argent pour les uns, la notoriété numérique pour les autres.
Le réalisateur récalcitrant à tourner cette suite, ose donc l’absurdité du tout humoristique. On retient un goût certain pour le burlesque crétin qui peut éreinter, une vulgarité des dialogues propre à l’esprit redneck du Texas, en particulier dans la version française culte. Cela ne va pas rehausser cette tranche de boucherie en plat de gourmet, mais avec le temps, certains ont su changer leur fusil d’épaule et considérer la farce comme l’un des bons larrons de la saga.
Comédie et western, le pastiche détonne et mérite la réévaluation
Texas Chainsaw Massacre 2, à la lisière du pastiche de western, s’en prend aux fondamentaux américains, avec le personnage de Dennis Hopper, qui sert de lien avec le premier épisode (il est l’oncle de la victime sur la chaise roulante). Ce lieutenant déjanté est sûrement le point faible du film dans son jeu outrancier. Il joue de la tronçonneuse comme on jouerait d’un colt.
Pourtant, proche de l’univers toonesque de Joe Dante ou version XXL d’un bon Troma, Massacre à la tronçonneuse 2 mérite d’être réévalué. Les décors sont opulents, les plans soignés dans leur cadrage, baignant dans des éclairages extrêmement léchés. Artistiquement, le film est solide comme un roc.
Dans ce Texas de dégénérescence, c’est évidemment le scénario qui morfle, d’autant plus que la Cannon presse pour que le tournage s’arrête afin de sortir le monstre durant l’été 1986. En se concentrant sur la famille tarée, une scream-queen (l’excellente Caroline Williams, certes, qui crie beaucoup, mais qui joue juste d’un bout à l’autre) et le héros vengeur, cela ne laisse aucune place à des intrigues plurielles. Les quelques pistes extérieures (l’enquête de la police, le commerce de viande rouge du patriarche au look de Lloyd Kaufman) ne laissent guère d’espoir à quelques complications narratives. Pis la fin de certains personnages est complètement expédiée, donnant une impression d’inachevé, quand la dernière scène, elle remarquable, préfigure Evil Dead 2 de Sam Raimi, qui allait sortir quelques mois.
Les bonus du double DVD/blu-ray français révélera une trame inattendue coupée au montage.
Au final, on appréciera ce monument du gore pisseux (c’est Tom Savini, maquilleur sur Maniac et Le jour des Morts Vivants) pour sa démesure, son esprit farceur et sa volonté de se démarquer de l’original, en refusant de répéter les formules.
Tobe Hooper réalisateur excelle, même s’il ne contrôle pas tout le montage. Mais Cannon restera assez fidèle à l’esprit voulu. Toutefois ce troisième flop d’envergure au sein de la firme, enterrera sa carrière pour de bon. Les DTV et épisodes de séries télévisées allaient devenir son unique gagne-pain, perdant la case cinéma jusqu’à la fin de sa vie en 2017. Seul Mortuary, en France, parvint à connaître une sortie en salle, en 2006, après une terrible traversée du désert.
Design : Justin Erickson – © 1986 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc, All Rights Reserved
Box-office :
Pour les amoureux des chiffres, l’échec fut tel pour Massacre à la trononneuse 2, pourtant présenté à Avoriaz, Hors Compétition, qu’il ne resta que trois semaines à l’affiche sur Paris Périphérie, avec 25 643 entrées en fin de carrière sur la capitale.
Le film était distribué en binôme par Cannon France et UGC. On notera d’ailleurs que quelques jours auparavant, le studio de Golan–Globus venait de signer un accord historique avec Warner aux USA.
Pour son premier jour, TCM2 grappillait quelques 2 682 spectateurs dans 34 cinémas parisiens, loin des 16 684 entrées de La Mouche et des 5 183 curieux du lynchien Blue Velvet. Le film interdit aux moins de 18 ans tient néanmoins l’avantage sur Wes Craven, L’amie mortelle séduisait à peine 1 614 adolescents dans 28 cinémas.
En première semaine, Massacre 2 ne réalisait que 18 775 entrées dans 34 salles et se contentait d’une 7e place. Il faut dire que parallèlement Cronenberg avec La Mouche décrochait le Prix Spécial du Jury et affolait les compteurs (150 256 entrées en première semaine). Lynch, avec Blue Velvet, exhibait le Grand Prix d’Avoriaz, et entrait en 4e place, avec 55 469 spectateurs parisiens.
Sortis la même semaine, ces deux classiques étaient sur toutes les lèvres et représentaient les dernières grosses machines de l’étrange d’une 15e édition historique d’un festival qui allait péricliter l’année suivante.
H.S., L’Amie mortelle n’entrait qu’en 9e place, avec une misère de chiffres (15 315).
Où voir Massacre à la tronçonneuse 2 sur Paris?
Sur 16 sites en intra-muros, Massacre à la tronçonneuse 2 ne parvient à dépasser les 1 000 spectateurs par écran que dans 3 de ces cinémas, l’UGC Normandie (de justesse), le Paramount Opéra (sous les 2 000) et au Rex où les amateurs de cinéma de genre aimaient bien se rendre. Ailleurs, c’est la cata, le Marignan Pathé, le Convention St-Charles, le Mistral, la Bastille, l’UGC Gare de Lyon, l’UGC Gobelins, les 3 Secrétan, le Clichy Pathé, le Montparnasse Pathé, les UGC Odéon, Montparnasse et Convention, ainsi que les Forum Cinémas, enregistrent des scores dérisoires.
En 2e semaine, 24 cinémas abandonnent le film de Tobe Hooper qui garde 5 écrans à Paris et 5 autres en périphérie. La chute est rude, la série B trash n’a le soutien que de 4 829 spectateurs (contre 2 999 pour L’amie mortelle).
La 3e semaine précipite le produit Cannon dans un cinéma de quartier pour marquer sa fin d’exploitation sur la capitale, avec 2 039 spectateurs, dont 1 521 au Gaîté Rochechouart. Désormais le public attend ce type de films en VHS et Vestron lui offrira une première édition, avant de revendre les droits à Delta Vidéo, lors de sa banqueroute.
Historiquement, sur Paris-Périphérie, en matière de films d’horreur, Massacre à la tronçonneuse 2 se situe à 25 643 entrées entre…
L’ange de la vengeance (25 997)
Poltergeist 3 (25 971)
Effroi (25 727)
Jonathan (le dernier combat contre les vampires, 25 621)
Vendredi 13 Chapitre 5 (25 594)
Exterminator 2 (24 978)
Quid de l’exploitation de Texas Chainsaw Massacre 2 sur le reste de la France?
Sur l’ensemble de la France, Massacre à la tronçonneuse 2 ouvre en 11e place avec 51 456 entrées, puis s’affaisse pour se retrouver en 15e place (31 570), et dépasse les 100 000 entrées en 3e semaine grâce à 23 116 spectateurs. Au final, ses 150 003 spectateurs lui permettent de mieux tenir face à l’échec parisien. Le tour de France des petites salles de villages, celles qui allaient fermer avec la crise du cinéma dû à l’avènement de Canal + et de la vidéocassette, lui fera de bien.
Un flop total aux USA
Aux USA, sorti en version Unrated, le film n’a pas d’autres possibilités que de s’écraser, lors d’un été riche en contre-performances : le sequel essuie l’affront d’une 83e place annuelle, avec 8M$ de recettes. C’est à peine mieux que Maximum Overdrive de Stephen King qui comptait 300 salles en moins. Labyrinth avec David Bowie, Under the Cherry Moon, avec Prince, et surtout Shanghai Surprise avec Madonna, complétèrent ce tableau des fours à gros budgets de l’été 1986.