Comédie fort sympathique, Le jeu de Fred Cavayé bénéficie d’une dynamique de groupe qui tient toutes ses promesses.
Synopsis : Le temps d’un diner, des couples d’amis décident de jouer à un « jeu » : chacun doit poser son téléphone portable au milieu de la table et chaque SMS, appel téléphonique, mail, message Facebook, etc. devra être partagé avec les autres. Il ne faudra pas attendre bien longtemps pour que ce « jeu » se transforme en cauchemar.
Le film au 25 remakes internationaux
Critique : L’idée initiale du Jeu découle d’un film italien intitulé Perfetti sconosciuti (Paolo Genovese) sorti en 2016 qui a lui-même déjà fait l’objet d’un remake espagnol dégoupillé par Álex de la Iglesia (Perfectos desconocidos, 2017). Il sera remaké au total pas moins de 25 fois en 9 ans, le dernier à cette date étant Indien, en 2024.
Autant dire que l’originalité n’est donc guère de mise avec cette troisième version de la même intrigue, même si le réalisateur Fred Cavayé précise qu’il a modifié de nombreux éléments de l’histoire pour pouvoir mieux coller au contexte français. Il faut dire que l’idée de départ est plutôt savoureuse puisque des amis d’enfance se réunissent pour un dîner au cours duquel un jeu lié au téléphone portable va venir bouleverser tous leurs rapports.
Présenté initialement comme une comédie, Le jeu se teinte rapidement d’amertume et le déballage de linge sale finit par faire mal, un peu comme s’il s’agissait d’une version un plus sombre du Prénom
Ici, le réalisateur Fred Cavayé s’inscrit pleinement dans une veine typiquement française du huis clos qui tourne au cauchemar. On pense bien évidemment aux films scénarisés par Bacri-Jaoui (Cuisine et dépendances ou Un air de famille), mais aussi au Prénom déjà cité. Le principal apport du cinéaste consiste en un rythme soutenu qui empêche le métrage de tomber dans la répétition, alors même que le postulat théâtral peut s’avérer ennuyeux. Ainsi, les révélations s’enchaînent de manière trépidante, laissant peu de temps au spectateur pour souffler.
Passant en quelques secondes du rire au drame, Le jeu est un véritable grand huit émotionnel porté par un casting particulièrement bien dirigé. Au petit jeu injuste des récompenses, on citera volontiers la grande sobriété de Grégory Gadebois, mais aussi la prestation plus explosive de Suzanne Clément. Mais bien évidemment, l’ensemble des acteurs devrait être cité car c’est bien la dynamique de groupe qui fonctionne parfaitement ici.
Au passage, le script nous invite à réfléchir sur ce qui doit relever de la pure sphère privée et de ce qui peut être partagé sur le net, un réseau par essence public. Réflexion sur le couple, mais aussi sur l’amitié, le film parvient à ne pas tomber dans le piège de la bonne conscience beauf comme ce fut le cas avec des œuvres comme Le cœur des hommes.
Malheureusement, on reste davantage dubitatif quant au retournement de situation qui intervient cinq minutes avant la fin. Certes, ce tour de passe-passe (que nous ne dévoilerons pas) permet de conserver un ton relativement léger de comédie, mais cela entame quand même fortement l’implication du spectateur dans ce qui lui a été proposé jusque-là. Pas de quoi bouder le plaisir d’une projection fort sympathique, mais suffisamment frustrant pour qu’on n’ait pas envie d’y revenir.
Critique de Virgile Dumez
Le Jeu au box-office :
Réalisé un an après le film original de Paolo Genovese, Le jeu connaîtra un beau succès en France, avec pas moins de 1 639 000 spectateurs en France. L’Hexagone sera l’un des 25 pays a remaké ce phénomène avec des pays comme la Corée du Sud, la Chine, le Mexique, l’Allemagne, le Japon ou Israël.
Le remake fabriqué en France démarre tranquillement sa carrière peu avant les vacances de la Toussaint, en 2018, avec 429 132 entrées dans 470 salles, et va se maintenir pendant deux semaines au-dessus des 300 000 entrées et pendant un total de 5 semaines au-dessus des 100 000 spectateurs.
Pour Cavayé qui sortait de la comédie Radin ! avec Dany Boon (2 900 000), ce score ne sera malheureusement plus jamais atteint, le cinéaste essuiera notamment le bide monumental d’une autre comédie avec Boon, Les chèvres (183 000 entrées pour un budget de 19M€).
Pour Bérénice Béjo, Le jeu sera son 3e plus gros succès entre 2000 et 2025, après The Artist (2011) et OSS 117 Le Caïre Nid d’espions (2006). C’est aussi, entre 1995 et 2024, le 2e plus gros succès français de Suzanne Clément après Le sens de la fête (2017). Stéphane de Groodt y savoure son 3e plus gros succès entre 2001 et 2025, après Supercondriaque (2014) et Astérix et Obélix au pays de sa Majesté (2012), mais il y tenait de tous petits rôles… Cela reste également le plus gros succès de Doria Tillier, devant La belle époque (2019). La comédienne ne dépassera plus le million durant les années 2020, malgré 7 films entre 2021 et 2024.
A ce petit jeu-là, toute le monde a été gagnant, surtout Mars Films, distributeur et producteur qui était alors dans l’impasse financière après une année 2017 et 2018 mortifères. La faillite n’était plus qu’une question de mois. Le distributeur de La famille Bélier, La vérité si je mens ! 3, Demain tout commence, Des hommes et des Dieux, Polisse et Potiche cessera toute activité 27 films plus tard, avec un ultime film en salle le 22 janvier 2020.
Box-office : Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 17 octobre 2018
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Fred Cavayé, Bérénice Bejo, Roschdy Zem, Doria Tillier, Vincent Elbaz, Grégory Gadebois, Stéphane de Groodt, Suzanne Clément