Véritable film-monde, Life of Chuck retranscrit parfaitement l’univers de Stephen King dans sa version la plus intimiste et personnelle. L’ensemble s’avère très original.
Synopsis : La vie extraordinaire d’un homme ordinaire racontée en trois chapitres. Merci Chuck !
Critique : Désormais habitué de l’univers de l’écrivain Stephen King pour l’avoir déjà adapté dans Jessie (2017) pour Netflix, puis Doctor Sleep (2019), le cinéaste Mike Flanagan s’empare cette fois d’une nouvelle contenue dans le recueil Si ça saigne publié en 2020. Il choisit notamment de s’attaquer à The Life of Chuck, retitré chez nous Life of Chuck qui n’appartient pas au registre horrifique du romancier, mais plutôt à sa veine fantastico-onirique.
© 2024 Red Room Pictures, Intrepid Pictures, QWGmire / Nour Films. Tous droits réservés.
Montée en peu de temps, la production a bénéficié d’un accord spécial pour pouvoir se tourner comme prévu en 2023 malgré la grève des acteurs de Hollywood. Elle se partage en trois mouvements qui se déploient à l’envers. Ainsi, Life of Chuck commence par son troisième acte centré sur le personnage d’un professeur de collège interprété par Chiwetel Ejiofor. Très rapidement, le spectateur est mis dans la confidence : le monde est tout bonnement en train de s’éteindre.
L’occasion pour le réalisateur et l’écrivain d’évoquer les conséquences tragiques du réchauffement climatique, mais aussi le ralentissement réel de la rotation de la planète. Sans faire appel à des scènes spectaculaires, Mike Flanagan parvient à nous faire ressentir cette ambiance de fin du monde programmée durant laquelle des affiches fleurissent sur les murs pour remercier un certain Chuck, pourtant inconnu de tous.
Cette ambiance à la fois très sombre et mystérieuse interpelle immédiatement le spectateur qui retrouvera aussi le style d’écriture de Stephen King à travers une voix off omniprésente qui évoque la vie de multiples quidams, créant ainsi une espèce de ville-monde. Mais cette fois, l’auteur va encore plus loin en nous mettant sur la piste d’un être humain-monde qui aurait pour nom Chuck. En tout cas, cette première partie s’avère particulièrement efficace et même la fin du monde évoquée de manière elliptique fait tout de même froid dans le dos.
La rupture intervient lors de l’acte central où l’on fait enfin connaissance avec le fameux Chuck, un banquier sans histoire interprété de manière sobre par Tom Hiddleston. Le changement de ton est assez radical puisque le segment est centré sur une scène de comédie musicale – certes réussie – mais qui peut déconcerter, voire éconduire certains spectateurs. Dès lors, on a plutôt l’impression de se retrouver dans La La Land (Damien Chazelle, 2016) que dans une œuvre tirée du King. Heureusement, ce segment est aussi le plus court du long métrage qui nous plonge ensuite dans le premier acte, à savoir la jeunesse de Chuck.
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Dès lors, le ton adopté nous rappelle de meilleurs souvenirs comme celui de Stand By Me (Rob Reiner, 1986). On sent à nouveau ce goût de Stephen King pour une forme de nostalgie liée à l’enfance, puis à l’adolescence. Dans ce segment, les différents éléments de l’intrigue vont se rejoindre pour tirer à nouveau le film vers le fantastique. Il profite du charisme de l’adorable Benjamin Pajak dont le naturel illumine aussitôt la caméra pour nous séduire. La dimension nostalgique du long métrage se retrouve également dans le choix du casting opéré par Mike Flanagan.
Effectivement, pour interpréter les grands-parents du héros, Flanagan a convoqué deux acteurs qui ne laisseront pas les enfants des années 80 insensibles, à savoir Mark Hamill (le Luke Skywalker de la saga Star Wars) et Mia Sara (la jolie princesse de Legend) tous deux très justes. Cette dernière partie qui paraît plus terre-à-terre rappellera à chaque spectateur des moments précieux de leur existence et chacun pourra être ému en fonction de ses propres expériences. Life of Chuck évoque ainsi la disparition des êtres chers, l’affirmation de soi, la prise de confiance en ses propres talents grâce au concours d’autres adultes, tout en réservant un final qui assume une part de mystère, au sens moyenâgeux et religieux du terme. Sans la dévoiler, l’ultime scène nous a fait penser à un passage très marquant de 2001, l’odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968), toute proportion gardée.
Fondé sur l’idée très simple que chaque être humain contient en lui une multitude de mondes, le métrage bénéficie d’une réalisation carrée de Mike Flanagan qui ne cherche jamais à prendre le pas sur le texte de Stephen King et qui le sert véritablement au mieux. Ambitieux, le résultat final constitue une œuvre originale dont on ne peut jamais prédire la séquence suivante. Une sacrée qualité en ces temps de produits prémâchés.
Critique de Virgile Dumez
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Tom Hiddleston, Mike Flanagan, Kate Siegel, Michael Trucco, Samantha Sloyan, Jacob Tremblay, Karen Gillan, Chiwetel Ejiofor, Mark Hamill, Matthew Lillard, Carla Gugino, David Dastmalchian, Violet McGraw, Carl Lumbly, Benjamin Pajak, Mia Sara
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