Le mépris : la critique du film (1963)

Drame | 1h43min
Note de la rédaction :
10/10
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Le Mépris, affiche du 60e anniversaire.

  • Réalisateur : Jean-Luc Godard
  • Acteurs : Michel Piccoli, Brigitte Bardot, Jack Palance, Jean-Luc Godard, Giorgia Moll, Fritz Lang, Raoul Coutard
  • Date de sortie: 20 Déc 1963
  • Nationalité : Français, Italien, Américain (participation non créditée)
  • Titre original : Le mépris
  • Titres alternatifs : Contempt (titre international) / Die Verachtung (Allemagne) / El desprecio (Espagne) / O Desprezo (Portugal) / Il disprezzo (Italie)
  • Année de production : 1963
  • Scénariste(s) : Jean-Luc Godard, d'après le roman Le Mépris d'Alberto Moravia
  • Directeur de la photographie : Raoul Coutard
  • Compositeur : Georges Delerue
  • Société(s) de production : Rome Paris Films, Les Films Concordia, Compagnia Cinematografica Champion
  • Distributeur (1ère sortie) : Cocinor
  • Distributeur (reprise) : Ciné Classic (2011), Carlotta (2013)
  • Dates de reprise : 14/10/1981 - 31/ 03/1993 - 27/07/2011 - 20/11/2013
  • Éditeur(s) vidéo : Vidéofilms (VHS) / G.C.T.H.V. (DVD, 2000) / Aventi (DVD, 2001) / StudioCanal (DVD, 2007) / StudioCanal (Blu-ray, 2009) / StudioCanal (blu-ray collector 50ème anniversaire, 2013)
  • Date de sortie vidéo : 3 décembre 2013 (collector 50ème anniversaire)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 1 619 020 entrées (France, sorties cumulées) / 600 818 entrées (pp, sorties cumulées) / 234 374 entrées (pp, 1ère exclusivité) // 11 935 entrées / 4 541 entrées (1993) // 1 102 entrées Paris (reprise 2011) // 1 826 entrées / 915 (reprise 2013)
  • Box-office nord-américain : 903 986 $
  • Budget : 900 000 $
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie / Tous publics de nos jours
  • Formats : 2.35 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : 60 eme anniversaire - Sélection Cannes Classics 2023
  • Illustrateur / Création graphique : Gilbert Allard (affiche 1963) / Dark Star (affiche 2013)
  • Crédits : © 1963 STUDIOCANAL – Compagnia Cinematografica Champion S.P.A.
Note des spectateurs :

Chef-d’œuvre impérissable, Le mépris est non seulement le meilleur film avec Bardot, mais aussi le plus beau de Godard. A la fois solaire, essentiel et tragique. Et quelle musique !

Synopsis : Le scénariste parisien Paul et son épouse Camille rejoignent le réalisateur Fritz Lang en tournage pour le compte du producteur de cinéma américain Jeremy Prokosch, sur le plateau du film Ulysse à Capri en Italie. Il est proposé à Paul Javal de reprendre et de terminer le scénario du film, ce qu’il accepte, pour des raisons économiques. Durant le séjour, Paul Javal laisse le riche producteur seul avec Camille et encourage celle-ci à demeurer avec lui, alors qu’elle, intimidée, insiste pour rester auprès de Paul. Camille pense que son mari la laisse à la merci de Prokosch par faiblesse et pour ne pas froisser ce nouvel employeur. De là naissent des malentendus, la déchirure, le mépris, et la désagrégation du couple.

Un projet cossu pour Jean-Luc Godard

Critique : En 1963, Jean-Luc Godard n’a pas connu de vrai succès commercial depuis le coup de tonnerre A bout de souffle (1960). Il vient même d’essuyer un impitoyable échec avec Les carabiniers (1963) qui ne génère que 68 299 entrées sur toute la France, soit son plus mauvais score. Le producteur Georges de Beauregard lui propose alors de lire un roman d’Alberto Moravia intitulé Le mépris, publié en 1954. Le cinéaste s’avère intéressé par le projet et souhaite alors montrer qu’il est capable de tourner dans une économie traditionnelle. Le budget est donc nettement plus conséquent, favorisé par la présence au générique de la star Brigitte Bardot, mais aussi par les fonds italiens de Carlo Ponti et d’un coproducteur américain qui investit de manière discrète.

Coffret Godard, jaquette blu-ray

© 2017 StudioCanal. Tous droits réservés.

Si la présence au générique de Brigitte Bardot peut a priori surprendre, on se souviendra que Jean-Luc Godard a fait partie des rares critiques à ne pas incendier la jeune actrice à ses débuts. Du côté de l’actrice, elle a déjà montré qu’elle était capable de prendre des risques en jouant dans des œuvres ambitieuses comme La vérité (Clouzot, 1960). Pour Godard, c’est aussi l’occasion de contredire ses détracteurs qui estiment qu’il est incapable de tourner un film de manière plus traditionnelle. Certes, Godard va continuer à improviser sur le tournage, mais il a bel et bien écrit un scénario de plus d’une centaine de pages qu’il a globalement suivi.

Une histoire de couple qui évoque la relation Godard – Anna Karina

Même si Godard adapte le roman d’un autre, Le mépris constitue une œuvre très personnelle qui synthétise toutes les obsessions et interrogations du cinéaste. Effectivement, le long-métrage est tout autant une analyse de la désagrégation d’un couple qu’une œuvre sur le cinéma. En ce qui concerne l’histoire du couple au centre du récit, on ne peut s’empêcher d’y voir une transposition du vécu de Godard avec l’actrice Anna Karina, alors son épouse.

Ainsi, le couple formé par Piccoli et Bardot est d’abord présenté comme fusionnel à travers une première séquence d’intimité parfaitement maîtrisée (et toutefois imposée par les financiers américains pour avoir davantage de séquences de nu avec Bardot). Pourtant, le long-métrage va peu à peu décrire la fin d’un amour. Le point de départ n’est pas clairement établi par le cinéaste, mais on comprend que le personnage de Bardot perd peu à peu l’estime et l’admiration qu’elle éprouvait pour son conjoint, au point de finir par le mépriser. La grande force du métrage vient justement du fait que Godard n’explique jamais vraiment le sentiment du personnage féminin.

Photo de Michel Piccoli et Brigitte Bardot dans Le Mépris de Jean-Luc Godard

© 1963 STUDIOCANAL – Compagnia Cinematografica Champion S.P.A.

Le mépris ou l’histoire de la conception d’un film

Puisque cette intrigue sentimentale est bien au cœur du film, Godard ose tourner une vaste scène de dispute dans un appartement qui s’étale sur près d’une demi-heure. Pour autant, cet affrontement essentiellement verbal n’est jamais ennuyeux grâce à l’ingéniosité de la réalisation de Godard dont la caméra arpente les différentes pièces de manière fluide. A coups de plans-séquences complexes, il parvient à orchestrer un ballet des sentiments contradictoires avec une incroyable maestria.

A cette intrigue sentimentale, il faut ajouter la réflexion sur le cinéma, interrogation centrale de l’œuvre de Godard. Ici, il oppose de manière claire l’artiste (incarné par le réalisateur Fritz Lang auquel Godard rend ainsi hommage) au producteur (incarné par l’Américain Jack Palance). Lui qui a admiré le cinéma américain issu des studios n’est pas nécessairement opposé à la présence des producteurs dans le processus cinématographique, mais il signifie ici que l’ingérence de plus en plus manifeste de certains financiers peut entraver le processus créatif. En cela, le personnage de Bardot admire surtout les artistes, tandis que celui de Michel Piccoli se laisse séduire par le milieu du cinéma et son aspect plus glamour et superficiel. Il existe donc également au sein du couple une fracture entre deux conceptions du cinéma irréconciliables.

La Méditerranée sublimée et Delerue au firmament

Bel objet intellectuel, Le mépris ne peut pas être résumé à ces confrontations thématiques car Godard découvre ici la beauté des paysages méditerranéens et de la culture gréco-romaine antique. Chaque plan vient sublimer la magnificence des paysages, tandis que la villa Malaparte utilisée dans la dernière partie du film offre un décor grandiose à un sujet qui prend dès lors une allure de tragédie classique. Certes, Le mépris évoque la fin tragique d’une relation amoureuse, mais filmée dans des couleurs vives et éclatantes qui chantent la beauté de la nature environnante.

Toutefois, le film ne serait pas aussi fort sans la sublime musique composée par Georges Delerue. Utilisée de manière constante, cette partition symphonique inonde la bande-son au point parfois d’effacer les dialogues. Elle nimbe les images d’une beauté annonciatrice de la tragédie à venir. Elle vient se poser de manière harmonieuse sur les images superbes de Raoul Coutard et complète ainsi à merveille un film qui n’a pas pris une ride en plus de cinquante ans. La marque des vrais chefs-d’œuvre.

Brigitte Bardot dans Le Mépris de Jean-Luc Godard

© 1963 STUDIOCANAL – Compagnia Cinematografica Champion S.P.A.

Des critiques mitigées et un public circonspect pour un futur classique

La rencontre entre Godard et Bardot – par ailleurs superbe, tout comme son partenaire Michel Piccoli – n’est pas passée inaperçue et le long-métrage est sorti dans les salles parisiennes fin décembre 1963 avec beaucoup de publicité, mais sans rencontrer un énorme succès. En fait, le long-métrage s’est imposé petit à petit dans les consciences, y compris des critiques qui furent moyennes, mais ses premiers chiffres s’avèrent globalement décevants pour une œuvre mettant en scène Brigitte Bardot. Pour Godard en revanche, il s’agit plutôt d’un succès. Il apporte surtout la preuve qu’il peut réaliser une œuvre un peu plus accessible.

Devenu un grand classique du cinéma français des années 60, Le mépris a été souvent repris en salles, avant de connaître de multiples éditions en DVD et blu-ray, pas toujours dans des copies satisfaisantes.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 18 décembre 1963

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Le Mépris, affiche du 60e anniversaire.

Le Mépris, affiche du 60e anniversaire. © Design 2023 : Laurent Durieux – Distributeur 2023 : Carlotta. Tous droits réservés?.

La sortie du film :

Le mépris est proposé le 20 décembre 1963 dans les cinémas le Publicis, le Lord Byron, le Mistral, le Gaumont Rive Gauche, et le Vendôme sur la capitale.

La sortie été longuement préparée par Cocinor qui souhaitait capitaliser sur la rencontre entre Brigitte Bardot, 7 ans après Et Dieu créa la femme, et Godard. La star féminine sortait de dix succès consécutifs, notamment de En cas de malheur (3 508 853 entrées), Babette s’en va-t-en guerre (4 657 610), et surtout La vérité (5 694 993).

Pour la promotion du futur classique, Cocinor a beaucoup misé sur la sublime affiche de Gilbert Allard. Dès le mois d’octobre, largement en amont, l’affiche avait investi le métropolitain : 80 visuels à partir du 23 octobre, 120 à partir du 30… Une vraie promotion de blockbuster comme le soulignait La Cinématographie Française, en octobre 1963.

Le mépris démarrera sur Paris timidement  avec 36 568 entrées en première semaine, 46 325 en 2e semaine. C’est mi-janvier que le Godard prendra son envol avec la sortie sur l’ensemble du territoire et une 3e place, derrière La cuisine au beurre et La grande évasion. Au final, le film cesse sa carrière à 1 619 020 entrées soit le score le plus bas pour Brigitte Bardot depuis 1957 et les 571 983 entrées des Week ends de Néron.

Frédéric Mignard 

Le mépris, l'affiche de la reprise

© 1963 StudioCanal / Conception graphique affiche : Dark Star. Tous droits réservés.

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Le Mépris, affiche du 60e anniversaire.

Bande-annonce de Le mépris

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