Sur le refrain connu du « tous pourris », Lautner trousse avec Mort d’un pourri un divertissement efficace porté par les dialogues d’Audiard et l’interprétation remarquable d’un casting quatre étoiles.
Synopsis : Cherchant à protéger un ami, le député Philippe Dubaye, Xavier Maréchal rentre en possession d’un dossier compromettant. Des tueurs se lancent à ses trousses pour récupérer ces documents.
Delon s’attaque aux milieux de la finance
Critique : Alors que la France de Giscard d’Estaing est minée par les affaires mettant en cause les milieux de la finance liés à la corruption des hommes politiques, Alain Delon décide de produire l’adaptation d’un roman de Raf Vallet, un habitué des polars sur fond d’activités frauduleuses (on lui doit déjà le roman Adieu poulet porté à l’écran en 1975 par Granier-Deferre).
Malgré un manque évident de précision dans la dénonciation, ce nouveau film à caractère politique se révèle n’être qu’un simple divertissement qui surfe sur la vague du « tous pourris », refrain populaire et populiste maintes fois entonné. Si l’on souscrit sans état d’âme à la vision clairvoyante du cinéaste sur le monde de l’argent, on peut toutefois trouver ses conclusions légèrement réactionnaires.
Un point de vue réactionnaire, certes, mais emballé avec talent
Au milieu de la boue généralisée, seul l’individu et son sens indéfectible de l’amitié peut encore sauver la situation. On n’est jamais très loin du constat banalisé par les premiers films de Clint Eastwood ou encore ceux avec Charles Bronson. On doit toutefois saluer la pertinence de certaines analyses, comme la prédiction d’un bouleversement politique imminent (entendez par là l’arrivée au pouvoir de la gauche en 1981) ou encore le développement et le futur avènement de la mondialisation capitaliste.
Malgré le caractère peu convaincant de la dénonciation politique, Mort d’un pourri demeure un très bon divertissement. Réalisé par un Georges Lautner alors au creux de la vague – son film suivant n’est autre que l’inénarrable Ils sont fous ces sorciers, sans doute son plus beau nanar – ce polar efficace bénéficie de son indéniable savoir-faire. Les dialogues de Michel Audiard, moins brillants que d’habitude, ont le mérite de s’effacer derrière le jeu des acteurs.
Delon surplombe un casting particulièrement brillant
Alain Delon est impérial dans un rôle qu’il maîtrise désormais totalement. Il est entouré par une belle brochette de professionnels dont les plus remarquables sont Stéphane Audran (en femme alcoolique), Maurice Ronet en politicien véreux et Jean Bouise en flic intègre. Et que dire de l’apparition furtive, mais glaçante du grand Klaus Kinski.
Ce divertissement particulièrement efficace et bien mené a d’ailleurs été récompensé par un bel accueil de la part du public avec plus de 1,8 million d’entrées sur toute la France, score tout à fait honorable pour la star, sans casser totalement la baraque. Aujourd’hui, Mort d’un pourri peut être aisément considéré comme l’un des meilleurs films de Lautner.
Critique du film : Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 7 décembre 1977
© 1977 Pathé Productions / Affiche : René Ferracci © ADAGP Paris, 2020. Tous droits réservés.