Malgré une réelle efficacité commerciale, L’homme pressé passe à côté de son sujet pour ne retenir que les événements factuels au lieu d’approfondir sa thématique sociale. Superficiel.
Synopsis : Grand collectionneur et marchand d’art, Pierre Niox est un homme stressé qui ne conçoit l’existence que comme une course contre la montre…
L’homme pressé, un Delon mineur, mais révélateur de sa personnalité
Critique : Très librement adapté du roman de l’académicien Paul Morand, L’homme pressé nous convie à suivre la vie trépidante d’un marchand d’art qui ne prend pas le temps de vivre, toujours à courir entre deux avions. Rédigé par Christopher Frank, le scénario tente de plonger le spectateur dans la tourmente de cette tornade humaine, insistant à la fois sur les désordres de sa vie privée, ainsi que sur sa profession. Si l’ensemble se révèle divertissant grâce à l’efficacité de la mise en scène classique de Molinaro et à l’implication d’Alain Delon, absolument parfait en personnage antipathique dans un rôle d’hyperactif qui lui ressemble, on peut regretter le manque de profondeur de ce métrage trop occupé à illustrer les agitations de la star.
Visuel L’homme pressé, collection Make My Day (2020) – IIlustration ©️ Vlad Thoret / StudioCanal. Tous droits réservés.
Un acteur pressé : 3 films en 9 mois
A vouloir suivre le moindre geste du personnage, Molinaro passe à côté de son sujet. Evacuant toute dimension psychologique, il ne nous permet pas de comprendre les motivations profondes du personnage. Loin de la critique sociale abordée par Ferreri dans son œuvre (que ce soit dans Break up ou encore La grande bouffe), Molinaro n’explique jamais la démarche suicidaire du protagoniste principal. Ni critique du capitalisme qui pousse les êtres vers un consumérisme effréné, ni analyse du malaise occidental, L’homme pressé se résume à la chronique anodine d’un cas particulier traité de manière caricaturale – qui peut croire qu’un être humain normalement constitué puisse vouloir accélérer la grossesse de sa femme parce qu’il est toujours pressé ? A la lisière du grotesque, cette comédie dramatique pas franchement légère se laisse toutefois regarder grâce à un casting convaincant et à une réalisation dynamique, emportée par le tourbillon Alain Delon qui semble s’autoanalyser. Il est donc dommage que les auteurs se soient contentés d’une vision superficielle de leur sujet en lieu et place d’une analyse pertinente sur les dérives de la société moderne.
Box-office de L’homme pressé
Lourd échec à sa sortie en salle avec seulement 716 098 spectateurs, L’homme pressé à du mal à faire mieux qu’Armaguedon (716 098), sorti cinq mois auparavant. La même année, en janvier, Le gang avait déjà été une déception. Heureusement, Alain Delon, homme pressé en projets (4 films en 1977) trouvera trois mois plus tard, en décembre, un regain d’intérêt avec Mort d’un pourri de Georges Lautner, que l’on ne s’empressera pas d’oublier.
La comédie dramatique, sans grand charme, trouvera le succès sur la durée, au gré de programmations télévisées et d’éditions vidéo multiples. En 2020, Jean-Baptiste Thoret l’incorpore à sa collection culte Make My Day, pour un combo DVD + Blu-ray, chez StudioCanal, avec une édition gratifiante dans son master que l’on avait connu plus terne.
Critique de Virgile Dumez
Visuel : Ferracci – ©️ Lira, Film Adel Production Paris, StudioCanal. Tous droits réservés.
Biographies +
Édouard Molinaro, Alain Delon, Mireille Darc, Billy Kearns, Michel Duchaussoy, André Falcon, Christian Barbier, Marie Déa, Stefano Patrizi