Maison de bambou (Opération Tokio) : la critique du film (1956)

Policier, Film de gangsters | 1h42min
Note de la rédaction :
7/10
7
Maison de bambou, l'affiche

  • Réalisateur : Samuel Fuller
  • Acteurs : Cameron Mitchell, Sessue Hayakawa, Robert Ryan, Robert Stack, Shirley Yamaguchi (Yoshiko Ōtaka), Brad Dexter, DeForest Kelley, Samuel Fuller, Robert Quarry
  • Date de sortie: 03 Fév 1956
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : House of Bamboo
  • Titres alternatifs : La maison de bambou (titre vidéo actuel) / Opération Tokio (titre français, ressortie 1966) / Tokio-Story (Allemagne) / La casa de bambú (Espagne) / La casa del sol naciente (Argentine)
  • Année de production : 1955
  • Scénariste(s) : Harry Kleiner, Samuel Fuller
  • Directeur de la photographie : Joseph MacDonald
  • Compositeur : Leigh Harline
  • Société(s) de production : Twentieth Century Fox
  • Distributeur (1ère sortie) : Fox-Europa (20th Century Fox°
  • Distributeur (reprise 1966) : Les Films Jacques Leitienne
  • Date de reprise : 1966 sous le titre Opération Tokio
  • Éditeur(s) vidéo : Carlotta Films (DVD, 2006) / ESC Editions (DVD, 2016)
  • Date de sortie vidéo : 23 mars 2016
  • Box-office France / Paris-périphérie : 1 925 120 entrées / 434 053 entrées (exploitation 1956 et 1966) / 1 008 entrées (2009)
  • Box-office nord-américain : 1,7 M$
  • Budget : 1,3 M$
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 2.55 : 1 / Couleurs / Son : 4-Track Stereo
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Boris Grinsson
  • Crédits : © 1955 Twentieth Century Fox Film Corporation renewed © 1983 Twentieth Century Fox Film Corporation
Note des spectateurs :

Faux film de gangsters, mais vrai film d’amour, Maison de bambou sublime un scénario passable par la justesse de son point de vue sur une situation géopolitique complexe et ses personnages ambigus. Un petit classique du genre.

Synopsis : Au Japon, au pied du Mont Fuji, un homme est tué lors de l’attaque d’un train de munitions dans la banlieue de Tokyo. Eddie Spanier, un américain fraîchement débarqué, décide de mener sa propre enquête en essayant de survivre, tant bien que mal, dans les bas-fonds de la ville…

Une nouvelle version d’un film de 1948

Critique : En 1954, le réalisateur Samuel Fuller tourne pour Darryl F. Zanuck le film d’aventures Le démon des eaux troubles avec Richard Widmark en vedette. Après cette expérience plutôt concluante, Fuller cherche toutefois à s’individualiser et à monter par ses propres moyens un film de gangsters qui se situerait en Angleterre. Malheureusement, ce projet tombe à l’eau et Samuel Fuller accepte une nouvelle proposition de Zanuck. Il s’agit de tourner une nouvelle version de La dernière rafale (Keighley, 1948) qui serait cette fois-ci située au Japon.

Maison de bambou, jaquette DVD

© 1955 Twentieth Century Fox Film Corporation renewed © 1983 Twentieth Century Fox Film Corporation / © 2016 ESC Conseils. Tous droits réservés.

Pas nécessairement enthousiasmé par le script original d’Harry Kleiner, mais passionné par l’Orient, Samuel Fuller accepte la proposition de Zanuck avec pour objectif de tourner librement au Japon ce qui deviendra Maison de bambou. En réalité, Samuel Fuller ne reprend qu’une partie de l’intrigue originale et insère à l’intérieur des éléments prévus initialement pour son projet britannique tombé à l’eau faute de financement. De même, alors qu’il songe à Gary Cooper pour incarner le rôle principal, Samuel Fuller opte finalement pour le jeune débutant Robert Stack afin que celui-ci puisse être filmé au milieu de la foule japonaise sans être reconnu.

Un tournage américain au Japon

Effectivement, l’un des buts de Fuller, bien avant les expérimentations menées par la Nouvelle Vague française, est de tourner en décors naturels, au milieu de la foule et donc avec un minimum d’artifices. Bien entendu, les intérieurs, eux, sont majoritairement filmés en studio, mais Samuel Fuller se débrouille pour tourner au maximum en extérieur, magnifiant les décors et paysages naturels japonais. C’est d’ailleurs cette forme de naturalisme proche du documentaire qui apporte une plus-value artistique considérable à cette Maison de bambou qui, autrement, perdrait beaucoup de son charme.

On y découvre ainsi un Japon encore occupé par l’armée américaine, coincé entre une volonté de modernisation bien visible et certaines traditions restées chevillées au corps d’un pays vaincu. Au passage, Samuel Fuller ne prend guère de gants avec ses compatriotes puisqu’il décrit ici l’intrusion du gangstérisme américain en plein cœur d’un pays en pleine reconstruction. Le vainqueur apporte sans doute les bienfaits d’un capitalisme qui va mener le pays à une croissance économique folle, mais dans le même temps exporte aussi ses éléments les plus nocifs, bien décidés à profiter de la manne que représente l’occupation des lieux.

Fuller détourne les codes du genre de manière subversive

Si l’intrigue à proprement parler ne semble pas avoir beaucoup intéressé le cinéaste – cela lambine quand même pas mal à ce niveau – Maison de bambou ne doit pas être vu comme un simple film commercial. Il s’agit en fait d’une tentative de détournement de la part d’un réalisateur toujours frondeur. Ainsi, à travers cette histoire basique, Fuller cherche avant tout à faire passer des idées subversives. Il a lui-même décrit la relation entre Robert Ryan, Cameron Mitchell et Robert Stack comme un triangle amoureux homosexuel. Bien entendu, cela n’est que sous-entendu, mais cette amitié virile plutôt étonnante n’est compréhensible que si on lui ajoute une dimension sexuelle.

Autre subversion, Fuller met en scène un couple hétérosexuel, mais surtout interracial entre Robert Stack et Shirley Yamaguchi. Cette idylle condamnée par la bonne société japonaise est ici valorisée et le happy end vient confirmer la volonté d’ouverture d’un réalisateur qui croyait au brassage des cultures. Cette romance n’était pas si évidente à faire avaler au public international de l’époque. Enfin, la description de l’action des Américains au Japon est loin d’être mise sur un piédestal, d’autant que le personnage principal incarné par Robert Stack est finalement un traître pour ses compagnons, car en mission d’infiltration. Il se joue donc des sentiments des autres pour parvenir à ses fins.

Une exploitation française complexe

Tout ceci est réalisé avec un soin maniaque pour les cadrages – superbe usage du CinemaScope et de la couleur par Joseph MacDonald – mais aussi pour les mouvements d’appareil, tous gracieux et fluides. Fort d’un final spectaculaire sur un manège situé en haut d’une tour, Maison de bambou s’avère donc être un très bon film de gangsters, doublé d’une réflexion pertinente sur l’ambiguïté des relations humaines.

Sorti aux Etats-Unis au mois de juillet 1955, Maison de bambou a connu un petit succès d’estime. Il a davantage convaincu par ses recettes internationales, et notamment par son joli succès français au cours du mois de février 1956 essentiellement concentré à Paris. Toutefois, le long-métrage a surtout bénéficié d’une nouvelle sortie cinéma au cours de l’année 1966 par le distributeur Jacques Leitienne. Sous le titre plus commercial d’Opération Tokio, le film a été vendu pour le public provincial sur le nom de Robert Stack, devenu entre-temps une vedette du petit écran avec la série Les incorruptibles qui triomphe en France depuis 1964. C’est d’ailleurs cette seconde exploitation qui a permis au film d’engranger les plus belles recettes.

Le long-métrage – retitré La maison de bambou en DVD – demeure l’un des plus connus du réalisateur de nos jours. Il bénéficie d’une édition DVD avec une copie impeccable et une intervention passionnante de François Guérif, grand spécialiste de l’œuvre de Fuller.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 1er février 1956

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Maison de bambou, l'affiche

© 1955 Twentieth Century Fox Film Corporation renewed © 1983 Twentieth Century Fox Film Corporation / Affiche : Boris Grinsson. Tous droits réservés.

Box-office :

Maison de bambou sort le 3 février 1956 sous la tutelle du studio Fox, face à La peur au ventre (Warner), Le fleuve de la dernière chance (Universal), Le grand passage (MGM), Tueurs de dames (Rank) et Senso de Visconti (CCFC). En continuation, la grosse production française, Si Paris nous était conté de Sacha Guitry plastronnait.

Maison de bambou trouve escale pour sa première exclusivité parisienne aux cinémas le Triomphe, en version originale, et au Parisiana, au Lynx, et à l’Eldorado.

Le film se comporte convenablement avec 43 000 spectateurs en première semaine sur Paris-périphérie et 31 000 habitants pour le second tour.

Le succès sera particulièrement au rendez-vous en 1966, avec une reprise par Les Films Jacques Leitienne. La société qui reprenait régulièrement les films de la Fox, le propose sous un nouvel emballage et un nouveau titre, Opération Tokio. Il s’agit alors de jouer sur la présence de Robert Stack devenu entre-temps célèbre grâce à la série télévisée Les incorruptibles. La série de Quinn Martin, qui démarre aux USA en 1959, ne sera diffusée en France qu’à partir de 1964.

Selon l’existence de différentes affiches Jacques Leitienne correspondant à des époques différentes, il semblerait que le distributeur ait ressorti plusieurs fois le film en province.

On retrouvera plus récemment cette production Fox durant l’été 2009 chez Action Cinémas. Il réalise alors 1 008 spectateurs en 2 semaines sur Paris et deux salles. Désormais, le film s’intitule pour la première fois en salle La maison de bambou, l’ajout du déterminant semble avoir été proposé dans un premier temps par Carlotta, lors d’une édition DVD en 2006, puis corroboré par ESC, en 2016, lors de sa parution, le 23 mars 2016 lors d’une édition DVD.

Frédéric Mignard

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Maison de bambou, l'affiche

Bande-annonce de Maison de bambou (VO)

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