Film d’aventure très daté, Le prince esclave séduit lorsqu’il se permet des échappées vers le fantastique. Le reste demeure très conventionnel et kitsch.
Synopsis : Un jeune garçon enlevé par des pirates puis vendu comme esclave se retrouve échanson à la cour de Constantinople, alors assiégée par les Turcs. Alors qu’un accord de paix est enfin trouvé, le jeune garçon a une vision, provoquée par un astrologue : il serait le fils du roi de Durazzo, enlevé jadis par le fils du Duc de Bourgogne. Il va se lancer dans une quête initiatique qui l’amènera à reconquérir son trône.
Un film d’aventures inspiré d’un vrai livre du Moyen-Age
Critique : Au début des années 50, l’Italie devient une terre d’accueil pour de nombreux tournages venus de l’étranger, et notamment des Etats-Unis. Ainsi, les nombreux décors construits sur place peuvent servir non seulement aux productions étrangères, mais aussi à des sous-produits locaux. Le triomphe d’Ivanhoé (Richard Thorpe, 1952), avec Robert Taylor, lance notamment la vogue du film d’aventures sur fond de geste médiévale. Ainsi, le producteur Mario Francisci demande à son frère Pietro de surfer sur ce nouveau genre à la mode.
Toutefois, les deux frangins font preuve d’une belle connaissance littéraire puisqu’ils choisissent de porter à l’écran les aventures de Guerrin Meschino d’après le livre chevaleresque d’Andrea da Barberino, auteur du 15ème siècle. Précisons que l’œuvre littéraire est tout bonnement monumentale puisqu’elle comprend tout de même huit livres différents. Afin de condenser les aventures du jeune héros, les scénaristes adaptent surtout le premier livre auquel ils offrent une conclusion inspirée du huitième et dernier volume. Il est d’ailleurs intéressant de souligner que Le prince esclave demeure à ce jour l’unique adaptation du bouquin, ce qui accentue encore davantage sa rareté.
Le prince esclave, un recueil de clichés et quelques échappées fantastiques
Bien évidemment, comme souvent avec les films populaires de l’époque, le livre médiéval n’est qu’un prétexte pour livrer des péripéties typiques des œuvres américaines des années 50. Ainsi, Le prince esclave déroule de manière quasiment programmatique tout le cortège des clichés attachés au genre. Le spectateur a donc le droit au siège militaire d’une grande ville (ici Constantinople, reconstituée à Rome faute de moyens), à des chevauchées endiablées, des tournois livrés pour les yeux d’une belle princesse, et enfin l’inévitable duel à l’épée dans des escaliers (sur le modèle de la séquence culte des Aventures de Robin des Bois (Michael Curtiz, 1938) avec Errol Flynn.
Mais comme nous sommes en Italie, les auteurs s’octroient le droit de déraper de temps à autre dans le fantastique, avec un affrontement entre le héros et un crocodile géant, ainsi qu’un épisode où le jeune aventurier est séduit par une sorcière qui cherche à le garder dans son antre (péripétie que l’on retrouvera encore chez Pietro Francisci dans son Hercule et la reine de Lydie en 1959). Ces séquences, dont certains avancent qu’elles ont été confectionnées par Mario Bava, permettent de pimenter un peu une projection qui n’est jamais désagréable, mais qui n’emballe pas franchement non plus.
Des comédiens entre fadeur et cabotinage
Il faut dire que le long-métrage souffre d’un noir et blanc visant à dissimuler son cruel manque de moyens et que ses acteurs ne sont guère des pointures. Ainsi, Pietro Francisci a tout misé sur des jeunes talents qui venaient d’éclore tout juste après la guerre. Le couple formé par Gino Leurini et Leonora Ruffo manque cruellement d’aspérités.
Les séquences initiales qui présentent leur amour pur sont d’un kitsch typique de l’époque, rejouant la scène du balcon de Roméo et Juliette, la mièvrerie en plus. De même, les sous-fifres incarnés par Anna Di Leo et Antonio Amendola ne servent qu’à offrir des moments de pure comédie qui ne fonctionnent pas toujours, et ceci malgré la qualité réelle des interprètes. Enfin, Giacomo Giuradei en fait des tonnes en méchant. Il roule des yeux et effectue de grands gestes dans le plus pur style outrancier de la Commedia dell’arte.
Le prince esclave ou L’appel du sang
Pour autant, si on laisse son esprit cynique au placard, Le prince esclave n’est pas forcément un mauvais bougre, grâce à son montage plutôt nerveux et un script bien charpenté. Cependant, la musique signée Nino Rota n’octroie aucune plus-value au métrage tant elle se conforme aux canons du film d’aventures de l’époque, avec ses trompettes et autres percussions. Il s’agit donc surtout d’une œuvre datée et désormais totalement démodée ayant bien du mal à supporter le passage du temps.
Le film est sorti en salles en France fin novembre 1952 avec tout d’abord quatre cinémas parisiens dans son viseur : les Midi-Minuit Poissonière et Clichy, Comoedia et e Déjazet. Il a été distribué sous deux titres différents : Le prince esclave et L’appel du sang. L’affiche est identique et seul le titre change. Enfin, signalons que sur la copie visionnée, le titre mentionné est simplement Prince esclave, de même que pour son inscription au CNC. Avec 646 211 entrées cumulées, la petite série B a donc été plutôt une bonne affaire pour son distributeur.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 28 novembre 1952
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Pietro Francisci, Ugo Sasso, Sergio Fantoni, Leonora Ruffo, Gino Leurini, Aldo Fiorelli, Anna Di Leo, Antonio Amendola
Mots clés
La chevalerie au cinéma, Le Moyen-Age au cinéma, Les tournois au cinéma